COMIC BOOK HEBDO n°105 (09/01/2010)

Cette semaine, petit retour sur « L’Encyclopédie Vertigo ». Car ce n’est pas parce que le flot des nouveaux albums et la nouvelle année sont passés qu’il faut oublier l’existence de livres théoriques ou/et historiques publiés il n’y a pas si longtemps que ça, jalons incontournables de la persistance de notre connaissance de cet art tant aimé… Petite piqûre de rappel, donc, pour celles et ceux qui auraient loupé la sortie de cet ouvrage essentiel. La semaine prochaine, nous serons toujours dans le même esprit, puisque Comic Book Hebdo sera consacré aux « Chroniques de Marvel » récemment sorti chez Semic.

L’ENCYCLOPÉDIE VERTIGO (Semic)

Un ouvrage tout simplement in-con-tour-na-ble signé Alex Irvine… Un événement, un livre indispensable que tout vrai amateur de comics se doit d’avoir dans sa bibliothèque. Au-delà de l’importance du livre en lui-même, son édition comble un manque qui commençait à devenir évident aux vues de l’expansion des titres issus du label Vertigo maintenant disponibles en France. L’édition de cette Encyclopédie Vertigo est donc plus qu’une bonne idée, mieux qu’une belle surprise : c’est purement et simplement un acte éditorial primordial pour la connaissance et l’histoire des comics. Non non, je n’exagère pas, ce n’est pas dans mes habitudes. En effet, le label Vertigo (créé en 1993 par Karen Berger au sein de DC Comics) a transformé la face des comics – rien que ça, madame. De grandes œuvres et de prestigieux auteurs édités sous ce label sont devenus parmi les plus grands classiques contemporains de la bande dessinée anglophone (et non pas américaine, la nuance est importante), participant à une évolution notable des mentalités du milieu éditorial, de la critique et du lectorat, changeant la donne en termes même d’identité des comics. Au début des années 90, le monde des comics était en plein chambardement, il fallait se remettre en question car l’hégémonie Marvel-DC commençait à s’effriter dangereusement, et puis il y eut Jim Lee, McFarlane, Image, et tous les bouleversements qu’on connaît. Grâce à Karen Berger, non seulement DC Comics ne resta pas bloquée dans une enclave archaïque de super-gus costumés un peu trop enfermés dans leur superbe historique, mais en plus elle ouvrit une brèche essentielle en offrant un espace à toute une production qui existait et témoignait de l’évolution du genre sans pour autant avoir les moyens d’être éditée à cause de sa nature échappant à toute lignée éditoriale économiquement forte. Et effectivement, lorsqu’on regarde l’ensemble du catalogue Vertigo, on peine à trouver un adjectif global; c’est même un argument identitaire fort et répété plusieurs fois dans l’ouvrage : Vertigo est une nébuleuse qu’on ne peut cataloguer. Néanmoins, on peut en avoir un sentiment assez synthétique et tout à fait cohérent…

Le voyage est complexe et les cheminements infinis, lorsque l’on parcourt les titres présents, leurs fiches, leur notices, ce qui rend le plaisir de compulser ou de lire cet ouvrage suprêmement agréable, nous poussant à explorer et découvrir le caractère et la spécificité de chaque série. Car contrairement à la maison-mère, Vertigo ne possède pas d’univers commun à tous ses héros. Certes, des grandes œuvres mythiques ont donné lieu à des spin-off (le plus emblématique reste encore Sandman, avec des déclinaisons de son univers assez nombreuses et intéressantes), mais chaque création reste unique et ne cherche pas à tisser des liens avec les autres titres pour instaurer une « cohérence générale » qui n’a pas lieu d’être. Cette encyclopédie est donc structurée par ordre alphabétique de séries et de graphic novels, en deux parties : la première se penche en détail sur l’œuvre, avec une fiche signalétique (dates, numéros, créateurs et artistes), une présentation générale, une notice sur les personnages principaux et un résumé de l’histoire. Pour les œuvres les plus importantes, nous trouverons aussi des rubriques sur les lieux et les moments clés, des informations sur les recueils et les publications parallèles, et parfois des notes de création dévoilant le « dessous des œuvres ». Le tout est richement illustré par les images les plus représentatives des séries et des graphic novels, donnant une bonne idée de ce qui est évoqué. La seconde partie, ayant pour titre « La Gazette », nous propose des fiches plus succinctes mais claires et efficaces sur 120 titres moins connus ou moins emblématiques issus du célèbre Label : une seconde partie tout sauf accessoire ou de second ordre, puisque nombre de petits bijoux s’y trouvent, ne demandant qu’à être (re)découverts. On reconnaît une bonne encyclopédie à sa capacité de répondre à l’attente de lecteurs très différents, proposant des éléments et des informations sur plusieurs niveaux d’intentions. L’Encyclopédie Vertigo de chez Semic est une vraie réussite, car elle répondra aux attentes, aux questions et à la curiosité des amateurs, novices, aficionados ou spécialistes par le recensement, l’analyse, la présentation et l’iconographie mises en œuvre dans un contexte graphique et une visibilité des plus efficaces. Bien plus qu’une simple suite de fiches compilées, cette encyclopédie ressemblerait plus à un immense champ regorgeant de merveilles aux charmes délicieusement vénéneux où nous serions sans cesse tentés – au gré des découvertes – de cueillir telle orchidée, telle asphodèle… et d’en tirer toute l’ivresse du parfum.

Pour couronner le tout, la couverture est géniale, c’est normal, elle est signée Dave McKean ; l’avant-propos est décalé et malin, c’est normal, il est signé Neil Gaiman ; et l’introduction est épatante, c’est normal, c’est Karen Berger qui la signe.

Cecil McKINLEY

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