Luc Collin, dit Batem, surtout connu pour sa reprise du « Marsupilami » (sollicitée par André Franquin lui-même, à partir de 1987), sort un peu de sa zone de confort, après avoir réalisé 33 opus mettant en scène le célèbre animal fantastique, sur scénarios de Franquin et Greg, Yann, Éric Adam et Xavier Fauche, Dugomier, Stéphan Colman… En effet, acoquiné une nouvelle fois à son complice humoriste Nicolas Pothier (1), il vient d’enluminer — de son expressif trait proche du créateur de Gaston Lagaffe, mâtiné ici d’un obligatoire style disneyen — quatre courtes, mais hilarantes aventures de Fantomiald ; lequel a, ainsi, droit à son propre album dans la collection Disney/Glénat qui propose des créations originales, en laissant une certaine liberté artistique aux auteurs ! (2)
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Tsukasa Hôjô est l’un des auteurs incontournables du manga moderne. Pourtant, l’édition de ses œuvres en France ne s’est pas toujours faite dans les meilleures conditions. Chez nous, c’est la télévision qui l’a fait connaître. À partir de 1986, FR3 a diffusé sa série « Cat’s Eyes ». En, 1990 c’est «Nicky Larson» (alias « City Hunter » en VO) qui l’a définitivement popularisé, suite à la diffusion de la série sur TF1. Ces titres sont dorénavant réédités chez Panini et, contre toute attente, c’est l’éditeur Ki-oon qui aujourd’hui nous ressort ses histoires courtes dans sa collection Les Trésors de Tsukasa Hôjô.
L’édition des œuvres de Tsukasa Hôjô en France est rocambolesque. Tout commence par une version pirate d’un des épisodes de « City Hunter » traduit à la va-vite dans le « Club Dorothée magazine », au milieu des années 1990. Faite sans l’accord des ayants droit, ce fascicule noir est blanc, encarté dans le magazine, restera heureusement une expérience unique. Ensuite, ce sera les éditions J’ai lu qui reprendront la série complète en 36 volumes (1) : à la traduction douteuse, mais surtout extrêmement mal mise en page avec des textes débordant des bulles, des dessins mal retouchés et même des inversions de dialogues. Une catastrophe, qui plus est, est imprimée sur du papier extrêmement mauvaise qualité. Pourtant, cette édition restera, pendant très longtemps, la seule disponible. Du coup, malgré sa piètre qualité, elle finit par se négocier à prix d’or entre collectionneurs. Ce mauvais travail ne pouvait qu’irriter Tsukasa Hôjô, qui, avec l’accord de son éditeur Sueisha, décida de bloquer les droits de tous ses livres à l’étranger. Il exigeait de n’avoir qu’un éditeur, et un sérieux, par pays. Panini fut l’heureux gagnant et ressortit coup sur coup « City Hunter », « Cat’s Eye » et « Familly compo » en édition « deluxe ». L’éditeur italien, qui avait déjà prouvé ses capacités en éditant « Angel Heart », a joué sur le fait qu’il pouvait garantir un niveau de qualité constant sur le marché européen, grâce à ses nombreuses filiales.
Si Panini s’est focalisé sur les grosses séries de Tsukasa Hôjô, il restait à rééditer ses histoires courtes déjà publiées chez Tonkam : « Sous un rayon de soleil » (1997), « La Mélodie de Jenny » (1998), « Le Temps des cerisiers » (1998), « Rash!! » (1999) et « Le Cadeau de l’ange » (2003).
Cette fois-ci, et contre toute attente, c’est l’éditeur Ki-oon qui ressort tous ces titres dans une collection également luxueuse, très justement titrée Les Trésors de Tsukasa Hôjô. Ces mangas, loin d’être des œuvres de jeunesses sans intérêt, sont des histoires courtes, souvent émouvantes et touchantes. Le dessin est égal à celui que l’on connaît, mélange de réalisme et de mimique comiques. Dans la plupart, Tsukasa Hôjô y adopte un ton bien plus sérieux que dans « City Hunter », même si certains passages ont des ressorts comiques éculés qui permettent de ne pas se couper des fans de la première heure.
Premier titre de la collection sortie en juillet 2013, « La Mélodie de Jenny » nous plonge au cœur des tragédies liées à la Seconde Guerre mondiale. Le livre est composé de trois histoires courtes (2)
« Aux confins du ciel, dans la tourmente de la guerre » : le destin tragique d’un jeune garçon voulant devenir pilote tout comme son frère. La guerre en décidera autrement, sa première mission, devenir kamikaze et donc sacrifier sa vie, en vain, pour son pays.
« La Mélodie de Jenny » : un musicien américain marié à une Japonaise depuis10 ans tente de regagner sa famille à Tokyo. Il a taillé une flûte dans un bambou, afin de jouer le morceau qu’il a composé pour les sept ans de sa fille jenny. Accompagnés de quatre enfants errants, ils longent la voie de chemin de fer pour arriver à leur destination. Le destin en décidera autrement.
« American Dream » : un jeune japonais, champion de baseball, rêve d’une carrière américaine. De passage aux USA, il va voir son rêve se réaliser, mais la haine envers les Japonais, déjà présente, compromet son destin.
Ces trois histoires nous montrent bien l’envers de la barbarie dû à la guerre. Comment des destins prometteurs peuvent être sacrifiés pour une idéologie peu glorieuse. Tsukasa Hôjô, avec son trait réaliste, arrive à nous émouvoir et sait évoquer avec justesse ces bouts de vie qui n’aurait jamais mérité de rencontrer les horreurs dues à la folie des hommes.
