Last news from comics 2012

Les comics ont le vent en poupe et il est bien difficile de parler de tout ce qui mérite notre attention face à un tel foisonnement éditorial. Pour finir l’année, je vous propose donc une petite séance de rattrapage avec quelques comics parus ce dernier trimestre 2012 et que je n’ai pas pu chroniquer à leur sortie malgré l’intérêt qu’on doit leur porter.

« Jack Kirby Anthologie » par Jack Kirby & co

En 2006 était parue une belle anthologie de Jack Kirby chez Panini, qui reprenait ses travaux réalisés chez Marvel. Aujourd’hui, ce sont les Å“uvres réalisées par le King chez DC Comics qui font l’objet d’une anthologie chez Urban Comics, et c’est une réussite en ce sens où l’ouvrage constitue une très bonne introduction au travail de Kirby chez cet éditeur, couvrant trois décennies de créations variées et souvent passionnantes. Pendant longtemps, en France, on n’a mis en avant que le travail de Kirby chez Marvel, restant l’inoubliable compère de Stan Lee dans tous les esprits. Et pourtant… Du côté de chez Arédit/Artima, les fans avaient déjà pu découvrir il y a bien longtemps des merveilles parues aux States chez la Distinguée Concurrence. Sur le même modèle que leur anthologie DC parue en début d’année, Urban Comics nous propose ici un album particulièrement bien jalonné et structuré, revenant sur les grandes périodes et les Å“uvres emblématiques de Kirby qui ont tant apporté à DC Comics. De ses débuts dans les années 40 en compagnie de Joe Simon jusqu’aux « Losers » des seventies (et sans oublier les fameuses créations du « Quatrième Monde »), cette anthologie donne un très bon aperçu des cheminements de Kirby chez l’éditeur, donnant plus qu’envie qu’Urban Comics se lance maintenant dans l’édition intégrale d’œuvres tout simplement mythiques comme « New Gods », « Forever People », « Mister Miracle », « The Demon » ou bien sûr le très attendu « Kamandi » qui a marqué toute une génération de fans français. Cette anthologie rend bien compte de l’évolution du style et des thématiques personnelles de Kirby, et c’est un vrai bonheur que de (re)découvrir certaines raretés qu’il faut avoir vues pour bien appréhender le King. Ainsi, l’épisode du « Sandman » des années 40, des « Challengers of the Unknown » des années 50, et le regain d’invention des années 70, démontrant l’époustouflante créativité d’un Kirby se sentant plus auteur complet que jamais… Une belle rareté qu’il faut noter : l’histoire en noir et blanc rehaussée de lavis parue dans l’éphémère magazine Spirit World en 1971 et qui est une petite merveille. Et on ne pourra qu’admirer le premier épisode d’« OMAC », épisode le plus étrange à la couverture la plus étrange de l’une des créations les plus étranges de Kirby (fascinant). Seul petit bémol personnel à apporter à cette belle et incontournable anthologie : la préface de Joann Sfar dont je ne comprends même pas la présence en ces lieux, vu que le bonhomme avait par exemple osé dire dans l’émission « Comix » sur Arte que « la bande dessinée, c’est la France et la Belgique, le reste du monde en est à l’âge de bronze » (!!!). Ce qui revient donc à traiter Tezuka, Pratt ou Kirby d’hommes de Neandertal, et qui en dit long sur la mentalité de ce monsieur. Mais bon… Il suffit de sauter la préface et de se plonger dans l’âge de bronze, chers sauvageons !

« Animal Man » T1 (« La Chasse ») par Travel Foreman et Jeff Lemire

Animal Man est déjà un ancien personnage DC Comics, apparu au milieu des années 60 et repris avec éclat par Grant Morrison à la fin des années 80. Un super-héros un peu secondaire, au pouvoir incongru : Buddy Baker peut en effet se mettre en contact direct avec le règne animal pour en tirer les spécificités et utiliser celles-ci contre le crime. Il peut ainsi acquérir la force du rhinocéros, l’agilité d’un singe ou bien la vitesse d’un guépard. À côté de ses congénères plutôt cosmiques, c’est vrai qu’Animal Man prêtait jusqu’alors à sourire, incarnant le parfait « héros pittoresque à lire au second degré ». En connexion avec l’univers sombre de « Swamp Thing », Lemire et Foreman reprennent aujourd’hui ce personnage atypique pour le plonger dans une nouvelle ère, moderne, résolument noire. Fini de rire. Et tremblez, maintenant ! Le changement de ton est radical, que ce soit par le propos sombre du scénariste ou par le style impressionnant du dessinateur. J’avoue avoir été littéralement fasciné par le trait de Foreman sur ce comic… C’est beau, c’est juste, parfois très sombre, parfois clair jusqu’à l’épure, foisonnant de détails et charbonneux puis cristallin et absolu dans la simplicité. Ses nuances stylistiques évoluent selon les scènes de l’histoire, nous confrontant à la crudité du réel et nous plongeant dans des cauchemars sans nom. Une Å“uvre de contraste, forte, surprenante et puissante qui bénéficie d’un excellent rythme dans le découpage et la composition, au service d’un récit angoissant, proche de la terreur. Ne serait-ce que pour le dessin de Foreman, ce comic vaut assurément qu’on s’y intéresse. Vous l’avez compris, Lemire a commis ici une très belle reprise de super-héros, lui donnant une nouvelle dimension, plus ample et profonde, aussi respectueuse qu’originale, embrassant le genre horrifique sans ambages. Inquiétant. Fascinant. On en redemande.

