COMIC BOOK HEBDO n°62 (21/02/2009)

Cette semaine : WOLVERINE et ASTONISHING X-MEN…

WOLVERINE : ARME X (Panini Comics, Best of Marvel)

Aahhhh, Barry Windsor-Smith… Il y a des noms, comme ça, qui évoquent tout à coup des souvenirs et des émotions très particulières… Windsor Smith fait indubitablement partie des dessinateurs qui ont marqué les esprit de manière durable, pour certains de manière indélébile. Il y a des Gene Colan, des Gil Kane, des Neal Adams, puis des Miller, des Sienkiewicz, qui ont marqué un tournant dans l’émotion graphique et esthétique du monde des super-héros. Parce que leur trait, leur style, leur façon d’exprimer l’histoire et les personnages semblaient résolument nouveaux, osant ce que les autres s’interdisaient, ou bien amenant d’un coup une grâce qui envoûte et agit comme une drogue. Certes, il ne suffit pas d’avoir un grand nom pour ne faire que des chefs-d’œuvre, la critique s’ébaubissant sans neurones, mais certains auteurs ont su rester impeccablement au niveau de nos espérances, à la hauteur de leur génie. Barry Windsor-Smith s’inscrit exactement dans tout ce que je viens d’écrire. Il a apporté à l’esthétique des comics une grâce, une souplesse, une volupté de trait quasiment hypnotique qui semblait surpasser de loin tout ce qu’on avait l’habitude de voir… À l’intérieur de formes suaves et puissantes s’inscrivaient de somptueuses zones de hachures en points, ou de points s’étirant en hachures, Windsor-Smith élaborant sans cesse une nuance et une complémentarité entre ces deux techniques. Il en ressort une sensation de quasi perfection. Exemple probant avec Conan : par Buscema, c’est classe, y a pas à dire… mais Les Clous rouges, quand même, ça a été quelque chose… En 1991, ce dessinateur magnifique se pencha sur le cas de Wolverine. Et il ne le fit pas à moitié. Le résultat fut Weapon X, une œuvre devenue un véritable classique moderne. « Une œuvre d’art », dit Larry Hama dans sa vibrante introduction qui fait plaisir à lire. Et il a raison, le bougre…

Tout fan de Wolverine se doit d’avoir lu au moins une fois dans sa vie Weapon X. Windsor-Smith a en effet voulu explorer la zone la plus sombre, cachée, énigmatique et emblématique de ce personnage : la fameuse expérience « scientifique » qui a transformé Logan en Wolverine, lui lavant le cerveau et remplaçant ses os par un squelette en adamantium, griffes comprises, faisant de lui le p’tit gars sympa qu’on connaît. Un épisode de la vie de Logan si important et primordial qu’il n’en finit plus d’alimenter les fantasmes depuis des décennies, maintenant… Un épisode clef, source inépuisable de possibilités pour les scénaristes, et justement… Avec Weapon X, Windsor-Smith a eu une intention aussi limpide qu’extrême quant à ce propos : non pas élaborer un récit qui tournerait autour de lui-même pour privilégier l’intrigue et l’action au détriment de la réalité du sujet à traiter (ne devenant alors plus que l’élément fondateur et non le vrai personnage de l’histoire), mais plutôt d’aborder ce récit de la manière la plus abrupte, concrète, réaliste qui soit : de manière chirurgicale. Windsor-Smith dissèque chaque stade de l’expérience en prenant le temps de montrer tout ce que subit Logan. La temporalité, le déroulement même de l’action, se fait dans la continuité de l’expérience. Le suspense est scientifique, l’angoisse métabolique, et seul le mental des « expérimentateurs » fait balancer l’autopsie graphique dans l’histoire globale. Et si nous nous sentons plus observateurs que voyeurs, c’est grâce au merveilleux talent de scénariste et de narrateur de Windsor-Smith, jouant différents niveaux de narration. C’est magnifique. Oui, Barry Windsor-Smith est un artiste complet, un véritable auteur. Dans son introduction, Larry Hama parle des fugues de Bach, du rôle des récitatifs qui scandent le rythme du récit par l’articulation d’une sorte de conscience commentant l’action, ou bien donnant aux dialogues un relief tout particulier par un effet de « hors champ » mental complétant l’image avec une redoutable acuité, mettant en exergue ce qui ne peut être exprimé par le pictural. Comme le dit aussi Larry Hama, Weapon X est une œuvre entière, celle d’un seul homme ; pour les crayonnés, l’encrage, les dialogues, le scénario, les couleurs… Pour arriver au summum, un sujet aussi implacable demandait une implication totale de l’auteur, et Windsor-Smith a plongé corps et âme dans le projet, le réalisant de bout en bout avec un talent et une cohérence remarquables. On pourrait écrire des pages et des pages, sur cette œuvre, sur cet artiste… Mais la meilleure des choses à faire pour vous, là, c’est bien de vous procurer cet album et de vous y plonger entièrement, sans concession, corps et âme, afin d’explorer les méandres les plus obscurs de l’humain, d’en tirer la connaissance et la résultante, et de refermer l’album en se sentant un peu plus fort, debout face à l’adversité. Merci Barry.

