Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Come Prima » par Alfred
Tout le monde connait la chanson de Dalida qui l’a propulsée vedette en 1958 : « Come Prima » (c’est-à-dire « comme avant »). C’est désormais le titre d’un album de bande dessinée mettant en scène cette même année (précisée page 122, mais curieusement contredite en 4ème de couverture) la virée italienne de deux frères que tout a éloigné, séparé, deux frères nés précisément là-bas de l’autre côté des Alpes et que la mort du père va permettre de rabibocher non sans difficultés…
Fabio a enfin retrouvé Giovanni, un frangin marginal et fuyard devenu boxeur un peu minable. Fabio lui propose du jour au lendemain de l’accompagner en Italie pour ramener dans les terres natales les cendres du père disparu et faire ensemble le voyage, voyage géographique doublé d’un voyage familial. Giovanni refuse, puis se laisse convaincre. Après tout, il y a peut-être un peu d’héritage à la clé ! Il n’a pas tort car c’est dans la vieille fiat 500 du père qu’ils vont sillonner la péninsule et faire ce « putain de voyage » !
Le dialogue n’est pas facile entre les deux frères : il y a de la rancœur, de la méfiance, de la colère et tout ça ne fait pas bon ménage quand on est à l’étroit dans une petite Fiat, paternelle qui plus est ! Giovanni râle, vitupère et n’en finit pas de régler ses comptes, celle du fils qui s’est exclu par aigreur, malaise, jalousie… Mais pas seulement : il estime avoir eu seul le courage de couper les ponts et de vouloir sortir du cocon : « C’est moi les grands voyages ! C’est moi les femmes et c’est moi l’aventure ! La putain de grande vie, c’est moi ». Alors, qui c’est le raté ? Est-ce lui, qui a fui l’Italie pour aller combattre en Éthiopie ? Qui est véritablement l’ado qui a fraternisé avec les Chemises Noires ? Même avec un chien très doux récupéré au bord de la route et qui compte les points, ça vire au pugilat !
Au fil des heures, des jours, au fil des chemins, des rencontres, Alfred égraine également des paysages muets, ruraux et urbains, églises et marchés, gros plans animaliers. Après le passage de la douane et les cimes Alpines, voilà la côte méditerranéenne, les vallonnements de la Toscane jusqu’à ce qui semble peut-être un petit port des Pouilles d’où est parti Giovanni (page 105) et où se cachent encore quelques secrets de famille…
Alfred dessine avec délice ces tableaux ensoleillés et chaleureux tout comme il s’adonne à d’étranges séquences souvenirs tout en bleu-rouge sur fond sable, usant alors d’un trait extrêmement dépouillé, comme solarisé. Ailleurs, lors d’un cauchemar, des contours ténus ont du mal à contenir des couleurs mauve-rougeâtres et déliquescentes. Pour un premier album réalisé seul, Alfred réalise un road-movie émouvant, inspiré de souvenirs familiaux, de ces racines indestructibles avec lesquelles il compose, prend des libertés et voyage à son tour… Mai piu come prima (plus jamais comme avant) !
Alors, bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Come Prima » par Alfred
Éditions Delcourt (19,99 €) – ISBN : 978-2-7560-3152-1