COMIC BOOK HEBDO n°65 (14/03/2009)

Cette semaine : Les Watchmen ont débarqué en fanfare sur nos écrans et redéboulé dans nos librairies. Pour ne pas faire d’indigestion (ce serait dramatique), notre attention se portera cette semaine sur l’?uvre en elle-même, et la semaine prochaine, outre quelques comics de derrière les fagots, nous nous pencherons bien évidemment sur le film de Zack Snyder, mais aussi sur le magnifique ouvrage qui accompagne ces sorties avec jouissance : Watching the Watchmen, chez Panini. Non, deux semaines consécutives ce n’est pas trop pour un tel chef-d’?uvre, semblable au plus beau porphyre?

WATCHMEN (Panini Comics)

Pour l’occasion, Panini Comics propose plusieurs éditions de Watchmen, de la plus économique à la plus collector. Vous pourrez lire Watchmen en DC Big Book, format cool, ou bien en DC Cult, avec des bonus, ou bien encore en DC Absolute, sous coffret, avec plein de belles pages supplémentaires (textes de Moore inédits en France, nombreux croquis et recherches de personnages ou de couvertures réalisés par Dave Gibbons…). Cool !

Bon, hum… Comment vous écrire quelque chose de concis, de compréhensible et de complet sur un pareil monument en si peu de lignes alors qu’il faudrait l’épaisseur d’une thèse pour en tirer toute la substantifique moelle.. ? Bon allez je me lance… Watchmen représente tout simplement avec The Dark Knight Returns et The Sandman le fleuron de ce qui a été un renouveau décisif et historique pour DC Comics à partir du milieu des années 80. Annonciateur de la nouvelle vague anglaise mais aussi synonyme de la reconnaissance d’un très grand scénariste avec qui il faudra désormais compter et qui allait révolutionner l’univers du comic book (Alan Moore), Watchmen a amené une autre manière d’aborder le thème du super-héros. Cette vision aussi lucide que décalée par rapport aux us et coutumes en place allait ouvrir tout un pan de la mythologie connue – que d’aucuns définiraient comme une véritable boîte de Pandore – qui n’avait jamais réellement été exprimée sur un ton aussi adulte. Car après avoir débroussaillé les innombrables pistes de réflexion amorcées dans cette œuvre labyrinthique et complexe, la question qui reste dans les esprits est : les super-héros sont-ils des fachos ? Et s’ils le sont, Who watches the Watchmen ? Plus de 20 ans après ses débuts (c’était exactement en 1986), Watchmen garde toute sa force et reste un chef-d’œuvre absolument incontournable de l’histoire de la bande dessinée contemporaine.

Alan Moore a beau avoir signé par la suite de vraies merveilles (Promethea ou Tom Strong, par exemple), il n’en reste pas moins que l’immensité du talent de Moore éclate dans Watchmen avec une virtuosité donnant le tournis. Chaque planche est une merveille d’art narratif, incluant des niveaux de compréhension alambiqués se rejoignant dans une science admirable. Les différentes strates qui structurent le récit sont ciselées avec un art d’orfèvre, se révélant dans une mise en abîme étourdissante. Car Moore mélange réalité et fiction en brouillant les pistes, ce qui donne une lecture où nous-mêmes faisons partie de cette mise en abîme : nous lisons un album parlant de super-héros vivant dans une réalité parallèle et qui sont devenus des justiciers masqués après avoir lu des comics de l’Âge d’Or de notre monde réel. Au sein même du récit, revenant de manière lancinante, comme un leitmotiv nous piégeant dans ses mâchoires innocentes, un jeune noir lit un comic de pirates réalisé par… Joe Orlando (qui en plus d’être un artiste mythique a été pendant des années vice-président de DC). Le récit qu’il lit vient parfois se mélanger aux cases de ce que nous sommes en train de lire, jusqu’à tisser des liens de causes à effets sémantiques entre les deux œuvres… Sacré Alan Moore ! Il pousse même le vice jusqu’à revenir sur l’histoire réelle du comic book dans les appendices écrits qui clôturent chacune des douze parties constituant l’ensemble afin d’expliquer par rebond certains faits abordés dans le chapitre écoulé. Non, il n’y a pas que de la bande dessinée dans Watchmen, il y a aussi de l’écriture, érudite, malicieuse, terriblement maline puisqu’elle complète l’intrigue tout en la dévoilant sous un jour nouveau où nos synapses sont très sollicitées. Le tout est ainsi construit que cette lecture qui s’étend sur 400 pages devient une véritable aventure en soi, qu’on n’oublie pas de sitôt, transportée par une esthétique très plaisante. Dave Gibbons a en effet réussi avec beaucoup de talent à dessiner une histoire compliquée à mettre en images. Son trait souple, élégant et très sûr, confère à cette création unique une identité tout à fait réaliste et néanmoins prête à déraper.

L’histoire, en quelques mots, pour ceux qui ne connaîtraient pas ce monument : les Gardiens (Watchmen) se souviennent des grandes heures des Minute Men, de leurs aïeuls, de leurs exploits passés. Aujourd’hui, considérés comme trop dangereux, les super-héros ont été mis hors de circulation par les autorités et doivent avoir rejoint les rangs de simples citoyens. Mais le Comédien, le membre des Watchmen le plus réactionnaire et le plus violent, a été assassiné. Hasard, complot ? C’est ce qu’essaye de savoir Rorschach, le membre des Watchmen le plus psychotique, tenant son nom du test homonyme et dont le masque qui lui couvre le visage reprend les fameuses taches en miroir dans une succession ininterrompue de motifs différents (pour ma part l’invention la plus remarquable de Moore dans cette série). Il ne reste que 12 minutes avant la catastrophe inéluctable. Les autres Watchmen vont-ils soutenir Rorschach dans son enquête ? C’est ce que vous saurez en lisant cette merveille.

Watchmen se doit de figurer en bonne place dans les rayons de votre bibliothèque si vous ne possédiez pas encore cette œuvre. Un must absolu.

Cecil McKINLEY

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