« Mamada T1 : Époustouflante migrante » par David Ratte

Pourquoi voyager triste ? On peut effectivement voyager pour se divertir et bien s’amuser. Le plus simple pour cela, c’est de fourrer son nez dans un album qui fait voyager et qui fait rire. Et tant qu’à faire qui ferait réfléchir ? C’est peut-être beaucoup demander ! Avec sa Mamada (c’est une héroïne), David Ratte prend les paris et nous emmène au nord de la Namibie…

 Cela commence effectivement au au Kaokoland  - Non, ce nom n’est pas inventé pour faire exotique ou sourire – dans cette Namibie desséchée où vit le peuple Himba dont les membres se teignent traditionnellement la peau en rouge avec une pommade réalisée à base de graisse animale et de poudre d’hématite pour se protéger du soleil, de la sécheresse de l’air et des insectes.  Jusque-là, on est d’accord, rien de drôle !  Sauf que l’indigène que croisent les touristes du « Safari Riri » est une cheftaine de caractère, acariâtre et belliqueuse, le genre qui rouspète et houspille son mari et qui n’a pas peur se secouer le sorcier du village, un pauvre gus qui sait qu’il est nul et que ses grigris sont inutiles, mais il joue le jeu : faut bien garder son rang ! Mamada n’aime pas trop non plus les jeunes  (elle a une fille qui prend le bus, s’habille moderne et ne se couvre même pas les chevilles, indécence suprême chez les Himbas !). Elle déteste tout particulièrement les touristes et les blancs (tous les touristes ne sont pas blancs !) qui les découvrent comme dans un parc d’attraction.

Bon, alors, c’est quand que c’est drôle ?!? Cela le devient à cause des Chinois qui balancent un je ne sais trop quoi dans le désert au moment où Mamada chasse un zèbre. Et la voilà dotée de pouvoirs bizarroïdes, capable de redonner vie aux morts mais surtout de se téléporter chez les Blancs (qu’elle exècre) et d’en ramener inexplicablement par lots entiers dans son pays. Bref, c’est la confusion dans le métro comme dans le désert ou des échanges de populations aléatoires perturbent  les charmants équilibres, tribal et citadin. Belle pagaïe et grands désarrois ! Dès lors, c’est du Ratte ! Qui se dilate ? Nettement, oui, car son humour ravageur en délocalisant les uns et les autres fait merveille. Le procédé n’est pas nouveau : des Persans de Montesquieu à « Un indien dans la ville », il suffit d’ancrer des étrangers loin de chez eux pour tout déraciner, tout déglinguer et remettre à plat toutes les certitudes) mais David Ratte sait composer des personnages pittoresques et attachants, le tout non sans émotion (cf. la petite suicidaire en fin d’album). Et la faune n’est pas oubliée : il y a un oiseau tueur de lion, un chat qui renait de ses cendres et des zèbres affolés à en perdre leurs rayures !

Après avoir dessiné deux cycles du « Voyage des pères » et avant d’entamer la prochaine saison, consacrée à Noé, David Ratte se lance avec ce premier tome dans une histoire contemporaine, teintée de fantastique, dans laquelle il compte bien épingler les travers et les aberrations de la société occidentale, ce qu’il a fait déjà avec « Toxic Planet » en imaginant un monde où la pollution serait telle que tout un chacun irait en portant un masque, où vivre à visage découvert, respirer de l’air pur est devenu impossible au point que ces gens-là ont même du mal à imaginer une nature verdoyante, et même à en supporter l’idée… Ce qui est probablement le cas des Himbas mais pas pour les mêmes raisons !

Alors, bon voyage !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Mamada T1 : Époustouflante migrante » par David Ratte

Éditions Paquet ( 13,50 €) – ISBN : 9782888905660

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>