« Strangers in Paradise » T17 (« Amour et mensonges ») par Terry Moore

Eh oui, encore un article sur « Strangers in Paradise »… J’ai déjà dit tant de bien sur cette œuvre ! Mais lorsqu’une série reste passionnante, inventive, talentueuse et intelligente de bout en bout, il serait imbécile de ne pas la suivre pas à pas, et je dirais même que l’on se doit de l’appuyer jusqu’à son terme… « Strangers in Paradise » fait indubitablement partie de ces œuvres qu’on ne doit pas perdre de vue, qu’on reçoit comme un cadeau, comme un écho à notre propre existence. Et ce 17ème tome de « SiP » est aussi l’avant-dernier de la série, donc ce n’est pas le moment de décrocher !

Parfois, on peut avoir de petites craintes qu’une œuvre finisse par nous décevoir dans la longueur, après l’avoir ardemment suivie, après avoir tant vibré à sa lecture. Je ne sais pas pourquoi, mais je ressens souvent cette crainte avec « Strangers in Paradise », de tome en tome. Enfin si, je sais pourquoi… Parce que j’aime tellement « Strangers in Paradise », au point que j’estime qu’elle fait partie des quelques bandes dessinées qui accompagnent ma vie de manière profonde et durable (et je ne suis pas le seul), que j’ai peur de la moindre déception alors que j’ai toute confiance dans le talent de Terry Moore, et que celui-ci ne m’a jamais déçu… au contraire. À peine avais-je lu les deux premières pages de ce tome 17 que cette peur s’est évanouie, à nouveau conquis par ce que j’étais en train de lire, toujours en adoration devant des personnages que je connais pourtant par cœur. L’étonnement est toujours là. C’est toujours aussi drôle, intelligent, sensible, charmant, redoutable, lucide et émouvant. Mais bon dieu de bon dieu, comment fait donc ce diable de Terry Moore pour avoir autant de talent, ne jamais lasser le lecteur, le faisant vibrer à chaque page comme au premier jour ??? Je ne sais pas, mais il le fait, le bougre ! Et c’est toujours un ravissement…

Alors qu’il est clairement dans la fiction, Moore réussit le tour de force d’être d’une justesse humaine absolue dans l’expression de la psychologie des personnages ; on dirait qu’il a une acuité toute particulière pour pointer du doigt toutes nos petites faiblesses, tout ce qui nous entrave malgré nous dans la vie, sans jamais perdre de vue notre potentiel lumineux. À ce titre, l’humour fait bien sûr partie de l’aventure, un humour toujours aussi malin et mordant. « Strangers in Paradise » est bel et bien à l’image de la vie : connue mais inattendue, sérieuse et dérisoire. D’où le contraste. Et Terry Moore s’y entend pour nous faire pleurer entre deux bêtises assumées : même si l’humour est omniprésent dans ce nouvel opus, l’émotion et le drame n’y sont pas moins présents. Il y a même une ombre au tableau qui se profile de manière inexorable dans ce volume, exprimée avec force dans le travail narratif de l’auteur. Ici, moins de digressions qu’auparavant, peut-être, mais Moore continue néanmoins à mélanger prose et dessin, chanson et illustration. L’ombre au tableau, c’est celle d’un oiseau de proie noir stylisé se détachant d’un ciel nocturne hanté par la lune qui revient incessamment au sein du récit, scandant la menace à venir, prête à fondre sur le destin des personnages… d’un personnage plus particulièrement. À l’aune du dénouement de la série, jamais l’espoir et la mort n’auront été autant en jeu que dans ce volume. Cela ne laisse rien présager de bon, mais oblige les personnages – et le lecteur – à reconsidérer la vie sous un angle plus sage. Plus sereins face aux saloperies de la vie. Mine de rien, Terry Moore nous prodigue une formidable leçon de vie, dans cette œuvre magnifique.

 

Au point où nous en sommes, David et Casey ne supportent plus que Katchoo et Francine ne se parlent plus et soient incapables de se rabibocher. Ils vont donc imaginer un plan qui obligera les deux amoureuses contrariées à s’adresser à nouveau la parole, mais rien n’est gagné… De son côté, Tambi surveille tout ce beau petit monde – et en particulier David – pour arriver à ses fins très personnelles. Si nous sommes à nouveau plongés dans cette chronique amoureuse bien connue, la facette de l’intrigue policière semble elle s’effacer plus que jamais afin de laisser place aux sentiments des personnages. Rappelons qu’un drame se profile. Sans dévoiler les ressorts de l’histoire, sachez seulement que la maladie entre en ligne de compte dans le récit, les maladies, et que les personnages vont devoir affronter la situation du mieux qu’ils le peuvent… s’ils le peuvent. Cette nouvelle dimension dramatique emporte soudainement le récit vers d’autres niveaux d’intérêt, renforçant dans le même temps l’attachement que l’on éprouve pour les protagonistes de cette saga du vécu. On appréciera la malice de Terry Moore qui apporte quelques nuances graphiques à l’ensemble, notamment dans des crayonnés ou par un style plus « cartoon » qui émerge par intermittence le long des souvenirs égrainés à un moment de l’histoire. Bref, c’est toujours aussi chouette, et je défie quiconque de ne pas être profondément touché par cette œuvre. Je vous donne bien sûr rendez-vous pour la chronique du 18ème et dernier tome de « Strangers in Paradise » aux éditions Kymera (que l’on ne remerciera jamais assez pour leur passion et leur pugnacité à éditer et faire connaître ce comic qui ne ressemble à aucun autre).

 

Cecil McKINLEY

« Strangers in Paradise » T17 (« Amour et mensonges ») par Terry Moore Éditions Kymera (16,50€) – ISBN : 978-2-916527-20-8

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