ASTONISHING X-MEN vol.1 : SURDOUÉS (Panini Comics, Marvel Deluxe)

Mais quelle merveilleuse idée que cette édition en album d’Astonishing X-Men !!! Oui, les premiers épisodes du volume 3, ceux-là mêmes qui sont signés Whedon, Cassaday et Martin. Oui, une vraie belle idée, car cette période est l’une des plus belles pour ce titre, assurément. L’introduction du brillant Brian K. Vaughan témoignera bien mieux que moi de la qualité de ces épisodes, celui-ci étant assez dithyrambique pour qu’on ait envie de dévorer l’ouvrage avec enthousiasme et appétit. Apparemment, Vaughan est fan fan fan des épisodes de Whedon et Cassaday, et j’avoue qu’il est difficile de ne pas aimer cela… Pour plein de raisons.

Tout d’abord Whedon n’en a pas « trop fait » en débarquant sur le titre, s’en tenant à la mythologie en place et montrant par là même sa bonne connaissance de la série. Il n’en a pas trop peu fait non plus en réussissant à malmener juste ce qu’il faut la logique en place pour enclencher un beau rebond de nos mutants favoris. Bref, Whedon n’a pas voulu amener la logique télévisuelle sur le papier, et c’est tant mieux puisque c’est Cassaday qui est aux pinceaux. Les dessins de Cassaday – surtout lorsqu’ils sont génialement mis en couleurs comme ici – ont une puissance d’évocation immense, comme ceux de Quitely, et ne souffriraient pas d’une illustration grand spectacle sans réelle articulation, ou bien d’une transposition gratuite. Il semblerait que Whedon ait même diminué ses dialogues au maximum afin de laisser s’exprimer la magie des dessins de Cassaday dans leur plus belle ampleur, seul moyen d’arriver à une osmose digne de ce nom entre le texte et le dessin. Si elles ne sont pas trop mortelles dingues à outrance, les deux histoires constituant ce premier volume n’en restent pas moins intéressantes et pleines d’émotions, d’idées, d’ouvertures respectueuses de l’univers mutant et contenant assez d’originalité pour engendrer un futur aux héros. Mieux, comme je le disais, Whedon connaît son sujet et puise dans les archétypes pour en tirer des visions justes et excitantes. La première histoire s’attaque d’emblée au « problème » du gène mutant, avec une déclaration scientifique comme un coup de tonnerre : la mutation ne serait qu’une maladie, et le remède existe. De là à l’imposer ce remède aux mutants, il n’y a qu’une idéologie que les politiques et consorts voudront franchir allègrement. On revient donc ici aux fondements du contexte mutant, et Whedon ouvre une nouvelle brèche quant aux dangers éthiques déjà nombreux auxquels ont été confrontés nos héros depuis déjà un paquet de temps… La seconde histoire reprend le postulat du « danger vient de l’intérieur », avec comme ennemie… ah… faut-il vous le dire, ou pas… Non, allez, même si les aficionados savent de quoi je parle, n’éventons pas le mystère pour les petits chanceux qui vont découvrir ces épisodes seulement maintenant.

L’autre bonne raison d’aimer cette série, c’est bien sûr les dessins de John Cassaday mis en couleurs par Laura Martin. Cassaday possède vraiment un trait fascinant, entre réalisme et fantastique, qui atteint parfois des paroxysmes d’efficacité grâce à des cadrages dynamiques et solides et un sens de la représentation raffiné et subtil. Cassaday, au-delà de son talent graphique, a un excellent sens de la composition et du spectacle, et les X-Men lui donnent l’occasion d’explorer un univers assez vaste et riche pour l’emmener dans des voies intéressantes, nous offrant au passage de très belles images de Sentinelle. Comme je l’ai souligné, la mise en couleurs de Laura Martin frise la perfection, en totale adéquation avec le dessin de Cassaday, mieux, le complétant en une osmose parfaite, sublime, parfois intense et expressionniste, parfois proche de l’évanescence. C’est somptueux. Whedon, Cassaday, Martin: voilà bien un trio gagnant comme on n’en rencontre que trop rarement, engendrant un peu plus qu’un simple plaisir de lecture. Que vous dire de plus, à part que vous retrouverez en fin de volume toutes les couvertures originales et que la traduction est de Françoise Effosse-Roche ? Courez l’acheter !

Cecil McKINLEY

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