« Au fil de l’art » T1 par Ivana et Gradimir Smudja

Si l’art est un moyen de s’évader, de voyager, c’est encore plus vrai dès qu’on raconte l’histoire de l’art et notamment celle de ses peintres. C’est ce que vient d’entreprendre Gradimir Smudja, en collaboration avec sa fille. Ils ont décidé de nous promener d’artiste en artiste, de toile en toile, de ville en ville (européennes pour le moment)…

Dès la couverture, à la manière de la célèbre publicité Ripolin où trois peintres peignaient l’un derrière l’autre, s’impose une galerie, non pas de peinture mais de personnages costumés, pinceaux et palettes à la main, posant et peignant leur voisin. Ils sont douze en parfaits apôtres du troisième (ou quatrième, selon les classements) art – et du neuvième art puisque c’est de BD qu’il s’agit. Douze apôtres que l’on retrouve en pages de garde attablés : « La Cêne » de Leonard de Vinci, tout simplement !

 

Le plus ancien porte une peau de bête et s’acharne à couvrir les parois de Lascaux pour passer un jour à la postérité. C’est gagné d’avance, il ressemble à Picasso ! Après deux pages pédagogiques (pour chacun des peintres, il en est de même), nous passons aux choses sérieuses. Sérieuses ? Voire ! Une jeune fille contemporaine sert de fil rouge (et en suit un, véritablement) pour nous accompagner dans une suite de rencontres picturales. Elle n’est pas seule, son chat Vincent (cf. infra) l’accompagne et, de passage absurde en filiation surprenante, le fil rouge aligne une belle brochette de stars : Léonard de Vinci, Michel-Ange, Durer, Brueghel, Rubens, Velasquez, El Greco, Rembrandt et Vermeer, dont les Smudja acolytes commentent, avec humour et érudition, techniques et secrets.

 Le voyage est aussi terrestre : le Périgord, certes, mais aussi Rome, Milan, Florence, Nuremberg, Anvers, Madrid, Tolède, Amsterdam, Delft… décors urbains minutieusement recomposés au gré desquels les tableaux sont à leur tour décomposés, déstructurés, dans un jeu de déconstruction savant ou surréaliste selon les besoins de la démonstration ou du délire créatif du moment. Bref, on retrouve dans cette nouvelle série toute la folie et le génie de Smudja. Comme d’habitude, il éblouit par sa virtuosité graphique de copiste délirant et son sens du scénario burlesque. Depuis « Vincent et Van Gogh » (Delcourt, 2003), – où le chat s’appelle Vincent, cf. supra – l’auteur oscille ainsi, tantôt respectueux, tantôt parodique, entre conte et fantaisie, histoire et anecdote, entre jeu farfelu et défi narratif, associant tour à tour dans un tourbillon frénétique Van Gogh et Little Nemo, Gauguin, Degas, Monet ou Toulouse-Lautrec avec Hitchcock et ses corbeaux, Hopper, Hollywood et Marylin, Hergé même.

 

Avec « Le Cabaret des Muses » (chez Delcourt, à partir de 2004, intitulé pendant deux tomes « Le Bordel des Muses »), Smudja ne s’arrête pas en si bon chemin, le Paris de la Belle-époque l’excitant au plus haut point. Autour de Toulouse-Lautrec, c’est une véritable sarabande : La Goulue, Bruant, Dreyfus, Rodin, Cézanne, Degas, Renoir, Suzanne Valadon, Oscar Wilde… C’est décalé, nonsensique, grandiloquent, torturé, drôle, fou… Les qualificatifs sont infinis face à ces pages incomparables et « peinturlurées » avec art, comme ce « Fil de l’art » qui ne dément en rien ces adlectifs !

 Alors, bons voyages !

 Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

 « Au fil de l’art » T1 par Ivana et Gradimir Smudja

Éditions Delcourt (19,99 €) – ISBN : 978-2-7560-2681-7

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