Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Notre sélection de la semaine : ? Carthago T.2 : L’Abysse challenger ? par Éric Henninot et Christophe Bec, ? Antarès T.2 : Épisode 2 ? par Léo et ? Tex T.21 : Le Prophète Hualpai ? par Corrado Mastantuono et Carlo Nizzi.
? Carthago T.2 : L’Abysse challenger ? par Éric Henninot et Christophe Bec – Editions Les Humanoïdes associés (12,90 Euros)
Avec cette série prévue en 8 tomes, Christophe Bec exploite à nouveau l’ambiance claustrophobe des espaces clos dans les grands fonds marins, mélangeant, habilement, propos écologiques et ambiance fantastique : un peu comme dans « Sanctuaire », le thriller maritime qu’il a créé avec Xavier Dorison et où il était son propre dessinateur. Ici, le graphisme, très réaliste, a été confié à Eric Henninot (« Alister Kayne » chez Albin Michel), lequel multiplie les images spectaculaires tout en peaufinant des plans plus intimes ; son style, souvent époustouflant, étant très proche de ceux utilisés par un bon nombre de créateurs qui travaillent pour les comics books de chez Marvel ou de chez DC. Cette nouvelle « BD catastrophe » pour amateurs de sensations fortes est une réussite de plus pour le scénariste Christophe Bec, lequel s’amuse, avec talent, à passer d’une ambiance à une autre, sans transition… Pendant la Première Guerre mondiale, un sous-marin allemand repère un navire de guerre britannique. Alors qu’il le prend en chasse pour le couler, il est attaqué par un fossile vivant : l’ancêtre préhistorique du grand requin blanc qui est censé avoir disparu de la surface de la terre depuis plus de cinq millions d’années. Parallèlement, à des époques plus récentes, nous assistons également au débarquement d’une troupe armée dans un monastère Tibétain et à l’agonie d’un équipage coincé dans un petit sous-marin dont le niveau d’oxygène descend à zéro, à 800 mètres de profondeur… : une course effrénée à la recherche de ressources gazières et pétrolières sublimée par l’utilisation maligne de nombreux flash-back et par l’humanité d’un récit qui sait aussi se faire intimiste.
? Antarès T.2 : Épisode 2 ? par Léo – Editions Dargaud (10,40 Euros)
Ce 2ème épisode du 3ème cycle de la série de science-fiction « Les mondes d’Albaran » du Brésilien Léo (qui réside en France depuis déjà quelques années, maintenant) est toujours aussi attachant. On y retrouve évidemment la jolie Kim dont la notoriété populaire ne cesse de croître au fil des révélations de ses aventures et des qualités qu’elle a acquises au contact de la Mantrisse. Alors que notre héroïne, récente mère d’une petite fille aux yeux de lézard (car à moitié extraterrestre), aspirait à un repos mérité après ses péripéties sur Bételgeuse, elle doit accepter de repartir pour Antarès (encore une planète colonisée qui regorge d’une végétation luxuriante et d’animaux inconnus) : les premiers observateurs ayant découvert des phénomènes plutôt inquiétants. En fait, cette expédition, qui est destinée à déterminer si la colonisation est vraiment envisageable, est financée par une multinationale dirigée par un gourou extrémiste. Cette dernière cherche une terre d’accueil vierge pour son église triomphante qui réduit les femmes à des êtres inférieurs… Et on plonge, une nouvelle fois, dans un univers fascinant qui mêle fantastique, écologisme et humanisme, bluffé par le souffle épique de cette saga d’anticipation très originale où l’on guette l’arrivée, dans cette nature hostile, de toute nouvelle bestiole fabuleuse créée de toutes pièces par ce diable de Léo ! Contrairement à son héroïne, lui, il n’aspire pas au repos puisqu’il nous annonce une nouvelle série futuriste dessinée par Icar : « Terres lointaines », dont le premier tome sera disponible le 6 mars, toujours chez Dargaud.
? Tex T.21 : Le Prophète Hualpai ? par Corrado Mastantuono et Carlo Nizzi – Editions Clair de Lune (12,90 Euros)
Pierre Léoni et les éditions Clair de lune, bien conseillés par le scénariste François Brémaud (qui, d’ailleurs, traduit la plupart de ces séries italiennes populaires) poursuivent, contre vents et marée, l’édition des fumettis en France : les aventures mythiques de « Tex Willer », en tête ! Après nous avoir proposé un épisode dessiné par José Ortiz et scénarisé par Antonio Segura (« Le Train blindé »), et en attendant un autre album spécial dûs à ces deux célèbres auteurs espagnols (« Le Chasseur de fossiles »), ce western transalpin, qui fut créé par Gianluigi Bonelli et Aurelio Galleppini en 1948, est ici mis en images par le Romain Corrado Mastantuono. Ce dernier s’en sort remarquablement bien et son travail, ici en noir et blanc, est même largement supérieur à celui qu’il a pu réaliser sur la série de fantastique héroïque qui l’a fait un petit peu connaître chez nous : « Elias le Maudit » avec Sylviane Corgiat, aux Humanoïdes Associés, en 2004. Cet étonnant illustrateur éclectique, qui a débuté dans l’animation, qui a également collaboré avec la Walt Disney Italia (il signe encore certaines couvertures du magazine Topolino, l’équivalent italien du Journal de Mickey) et qui travaille désormais sur des productions de Sergio Bonelli comme « Nick Raider », « Dylan Dog » ou « Magico Vento » (« Esprit du vent » en France), fait preuve ici de toute sa maestria : jouant avec les décors naturels, avec les blancs et les noirs et avec les cadrages ! Son cow-boy justicier et ami des Indiens nage ici en pleine histoire de facture classique (écrite par Claudio Nizzi, l’un des scénaristes les plus prolifiques de la série), même si cela commence par des incantations aux esprits qui se matérialisent sous la forme d’un ours dans le ciel, et réussit à nous passionner tout le long des 224 pages de ce petit album avec jaquette. Espérons que les fans de « Tex » seront assez nombreux dans les pays francophones pour que la collection « Encre de Chine » puisse perdurer et nous proposer les épisodes qu’ont dessinés des artistes comme Jordi Bernet, Jesús Blasco, Guido Buzzelli, Ugolino Cossu, Roberto De Angelis, VÃctor De La Fuente, Alfonso Font, Alarico Gattia, Carlo Raffaele Marcello, Ivo Milazzo, Erio Nicolò, Roberto Raviola (Magnus), Manfred Sommer, Claudio Villa et bien d’autres !
Gilles RATIER