Second recueil d’histoires courtes paru en septembre 2013, « Le Temps des cerisiers » comporte, pour sa part, quatre histoires (3) :
« Le Temps des cerisiers » : On y retrouve les mêmes personnage qui apparaîtront plus tard dans la série « Sous un rayon de soleil », notamment Sarah, une jeune fille pouvant discuter avec les plantes. Ses pouvoirs cachent un grand secret qui malheureusement l’oblige à régulièrement déménager, c’est pourquoi, avec son père, elle exerce le métier de fleuriste ambulant.
« Une histoire de famille » : Hideyuki a perdu la mémoire à la suite d’une chute dans un escalier. Il ne se souvient plus de son métier de photographe, ni de la femme partageant sa vie. Pire encore, il ne se rappelle plus de son fils. Une des histoires les plus proches de l’univers de « City Hunter ». On retrouve le côté obsédé de Ryo Saeba et les mimiques propres ont Tsukasa Hôjô. C’est un récit frais et amusant.
« Taxi driver » : Quand on est un vampire, quoi de mieux que de travailler la nuit ? Surtout si son métier, taxis, permet également de rencontrer facilement des proies. Malheureusement, Akira Oogami va s’éprendre d’une de ses clientes et ne réussira pas à lui pomper son sang. Petit clin d’oeil amusant : Les personnages de « City hunter », Ryô Saeba et Kaori Makimura, apparaissent subrepticement dans cet épisode, car ils sont voisins de ce vampire.
« Rêve d’été » : Misako fait continuellement le même rêve, même si elle ne peut le décrire à son réveil. Elle a également une peur bleue de l’eau et, a l’approche d’un étang vide, elle tombe à la renverse et se fracasse le crâne contre un rochet. Dans le coma, elle se prend à rêver. Tout y passe, de « Peter Pan » à « City Hunter » en passant par « Cat’s Eyes ».
Troisième et dernier recuit d’histoire courte de Tsukasa Hôjô, « Le Cadeau de l’ange » est annoncé pour le début 2014.
Ce volume comportera cinq histoires dont les deux dernières sont les épisodes prologues ayant servi à la création de la série « City Hunter ».
En même temps que ces recueils ressortent également la série en trois volumes « Sous un rayon de soleil ». Ce récit fait suite à l’histoire « Le Temps des Cerisiers » en y étoffant les personnages. Sarah est furieuse, un jeune garçon veut abattre un arbre sous prétexte que sa sœur s’est blessée, après en être tombée. Sous ses airs de comédie, cette histoire faite une grande place a la nature, telle qu’elle est présente en milieux urbains. C’est une vraie fable écologique qui montre la grande sensibilité de l’auteur vis-à-vis de toute ces plantes et arbres qui peuvent nous entourer, sans que l’on n’y prête vraiment attention.
Les éditions Ki-oon ont fait un travail remarquable. L’impression est bien évidement irréprochable, comparée à ce que Tonkam avait fait il y a de cela prêt de quinze ans. Le format est également plus grand, le papier de meilleure qualité et la traduction entièrement refaite. De plus, toutes les pages en couleurs ont été conservées, que ce soit les pages d’introduction, les pages centrales ou même les pages en simple bichromie comme c’est le cas au début de « Sous un rayon de soleil ».
C’est bien évidemment une collection indispensable pour les amateurs de l’œuvre de Tuskasa Hôjô, mais également pour les autres qui souhaitent le découvrir. Pas besoin de connaître l’univers de « City Hunter » pour apprécier ces histoires courtes. Elles sont indépendantes les unes des autres même si quelques clins d’œil s’y sont glissés au fil des pages.
Si l’on ne remonte pas aussi loin dans le patrimoine qu’avec Osamu Tezuka ou Shotaro Ishinomori, le travail de Hôjô entre dorénavant dans cette catégorie d’auteurs incontournables dans l’histoire du manga. Il était important que la majeure partie de son travail soit disponible, et dans une édition de qualité permettant d’apprécier à sa juste valeur son œuvre : voilà qui est dorénavant fait.
Gwenaël JACQUET
« La Mélodie de Jenny » par Tsukasa Hôjô
Éditions Ki-oon (7,90 €) – ISBN : 978-2-35592-484-2
« Le Temps des cerisiers » par Tsukasa Hôjô
Éditions Ki-oon (7,90 €) – ISBN : 978-2-35592-525-2
« Sous un rayon de soleil » T1 par Tsukasa Hôjô
Éditions Ki-oon (7,90 €) – ISBN : 978-2-35592-483-5
« Sous un rayon de soleil » T2 par Tsukasa Hôjô
Éditions Ki-oon (7,90 €) – ISBN : 978-2-35592-502-3
« Sous un rayon de soleil » T3 par Tsukasa Hôjô
Éditions Ki-oon (7,90 €) – ISBN : 978-2-35592-555-9
(1) Alors que l’édition originale japonaise n’en comporte que 35.
(2) Anciens titre chez Tonkam : « Aux frontières du ciel, des enfants sur un champ de bataille », « La Mélodie de Jenny » et « Le Rêve américain ».
(3) Anciens titre chez Tonkam : « Le Temps des cerisiers », « Complot de famille », « Taxi driver », « Rêve d’été ».
SAKURA NO HANA SAKUKORO (© 1992), SHONENTACHI NO ITA NATSU – Melody of Jenny (© 1995) & KOMOREBI NO MOTO DE… (© 1993) by TSUKASA Hôjô / NSP. All Rights Reserved. French translation rights arranged with North Stars Pictures. Inc. Tokyo through Tuttle-Mori Agency, Inc, Tokyo