« Kerberos » T1 par Berry Star et Lira Aikawa

En grec ancien, le Kerberos est un cerbère. Ici, c’est le nom d’une troupe d’élite censée protéger le Psi : la nouvelle énergie extrêmement convoitée que le Japon vient de découvrir. Composée de deux hommes et d’une femme, elle est censée représenter le fameux chien à trois têtes qui garde les portes de l’enfer. Ces héros sont bien évidemment soumis à un rude entraînement et leurs missions sont périlleuses. Un manga ou la beauté du graphisme et le divertissement l’emportent sur la cohérence du scénario.

Rempli de poncifs et de clichés propres à la bande dessinée d’action, « Kerberos » n’en reste pas moins extrêmement prenant. Il ne faut pas chercher une approche trop réaliste des faits. L’action se passe dans un futur indéterminé. Une énergie nouvelle a été découverte par le gouvernement japonais, qui la cache, enfouie dans un musée énigmatique. ; le tout, gardé par une troupe d’élite, mais extrêmement réduite. Les trois membres qui la composent ne sont, en plus, pas vraiment fiables : un colosse ne pensant qu’avec ses muscles, un bellâtre trop curieux et une fille névrosée. Cette dernière est indéniablement le point central de cette histoire. Dans sa jeunesse, elle a vécu un traumatisme lié à une pluie argentée. Aucune autre explication sur sa condition n’est donnée dans ce premier tome. Seul un cadavre de femme sanguinolente reposant à ses pieds, durant cette pluie battante, est là pour exprimer la brutalité de la scène et le bouleversement évident qui peut s’en suivre. Elle est particulièrement forte pour une personne que l’on imaginerait plus dans un défilé de mode que sortant d’une salle d’entraînement de l’armée. Bien évidemment sa plastique exagérée est bien mise en valeur tout au long du manga.

La vraisemblance du scénario n’est pas le point fort de cette œuvre, tout réside dans la beauté du graphisme. L’anatomie est admirablement maîtrisée, les cadrages savamment étudiés. L’action omniprésente est adroitement mise en image. Tout est fait pour que le lecteur en prenne plein la vue. Ce lecteur ciblé étant principalement masculin, c’est en toute logique « mercantile » que le Corps féminin de l’héroïne Sakuya est mis en avant aussi souvent que possible. Cette troupe d’élite a apparemment des pouvoirs spéciaux, du coup, leur armement se résume à deux pistolets plaqués sur une combinaison plus que moulante. Celle-ci suit avec précision l’anatomie des héros, aussi bien masculins que féminins, pas de jaloux à ce niveau-là. L’habilité du cadrage faisant le reste pour arriver à émoustiller le lecteur et le tenir en haleine avec une histoire totalement invraisemblable. On se croirait dans un jeu vidéo.

De plus, au fil de l’histoire, Sayuka se montre tour à tour fragile lorsque la pluie se met à tomber, mais aussi particulièrement violente et sanguinaire quand l’ennemi lui fait face. Plus cliché, c’est difficile. Surtout sachant qu’avant d’affronter à elle seule une horde de monstres sortis de nulle part, elle était à la merci d’un seul et unique ennemi : un grand noir bien baraqué et apparemment incroyablement fort. Toujours dans le style cliché, en tant que méchant, il finira par mourir bêtement. Mais ça passe, les amateurs d’action sont habitués à ce genre de retournement de situation un peu facile, surtout lorsque le héros est en proie à un ennemi à première vu indestructible.

Ce manga est l’œuvre de deux personnes. En premier, la scénariste star du studio Nakes Ape : Lira Aikawa. Elle sait créer un panel de personnages charismatiques et les placer dans des situations improbables à même de faire fantasmer son lectorat. Sa construction scénaristique est dynamique et prenante. Pas besoin de chercher un semblant de cohérence avec les lois de la physique ou de l’espace : il suffit de s’immerger dans son univers pour être bercé par le flux tendu de l’action. Le postulat de base, la découverte d’une énergie nouvelle et convoitée, n’étant là que pour permettre une succession de combats qui devraient aller crescendo.

Derrière le dessinateur Berry Star se cache un jeune coréen, dont c’est la première œuvre commandée par un éditeur japonais. Dans son pays, il est connu sous le pseudonyme de Kim Don Fun. Il manie la plume avec dextérité et son trait est lisse et clair. Bien évidemment, c’est sa maîtrise parfaite de l’anatomie des corps, aussi bien masculins que féminins, qui joue ici un rôle primordial. Même si, parfois, il prend quelques libertés comme on peut le constater lorsqu’il y a besoin de mettre en valeur la poitrine proéminente de Midori, une amie très (trop) proche de Sakuya. On ne peut qu’être bluffé par son sens de la mise en page et des cadrages parfois osés. Il n’hésite pas à déplacer en permanence son point de vue lors des scènes d’action, afin de ne rien perdre du spectacle. C’est extrêmement stylé et, malgré la confusion inhérente à un combat violent, tout se déroule avec grâce devant nos yeux, comme dans un ballet sanglant. Les corps s’enroulent, évitent les tirs et ripostent le plus habilement possible. On est hypnotisée par cette débauche visuelle, toute en esthétisme.

Entre ces deux planches où apparaît la jolie Midori, le dessinateur n'a pas hésité à prendre quelques libertés afin de bien mettre en avant la poitrine de la jeune femme qui change du simple au double en quelques cases.

Voilà un manga destiné à un public habitué du genre « action et belles poupées surarmées ». Il ne faut pas essayer de le mettre entre les mains des amateurs de romans graphiques ou autres histoires réalistes, il ne trouverait assurément pas grâce à leurs yeux. Mais on ne peut s’attendre à une œuvre intellectuelle, à la vue des premières planches. Tout est fait pour le divertissement, et c’est complètement assumé. Pour le moment, la série est toujours en cours au Japon, trois tomes étant déjà disponibles.

Gwenaël JACQUET

« Kerberos » T1 par Berry Star et Lira Aikawa
Éditions Tonkam (7,99 €) – ISBN : 978-7560-1120-4

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