Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
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S’il est bien un personnage de bande dessinée qui voyage, c’est le Jonathan de Cosey. Grâce à lui, on voyage également dans l’histoire de la BD puisque cela fait bientôt quarante ans (la série commence en 1975) que ce héros cool et frisé vaque nonchalamment entre vaches indiennes et monastères himalayens. Deux ans après « Atsuko », son seizième album est là et l’aventure continue, toujours aussi fascinante…
Jonathan prend le train à Chennai (Madras) au Sud de l’Inde, dans cette province du Tamil Nadu aux temples colorés époustouflants. Destination Delhi, au rythme d’un train et de gares pittoresques et jusqu’à ce vendeur d’oiseaux qui recèle un mainate bien connu de Jonathan : Garuda ! Hasard invraisemblable ou coup de pouce du destin, toujours est-il qu’il reconnaît là le volatile ayant appartenu 20 ans plus tôt à la petite April, l’occasion de tenter de la retrouver pour lui rendre cet animal dont il est impensable qu’elle ait voulu se séparer. Il faut dire que c’est un drôle d’oiseau, le genre qui débite des phrases incongrues du genre « Les passagers sont priés de se présenter à la porte 4 pour procéder à l’embarquement ». Alors on embarque… Voyage, voyage !
Jonathan s’achète une moto et fonce vers le nord et Pine Trees Breeze College où ils sont allés à l’école ensemble (les parents de « Jon » travaillaient alors à New Delhi). L’adolescence du héros remonte à la surface : des images, des paroles, des lectures resurgissent comme ces albums d’une certaine BD franco-belge qui l’accompagnaient là -bas (ce qui nous vaut l’apparition d’une Marsupilamie !). Le routard file sa route, sa mémoire égrainant peu à peu paysages à rhododendrons et souvenirs scolaires où la rêveuse April se prenait pour une Princesse de Paris protégée par Kali… sans oublier les récitations décalées et savoureuses du mainate ! Jonathan pousse encore plus au nord, vers Almora, une petite ville située près de la frontière népalaise, convaincu comme Tintin pour Tchang que sa petite copine d’antan a besoin de lui.
« Que de souvenirs » soupire-t-il, planche 28, alors qu’on est invités planche 35 à nous souvenir de l’album « Souviens-toi, Jonathan », le premier titre paru en 1977. Ce n’est plus une boucle, mais une spirale, spirale ou « tourbillons » puisque c’est de cela qu’il est question au bord d’un lac mystérieux… Pourtant, c’est une boucle puisque, de l’aveu même de Cosey, la série se clôt avec ce titre !
Comme toujours, Cosey mêle savamment le détail minuscule et le décor grandiose dans cet agencement dont il a le secret qui va de la petite ornementation de planche aux éléments architecturaux exotiques. Des vues citadines, vêtements et maquillages typiques, émergent des inscriptions en tous genres, regards et gestes, plats et saveurs, un morcellement, un puzzle (où un palais du Rajasthan est, dit-on, schtroumpfé), avec au bout du compte une société et une histoire qui laissent leur empreinte indélébile : « Celle qui fut » devient « Celle qui est » !
Alors, bon voyage !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Jonathan T 16 Celle qui fut » par Cosey
Éditions Le Lombard (12 €) – ISBN : 9782803633227
Pour « Atsuko », le tome 15, voir la précédente chronique.