Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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Cette semaine, retour en enfance et dépaysement garanti avec « Petzi » de Vilhelm et Carla Hansen !
Comme cela faisait quelque temps que « Le Coin du patrimoine », votre rubrique régulière du mardi, ne vous avait pas fait voyager : aujourd’hui, cap sur le Royaume du Danemark (1) ! Ce plus petit pays de la Scandinavie (5,4 millions d’habitants) a une tradition extrêmement riche en bande dessinée (par exemple, Egmont, le principal éditeur danois qui publie les nombreux fascicules Disney réalisés localement, est devenu l’un des plus grands labels internationaux) et a fait éclore nombre de talents originaux même si, hélas, la plupart d’entre eux sont inconnus chez nous, tels : Storm P. (l’inventeur du 9ème art danois en 1906),
Mik (et son « Ferd’nand » en 1937),
Willy Nielsen (et son récit épique et historique « Egene », en 1948), Jørgen Mogensen (et ses satires du quotidien « Poeten og Lillemor », à partir de 1950),
Claus Deleuran (et sa monumentale et underground « Illustreret Danmarkshistorie for folket » en 1987), Freddy Milton (et vision personnelle de « Woody Woodpecker » : « Søren Spæte »), Peter Madsen (et son « Valhalla », en 1979, modelé sur le modèle franco-belge),
les auteurs de strips Nikoline Werdelin (« Politiken », en 1984)
et Ivar Gjørup (« Egoland », en 1986), Teddy Kristiansen ou Peter Snejberg (qui travaillent pour le marché américain), ou encore les prometteurs Simon Bukhave, Ole Comoll Christensen, Søren G. Mosdal, Jan Solheim, Jakob Martin Strid ou Thomas Thorhauge (2)…
Mais la bande dessinée danoise la plus connue en Europe francophone (car traduite en plus de quinze langues de par le monde) est certainement le petit ours « Petzi » : traduction du « Rasmus Klump » (3) dont Carla Hansen écrivait les pérégrinations fantaisistes et maritimes autour du globe (à bord d’un bateau baptisé Mary et en compagnie de ses amis Pingo le pingouin et son éternel nœud papillon, Riki le pélican au bec qui se révèle être une vraie caverne d’Ali Baba et l’Amiral, un phoque impassible dont la principale occupation est de faire la sieste tout en fumant la pipe), tandis que son époux Vilhelm Hansen les dessinait. Cet énorme succès enfantin (surtout pendant les années cinquante et soixante) perdure encore aujourd’hui puisque les éditions Casterman rééditent régulièrement ses albums brochés de trente-deux pages : le dernier en date étant le vingt-sixième : « Petzi toujours prêt ! »
Le premier strip avec textes sous images de « Rasmus Klump » parut le 17 novembre 1951 dans Berlingske, journal du soir danois puis, un premier album (« Petzi construit son bateau ») fut publié en 1952. Dès 1953, l’éditeur danois Carlsen va ouvrir une filiale allemande pour publier les albums que lui réclamaient les lecteurs du Hamburger Abendblatt, magazine germanique où la série était traduite. Diffusé, à partir de 1958, par l’agence P.I.B. (Presse-Illustrations-Bureau) (4) de Copenhague qui appartenait aussi à Carlsen, « Rasmus Klump » est alors proposé dans de nombreux pays d’Europe. Pour l’anecdote, sachez aussi que leurs auteurs ont commencé leur carrière en réalisant un premier album pour enfants, le jour de leur rencontre, en 1924.
Vilhelm Hansen (06.05.1900 – 23.12.1992) avait une formation de lithographe et travaillait surtout à son compte comme illustrateur dans la publicité, réalisant aussi des cartes de vœux ou des livres destinés aux plus petits (souvent écrits par Carla), de 1917 à 1939 ; ceci avant d’aborder la bande dessinée avec « Firlingerne » (« Les Quadruplés ») dans le magazine The Home, en 1940. Quant à Carla Hansen (19.09.1906 – 06.12. 2001), elle a multiplié les albums pour enfants illustrés par son mari (« De Tidlige Børnebøger », « Eventyr », « Nissernes julebog », « Hophans »…) et a commencé à imaginer, dès 1924, cette suite interrompue de variations sur quelques éléments constitutifs que sont les mésaventures sans gravité de « Petzi ».
Par la suite, vers 1965, la série est reprise (mais non signée) par Tove Norgaard, Ole Munk Rasmussen et Paul Arne Krin, puis par Per Sanderhage ou Mårdøn Smet, avant d’être illustrée actuellement par le Suédois Harald Suneson ou par des employés anonymes de la P.I.B. Il n’y a que trente-six albums originaux qui ont été édités, mais il existe de nombreuses adaptations, rééditions et albums de coloriages, publiés depuis 1976.
En France et en Belgique, le BDM n’en recense que trente-deux publiés chez Casterman de 1958 à 1984 (il s’agit de ceux sans phylactère), auxquels il faut quand même rajouter deux recueils proposant quatre autres épisodes en 1977, et dix petits albums publicitaires (au format 11 x 8,5 centimètres) offerts par le chocolat Cadbury. Cependant, la première apparition de cette bande pour les tout petits sur le marché francophone semble remonter à 1952. En effet, « Petzi », rebaptisé « Nounou » pour l’occasion, est publié, jusqu’en 1956, sous forme de strips dans les pages du jeudi de La Nouvelle République du Centre-Ouest (quotidien de Tours et de sa région), sous diverses appellations : « Les Aventures de Nounou, Pingo et Pelli », « Nounou, Pingo et Petzi » ou « Petzi, Pingo et Kiki » (5).