« 100 Bullets » T5 (« 100 Balles pour un privé ») et T6 (« Le Bal des marionnettes ») par Eduardo Risso et Brian Azzarello

Bam ! Bam bam bam ! Revoilà « 100 Bullets » ! Urban Comics poursuit l’édition intégrale de ce petit bijou qui ne ressemble qu’à lui-même, ne souffrant d’aucune comparaison possible. C’est bien plus qu’une œuvre, que ce comic : c’est un univers en soi, et avant tout un état d’esprit. Une osmose entre un scénariste et un dessinateur. Une alchimie parfaite. Des mots incisifs, des idées géniales, et des dessins à couper le souffle tellement ils sont beaux dans leur noirceur lisse et juste. On ne s’en lasse pas. C’est beau, c’est fort, c’est dingue et c’est classe. Oui, voilà, la classe absolue. Au-delà du succès public de cette série, Azzarello et Risso ont aussi eu droit à l’admiration de leurs pairs et de la profession, comme en témoignent les préfaces de ces tomes 5 et 6 respectivement signées Rob Elder et Greg Rucka. J’aime beaucoup ces deux préfaces. Celle d’Elder, plutôt provocatrice, et celle de Rucka, carrément dithyrambique. Dans le tome 5, nous suivons le parcours du privé Milo Garret qui a survécu à un sombre accident de voiture et qui se trimballe maintenant le crâne recouvert de bandages. Cet aspect qui nous rappelle inconsciemment l’homme invisible et autres « Yeux sans visage » apporte une dimension mystérieuse qui se marie à merveille avec l’ambiance polar sombre de l’œuvre, d’autant plus que la personnalité bien trempée du personnage en fait un héros rêvé pour ce genre d’histoire. Sa rencontre avec l’agent Graves puis l’enquête qui va suivre vont mener le privé à un destin tragique, dans la plus pure tradition du genre. Le tome 6, lui, propose une suite d’épisodes consacrés chacun à un personnage de la série : Dizzy, Cole, Benito, Lono, Graves, et Wylie. Des tranches de vie particulières faisant écho à l’intrigue générale tout en apportant leur lot de révélations qui ont une incidence sur la compréhension du récit mis en place par Azzarello. C’est toujours aussi somptueusement dessiné par Risso qui ne tarit jamais dans l’inventivité des cadrages, du rythme, des compositions, alliant finesse et souplesse du trait et masses noires judicieusement installées. Une ambiance de fou. Des histoires de dingues. Tout ça agencé avec un talent et une maîtrise qui ravissent l’œil et l’âme. À suivre absolument !

« X-Men : Intégrale 1972-1975 ») par Sutton, Buscema, Kane, Starlin, Englehart, Wein, Goodwin, Mantlo, etc.

Au milieu du brouhaha éditorial de Panini Comics, voici donc LE volume-charnière indispensable qu’il fallait éditer au sein de cette Intégrale X-Men. Alors bravo malgré ma rancÅ“ur… En effet, vous le savez, chers X-Maniaques, la série originelle des X-Men s’interrompit au numéro 66 de mars 1970. En décembre de cette même année, un numéro 67 parut, inaugurant une suite de rééditions des premiers épisodes qui allait durer jusqu’au numéro 93 d’avril 1975, avant la parution du fameux « Giant-Size X-Men » #1 un mois après (dès lors, l’ère moderne des X-Men initiée par Christopher Claremont allait changer la donne). Entre 1970 et 1975, ce sont donc cinq années de désert créatif que connaîtront les X-Men, orphelins de leur propre titre. Mais la grande tradition Marvel veut depuis toujours qu’il y ait une cohérence et une interaction entre tous les super-héros qui peuplent cet univers. Sans parler du Fauve qui finira par faire partie des Vengeurs, cette équipe de mutants si spécifiques n’allait pas disparaître totalement malgré la perte de leur publication nominative. Entre 1972 et 1975, on retrouva donc certains membres des X-Men dans des épisodes d’autres séries, guest-stars d’un jour pour se rappeler au bon souvenir des lecteurs. Il faut dire que chacun des membres de l’équipe avait un fort potentiel pour briller ailleurs ! Cet album propose une quinzaine d’épisodes issus des séries « Incredible Hulk », « Avengers », « Defenders », « Marvel Team-Up » et « Amazing Adventures » où Havok, Polaris, Le Fauve, Iceberg ou le Pr Xavier tiennent tête à l’ennemi en compagnie d’autres grandes figures de la Marvel. Un album indispensable pour les fans des X-Men, cela va sans dire…

Cecil McKINLEY

« Jack Kirby Anthologie » par Jack Kirby & co Éditions Urban Comics (22,50€) – ISBN : 978-2-3657-7127-6

« Animal Man » T1 (« La Chasse ») par Travel Foreman et Jeff Lemire Éditions Urban Comics (15,00€) – ISBN : 978-2-3657-7105-4

« 100 Bullets » T5 (« 100 Balles pour un privé ») et T6 (« Le Bal des marionnettes ») par Eduardo Risso et Brian Azzarello Éditions Urban Comics (15,00€ chacun) – ISBN : 978-2-3657-7102-3 et 978-2-3657-7103-0

« X-Men : Intégrale 1972-1975 ») par Sutton, Buscema, Kane, Starlin, Englehart, Wein, Goodwin, Mantlo, etc. Éditions Panini Comics (28,40€) – ISBN : 978-2-8094-2419-5

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