« Tout sauf l’amour » par Frédéric Bihel, Makyo et Toldac

Une comédie romantique, voilà un sujet assez original en BD. Pourtant rien de bien nouveau depuis « Bidouille et Violette ». Entre névrose et héros pathétique, lorsque la science se mêle au sentiment, cela donne un cocktail souvent explosif. Après « Exauce-nous » sorti en 2008, déjà chez Futuropolis, Makyo et Bihel renouvellent leur collaboration pour le meilleur et, non, pour le pire.

Un mariage garanti trois ans, voilà ce que propose l’agence matrimoniale du 21e Ciel. José Alcano, son fondateur décrypte les réactions du système nerveux central de ses clients avec un procédé assez complexe, basé sur une analyse vidéo aidée par des capteurs sensoriels. La science permet de définir un profil complet de la personne afin de mettre en relation des couples improbables. Malheureusement, l’amour ne dure pas éternellement, la faute a l’ocytine, l’hormone de l’amour. La passion s’amenuise, passé la troisième année. Mais pour certains, elle n’a pas commencé. José est un être débordant d’énergie. Il adore les belles voitures, surtout les vieilles. Mais il aime aussi les femmes, surtout les jeunes. Malheureusement, ces dernières ne se laissent pas facilement convaincre par ce Don Juan maladroit. Un soir, au volant de son nouveau bolide, après s’être fait une nouvelle fois plaquer, il a une panne en plein milieu d’un passage à niveau. Les dégâts atteignent des chiffres vertigineux et sa nouvelle voiture est réduite en miettes, tout comme la locomotive. Fraîchement acheté, le bolide était encore sous la garantie de l’ancien propriétaire. Malheureusement, elle expirait à minuit. Or l’accident est arrivé à 2 heures du matin. Désespéré, peut être ruiné, risquant de se retrouver en prison, il n’a pas d’autre choix que d’accepter le marché que son assureur lui propose : aider sa fille à trouver goût à l’amour. Nina a 26 ans, elle est prof de mathématiques, matière qu’elle détestait. Elle ne mange que des plats lourds qu’elle déteste également. Vit dans un état de dépression permanente. Passe son temps libre à réaliser des puzzles de montagnes blanches…


Bref, elle est malheureuse, et ce depuis que sa mère est décédée dans une avalanche. Enfant, elle l’a vu emportée par cette coulée blanche. Elle se sent même coupable de cet accident, car elle est persuadée que ses rires ont pu le provoquer. Son père à tout tenté pour la ramener à la vie. Rien n’a marché, ni les psys, ni les magnétiseurs, ni les superbes voyages. C’est clairement un cas désespéré. José Alcano va avoir du pain sur la planche, s’il veut se sortir de cette situation.

Le thème de cette comédie sentimental est assez original. L’amour, la mort, tous se mélange pour former une histoire plutôt rocambolesque. Même si le scénario est convenu, le lecteur peut se laisser surprendre par la narration. À la fois rapide dans les relations de José et lentes dans la maladie de Nina. Les changements sont brusques, il faut tout caser dans un album. Les vaines tentatives de ce charmeur de bas étage donnent un ton grand-guignolesque à ce vaudeville contemporain. Les dessins de Frédéric Bihel sont superbes, au crayon, avec une mise en couleur directe aux tons chauds, mêmes si le bleu domine dans la plupart des scènes. Et si l’humain et ses relations sont le cœur du sujet, les décors ne sont pas oubliés. Puisque l’action se passe à Grenoble, il fallait représenter au mieux cette ville enclavée entre les montagnes. Les vues de son téléphérique bulle caractéristique, ainsi que le fort de la Bastille, ravirons les amoureux de cette métropole dauphinoise : lieu de romance et de mystère fort à propos pour cette histoire.

Makyo s’est fait aider par Toldac (pseudonyme de son frère) pour l’écriture de son scénario. On est bien loin de son « Grimion gant de cuir » et de sa vision pessimiste du monde. Même si les lieux de l’action sont bien réels, il est impossible d’imaginer un seul instant la véracité d’un tel récit. Pourtant, comme dans toute romance, le lecteur se plaît à suivre ces deux individus tellement différents. Il apprend à connaître leur vie et leurs petits secrets, afin de passer un agréable moment en leur compagnie. Et ce, même si l’issue, forcément heureuse, ne laisse aucun doute dans ce genre d’aventure cousue de fil blanc. On se prend à rêver face aux aquarelles reposantes que nous livre Frédéric Bihel, entre deux albums d’« Africa Dream ».

Tout ça pour nous prouver que, finalement, l’amour n’est qu’une alchimie mystérieuse. Ce double album d’un peu plus de 90 pages est, néanmoins, à réserver à un public qui n’est pas allergique aux comédies romantiques.

Gwenaël JACQUET

« Tout sauf l’amour » par Frédéric Bihel, Makyo & Toldac

Éditions Futuropolis (18,50 €) – ISBN : 2754802819

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