On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...« Les Cerisiers fleurissent malgré tout » par Keiko Ichiguchi
Personne ne peut ignorer que le Japon a été balayé par un Tsunami géant qui a ravagé la petite ville de Fukushima. Cette catastrophe a touché le monde entier lorsque la centrale nucléaire située en bord de mer a commencé à présenter des signes de faiblesse. Le monde s’est mis à penser à tous ces Japonais morts. Mais, également, à ceux qui étaient encore vivants et aux premières loges, dans le cas d’accident nucléaire grave. Puis, il y a eu ces étrangers qui ne savaient pas s’ils devaient rester, par solidarité envers ce pays qui les avait accueillis, ou repartir à cause de la menace grandissante. Enfin, il y a une autre catégorie de personnes qui n’est que très rarement évoquée : les expatriés japonais. Ceux qui ont fait le choix de vivre ailleurs et qui se retrouvaient rattrapés, bien malgré eux, par la cruelle réalité qui frappait leur pays natal. Keiko Ishiguchi en fait partie et elle a choisi de raconter ça en image.
Tsukasa Sonada est une jeune Japonaise mariée avec Angelots, un italien pur souche. Vivant actuellement en Italie, elle se souvient très bien de ce qui l’a réveillée ce matin du 11 mars 2011. Un coup de fil de son amie Daniela lui demandant comment vont ses parents. Tsukasa n’avait pas encore vu les images du tsunami qui défilent en boucle à la télévision. Cette journée inhabituelle va changer sa perception de l’information. Elle va se rendre compte que les médias mélangent tout. Elle est effarée de constater que « nous sommes en Italie et nous discutons de la contamination radioactive du Japon en nous basant sur des données allemandes ». Puis, la vie reprendra sa place. Elle avait promis à Yuriko Tada, son ancien professeur qui l’avait soutenu face à ses soucis de jeunesse, de venir lui rendre visite lorsque les cerisiers seront en fleurs. Cet accident remet le voyage en question et, pourtant, qu’est-ce qui est le plus important dans la vie ?
Ce récit très intime sur les sentiments de cette jeune Japonaise, face à ce drame, est bouleversant. Tout est pourtant traité de manière neutre et posée. Le début de l’histoire nous raconte son enfance. Comment, malade, le sport lui était interdit. Elle s’en est sortie et mène aujourd’hui une vie paisible et heureuse. Jusqu’à cet événement tragique qui va changer la face du monde. Keiko Ichiguchi n’en fait pas trop. Elle relate les faits tels qu’elle les a vécu. Car même si c’est une fiction, le ton semble véridique, bien ancré dans une réalité tangible. C’est néanmoins une belle leçon d’espoir et de remise en cause. Il faut prendre ce manga comme un témoignage personnel. Chacun réagissant différemment, face à un événement bouleversant.
Keiko Ichiguchi a également choisi de rester graphiquement sobre. Une seule image, en double page, évoque l’ampleur de la catastrophe. Le reste est suggéré par quelques cases furtives ou des dialogues imagés : « Il paraît que les vagues du Tsunami qui ont dévasté la zone de Tôhoku mesuraient plus de 30 mètres », « c’est aussi haut que ce bâtiment ? », « Même plus… », « Je n’arrive pas à l’imaginer ». Beaucoup de gros plans servent à monter les sentiments des différents protagonistes. Les décors sont seulement représentés lorsque cela est nécessaire. Certaines planches se payent même le luxe d’avoir de grands aplats blancs autour des personnages, afin de montrer l’état de désarroi dans lequel tout le monde se trouve. C’est très beau et tout en simplicité. Le dessin, très shôjo manga rebutera sûrement certains lecteurs. Pourtant, ce récit est écrit dans le sens occidental, donc plus facilement accessible pour nous.
C’est une ode à la vie qui passe et qui ne cherche absolument pas à faire du sensationnel ou du voyeurisme pour exploiter la misère humaine. Ce qui importe, dans ce manga, ce sont les sentiments et le vécu de cette jeune femme expatriée. C’est une œuvre pleine d’espoir dont on en ressort immanquablement changé et rempli de questionnements sur soi-même.
Gwenaël JACQUET
« Les Cerisiers fleurissent malgré tout » par Keiko Ichiguchi
ÉditionsKana – Collection « Made in » (15 €) – ISBN : 978-2505019206
Les Cerisiers fleurissent malgré tout © Keiko Ichiguchi / Dargaud-Lombard s.a.