Lax, lauréat 2005 du prix de la Bande Dessinée historique de Blois

L’aigle sans orteils succède au Muchacho, tome 1, d’Emmanuel Lepage, au palmarès de ce prix prestigieux remis depuis l’an dernier dans le cadre des Rendez-vous de l’Histoire. Compte rendu et reportage photo de l’événement.

 


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Samedi 15 octobre 2005


 


            La manifestation a débuté par l’inauguration de l’exposition, habilement mise en scène, dans une ambiance intimiste et impressionniste, portant sur l’œuvre d’Emmanuel Lepage, lauréat 2004 pour son album Muchacho. L?exposition est proposée au public, à la bibliothèque Abbé-Grégoire de Blois, jusqu’au 12 novembre.


 


            Le prix a ensuite été remis dans l’enceinte de la très moderne Bibliothèque de l’Abbé Grégoire, par Pascal Ory, (président du jury, historien de renom qui consacre à la BD une chronique régulière dans la revue Lire), en compagnie de Christophe Degruelle (président du Centre européen de promotion de l’histoire et organisateur des Rendez-vous de l’histoire) et de Charles-Antoine de Vibray (propriétaire du Château de Cheverny et sponsor de l’opération, sous l’oeil attentif de François Bayrou venu témoigner son intérêt pour le 9e art.


 


            Les organisateurs ont souligné les synergies mises en œuvre pour la seconde année consécutive entre les deux manifestations blésoises : le salon de la Bd « Bdboum », et « Les rendez-vous de l’histoire » qui se tiennent à Blois ce week-end.


            Décontracté et charismatique, Lax jouait franc-jeu, avouant sa satisfaction, mais aussi sa surprise devant ce prix. Avait-il conscience de produire un récit historique ? Sans doute, mais de là à se voir couronné par un jury de spécialistes, il y a un pas que l’auteur n’avait pas songé à franchir.


 


            Rien d’étonnant pourtant dans cette récompense. Frank Giroud, scénariste de bd historique, formé, excusez du peu, à l’Ecole des Chartes, a eu a cœur de préciser les principes ayant prévalu lors des débats : dans l’esprit du jury, il ne s’agissait ni de récompenser la bd la plus précise au plan historique, ni de désigner l’album offrant la facture artistique la plus pure. Evitant le point de vue de la seule érudition ou l’aspect exclusivement créatif, le prix récompense bien un album ayant su conjuguer la pertinence historique et la qualité du langage graphique dans un scénario au suspense habilement dosé. Une conception historique large l’a donc emporté, ainsi que l’expliquait Laurent Wirth, Inspecteur Général de l’Education nationale.


 


            A ce titre, on ne peut que souligner l’ouverture d’esprit qui a réuni universitaires, représentant les quatre grandes périodes historiques, et professionnels du genre. Les membres du jury, pédagogues et auteurs, critiques et chercheurs, ont unanimement salué l’excellente ambiance qui avait régné pendant l’ensemble des travaux. Comme Pascal Ory le déclarait déjà en petit comité, si la compétition fut rude –notamment entre trois albums, Le tour de valse, Malet et L’aigle sans orteils– aucun clivage ne s’est manifesté entre les historiens et les professionnels. A y regarder de plus près, on s’apercevra au demeurant que les étiquette n’ont guère de sens, ainsi que l’illustre quelques exemples, de Laurent Wirth, Inspecteur Général qui, dans un brillant parcours universitaire, a déjà eu recours aux richesses du 9e art pour son enseignement dans les khâgnes parisiennes et à l’IEP Paris, à Pierre Serna, maître de conférence en histoire moderne, spécialiste de la période révolutionnaire, mais aussi fan de bd, nourri depuis son plus jeune âge à la lecture de Pif, parti récemment à la découverte des manga japonais et des comics américains (il s’avoue agréablement surpris par certaines de ces oeuvres de grand qualité), en passant par François Righi, professeur d’histoire et animateur du Pôle national de ressource BD au CRDP de Poitiers, chroniqueur lui-même et spécialiste de la mise en oeuvre pédagogique du médium, ou encore Pascal Ory lui-même, professeur en Sorbonne mais aussi membre de l’Association des critiques et journalistes de bd. Finalement, dans l?univers de la bande dessinée, un spécialiste peut toujours en cacher un autre …


 


            Côté édition, il convient de noter la richesse de la sélection (forte de 42 titres proposés par 15 éditeurs). Dupuis, déjà fortement représenté avec 3 albums nominés sur 10, décroche donc la mise pour la seconde année consécutive, grâce à un beau récit sur les débuts le Tour de France et les exploits de ces forçats, qui, à l’image d’Amédée Fario, l’Aigle sans orteils, étaient prêts à tous les sacrifices pour entrer dans la légende. Lax, cycliste accompli qui abat régulièrement plus de 80 km par jour, était parfaitement apte à traduire la noblesse et l’opiniâtreté qui galvanisaient alors des coureurs animés par le courage, l’ambition et le sens de l’exploit. Mais, avec son trait réaliste et buriné et un scénario qui exprime l’héroïsme poussé jusqu’à l’épique, il a finalement dépassé les péripéties du Tour, pour rendre le souffle qui animait toute une société tendue autour d’un même événement, contribuant ainsi à restituer, par delà la mémoires du sport cycliste, un pan entier de l’histoire des mentalités.


 


            Pour les organisateurs, l’avenir s’annonce sous les meilleurs hospices. Charles-Antoine de Vibray, dont l’attachement à la BD ne se dément pas (n’est-il pas un vieux fan de Michel Vaillant et Lucky Luke ?), maintient son intention de travailler sur le projet dans la profondeur et la durée, rejetant toute logique façon coup de comm. « Il faut savoir restituer un peu lorsque l’on a soi-même beaucoup reçu », confie-t-il, lui dont le château inspira Moulinsart à Hergé.


 


            Au vue de la réussite de cette seconde édition et de l’évident plaisir pris par chacun, alors que la complémentarité histoire-bd-sponsor joue à plein, la pérennité du Prix de la bd historique semble bien assurée, jusqu’à en faire une manifestation majeure, consacrant Blois comme l’une des grandes capitales du 9e art.


 


Reportage de Joël Dubos


 


 


 


 

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