Olivier Berlion à propos de « Tony Corso» T6 (Bollywood connection)

Un peu plus de trois ans après sa dernière aventure, Tony Corso, le détective – de moins en moins – cynique de la jet-set tropézienne refait parler de lui. Avec un nouvel opus à paillettes bollywoodiennes sur fond de magouilles financières et mafieuses, savamment orchestré par Olivier Berlion qui souhaite, désormais, partager son temps entre l’écriture – pour lui et les autres – et le dessin.

Tout commence comme dans un « James Bond », par un prologue narrant une mission acrobatique – et évidemment couronnée de succès – du héros, lequel soutire des mains de ses ravisseurs une ingénieur chimiste. Le ton est donné : Tony Corso est un aventurier, un de ceux qui acceptent tout emploi périlleux, même au bout du monde, surtout  si celui-ci est bien payé. Car le héros d’Olivier Berlion n’est pas au service secret de Sa majesté ou d’un quelconque gouvernement : c’est un privé. Et des plus chics : il a pour clients les people les plus riches de la Côte d’Azur !

On se demandait pourtant ce qu’était devenu le baroudeur jet-setteur imaginé par Olivier Berlion en 2004, son créateur s’étant, ces derniers temps, dirigé vers d’autres travaux : « des difficultés personnelles, nous explique-t-il, ont anesthésié ma capacité d’écriture créative ». Pendant deux ans, l’auteur d’ « Histoires d’en ville » se borne donc à travailler sur des adaptations de textes existants : La Commedia des ratés de Benino Benacquista et La Guerre des boutons de Louis Pergaud « ce qui me permettait de m’appuyer sur des récits bien construits mais sans obligation d’inspiration originale de ma part », nous indique-t-il.

L’inspiration revenant, Berlion décide de poursuivre la destinée de Tony : « Dans la BD, il est extrêmement difficile d’imposer de nouveaux personnages et, bien que les ventes des précédents tomes soient inférieures au niveau que nous espérions, nous avons, avec mon éditeur, décidé de poursuivre les aventures de Tony Corso, compte tenu de sa notoriété. »

Sitôt la décision prise de replonger son personnage dans les embrouilles financières politico-mafieuses internationales, une problématique se pose dans l’esprit du créateur : « La question était alors de savoir si je revenais vers le coté aventure des débuts ou si persistais à creuser la noirceur de l’atmosphère de mes récits. Il me semblait que cette orientation, plutôt destructrice, ne menait à rien et conduirait à la disparition de mon personnage, alors que je l’ai créé pour qu’il soit éternel. J’ai donc choisi de repositionner mon intrigue avec une dose supplémentaire de légèreté. » Un personnage éternel ? : « L’idée de départ de la série était vraiment de concevoir un héros, à l’ancienne, sur qui tombent des aventures comme c’était le cas avec Tintin ou Alix. En me documentant sur les questions financières internationales, comme l’évasion fiscale, pour mon propre intérêt, j’ai remarqué que beaucoup de détectives privés peuplaient cet univers et que ce type de personnage n’avait jamais été exploité en bande dessinée, alors qu’il existait un grand potentiel d’histoires, avec les moyens des riches, en plus … »

Dans Bollywood Connection, on retrouve Racheed Khan, jeune star de Bollywood, installé à Saint-Tropez pour le tournage d’un film financé par un riche émir de Dubai. Contrarié par cette prise de distance avec l’industrie cinématographique indienne, Coraii Shakeer, un parrain de la mafia de Bombay, va prendre à partie l’attaché de presse criblé de dettes de Racheed : « Au fil de mes recherches, je me suis aperçu que toute la mafia de Bombay blanchissait son argent sale à Dubaï, via des investissement immobilier. Comme je voulais traiter, c’était mon point de départ, de Bollywood, j’ai retourné la situation et imaginé un émir investissant, de son coté, dans l’industrie cinématographique indienne. »

Avec «Tony Corso», Olivier Berlion se réalise pleinement comme dessinateur, tout en nous avouant qu’il se crée des contraintes graphiques : «Tout comme le caractère du personnage, j’avais la volonté d’un graphisme indémodable, d’où un dessin réaliste assez académique, qui n’est pas mon style naturel. » L’auteur s’épanouit également dans la construction narrative, une dimension qu’il souhaite explorer : « J’ai une vraie volonté d’écrire plus, c’est plus simple pour moi. Il y a des tas d’univers que je veux raconter et pas dessiner. » Dans ce domaine scénaristique, son savoir faire commence d’ailleurs à être reconnu : « Quand j’ai écrit « Dos à la mer », qui a été publié chez Emmanuel Proust, les éditions Bamboo ont refusé le projet mais, appréciant le découpage que j’avais effectué, m’ont proposé de participer à «La Lignée». » Pour cette saga autour d’une malédiction familiale dont chaque volume se situe à une période différente du XXème siècle, Olivier scénarise le troisième des quatre volets et en dessine le premier : « Je regrette un peu, suite à la demande des éditeurs, d’avoir pris en charge la partie graphique du premier tome, je n’étais pas trop inspiré par la période (1937) et je n’ai pas pu réaliser l’album en couleurs directes. Cependant l’expérience m’a amené l’écoute des éditeurs sur mes autres projets de scénarios. »

Alors, serait-il envisageable qu’Olivier Berlion cède le destin de « Tony Corso » à un autre dessinateur ? : « J’y ai songé », nous avoue-t-il ! « Mais la construction du récit et les nombreux dialogues imposent des attitudes graphiques. Ce qui fait que ne suis pas sur qu’un autre illustrateur que moi puisse prendre Tony en charge. »

Laurent TURPIN

« Tony Corso » T6 (Bollywood Connection) par Olivier Berlion

Éditions Dargaud (11,99€) -  ISBN : 978-2205-06755-2

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