Des films d’animations et une série télévisée ont même été réalisés : et si la première tentative, dans les années soixante, était une production danoise à faible coût, elle fut suivie, en 1984, par une nouvelle série réalisée au Japon par Edouard Herscovitz avec un budget un peu plus raisonnable. Cette dernière fut diffusée, avec succès, sur plusieurs chaînes de télévision dans le monde entier (6) . Enfin, entre 1997 et 2000, 26 épisodes de 5-minutes furent coproduits sur le plan européen, en impliquant notamment le Danemark et l’Allemagne.
Détail amusant, en 1998, donc peu avant son décès, Carla Hansen a créé le « Rasmus Klump Prisen », prix décerné à des personnes ayant su vanter les vertus de sa bande dessinée : le vainqueur recevait alors une planche originale de « Petzi » et 25 000 couronnes ; parmi les lauréats, on remarquera les noms de Michael Laudrup, célèbre footballeur danois qui a joué dans les plus grands clubs européens, et Frederik, le prince héritier du Danemark…
Finalement, si la magie de ces amusants recueils sans prétention peut paraître incompréhensible à un adulte, les tribulations autour du monde de cet ourson en salopette rouge à pois blanc (parfois coiffé d’un bonnet de laine bleu) ont pourtant fasciné plusieurs générations de lecteurs âgés de trois à six ans : les tout petits ne se formalisant guère du manque de vraisemblance et de fil conducteur dans ces histoires improvisées et non structurées.
En effet, le couple danois créateur avait parfaitement capté l’esprit enfantin et faisait s’extasier les enfants devant ces petits carrés d’images montrant un monde rassurant où tout le monde est gentil – mais où les surprises et les rencontres exotiques sont très nombreuses – et où la satisfaction de toute cette joyeuse bande d’amis se marque systématiquement en préparant des piles de crêpes au chocolat bougrement appétissantes.
Cependant, ceux qui ont eu la chance de découvrir « Petzi », il y a quelques décennies, risquent toutefois d’être très surpris, voire déçus, en découvrant les rééditions actuelles : les images sont agrandies, re-colorisées par ordinateur et des phylactères lettrés mécaniquement y sont incorporés de façon assez impersonnelle. Évidemment, pour les nostalgiques, le charme des anciennes éditions, où le texte figurait sous les images et était précédé de la tête miniature du personnage qui parlait (un curieux dédoublement des protagonistes qui les divisait en corps agissant et tête parlante), a disparu : l’un des intérêts de « Petzi » étant pourtant d’apprendre le sens de lecture des images à l’enfant ! Ce n’est qu’à partir de 1981 (et non en 1959, comme on peut le lire dans des ouvrages écrits par de très sérieux spécialistes du sujet) que les époux Hansen ont décidé de moderniser la série en introduisant les bulles pour remplacer ces répliques confinées sous les cases et précédées d’une minuscule effigie de leurs héros ; et en France, les éditions Casterman ont publié ces nouvelles versions de 1985 à 1995. Comme seuls les vingt premiers albums avaient « profité » de cette modernisation, ces dernières ont décidé, en 2005, de poursuivre le travail d’adaptation entamé voici bientôt vingt-cinq ans !
Gilles RATIER, avec Laurent TURPIN aux manettes
(1) Pour en savoir plus sur l’histoire de la bande dessinée au Danemark, n’hésitez pas à consulter les articles sur le sujet contenus dans les ouvrages très documentés de Patrick Gaumer : comme son « Larousse de la BD » ou son « Guide Totem : la BD ».
(2) On peut retrouver la plupart de ces auteurs (surtout les plus récents) dans le très instructif catalogue « Blæk : bandes dessinées danoises » édité par FRMK, à l’occasion d’une exposition présentée à la Maison du Danemark (à Paris), du 13 juin au 20 juillet 2003.
(3) La série ayant été traduite dans plusieurs langues étrangères, « Petzi » s’appelle aussi « Rasmus Nalle » en suédois et en finnois, « Rasmus Klumpur » en islandais et « Barnaby Bear » ou « Bruin » en anglais, suivant s’il s’agit d’une parution en album ou dans le Evening Times !
(4) Crée par Vihlelm Carlsen (un pionnier de la diffusion), en 1897, cette agence a ouvert progressivement diverses antennes à Saint-Pétersbourg, Paris, puis Berlin. Devenu éditeur à part entière, Carlsen s’est surtout développé en Allemagne, en Suède et en Norvège, avant d’être intégré au groupe Bonniers et d’être racheté par le suédois Semic.
(5) Information révélée par Alain Beyrand dans le n°46 de la revue Hop ! en 1989.
(6) En France, ce fut sur Canal +, en 1986 !
(7) Enfin, quelques sites comme http://www.jake.dk/tegneserier/klump, http://www.klump-klub.dk, ou http://www.plaschke.dk/tegnefilm/rasmus.htm sont assez amusants à consulter pour mieux connaître l’univers de « Petzi » !
Xavier Löwenthal, éditeur de La 5ème couche, nous signale que « Vivre ensemble », le dernier livre d’Ilan Manouach, est un excellent détournement de « Petzi » : voir le site http://www.5c.be/book.php?id=64
Comme quoi « Petzi » continue d’influencer nombre d’auteurs…
Gilles Ratier
Bonjour,
En suisse aussi les aventures de « Petzi » sous le nom des aventures de Nounou ont été difusées, c’est la feuille d’avis de Lausanne aujourd’hui 24 heures qui insérait 2 voir 3 images, vers 1956 et 1958, il me semble que la parution était le mercredi. On découpait et collait sur une page pour en faire un album.
Salutation
CME
Merci beaucoup pour vos précisions !
Cordialement
Gilles Ratier