COMIC BOOK HEBDO n°59 (17/01/2009)

Cette semaine : DAREDEVIL, SPIDER-MAN, CONAN et John BUSCEMA…

DAREDEVIL vol.15 : LE DIABLE EN CAVALE (Panini Comics, 100% Marvel)

La semaine dernière nous étions revenus sur la période Bendis/Maleev de Daredevil, période primordiale et incontournable pour bien comprendre le contexte actuel de la série et les directions qu’elle prend au fur et à mesure des épisodes. Le postulat (et son évolution) engendré par Bendis a secoué et révolutionné l’univers de Daredevil avec une vraie force, une réelle émotion : de la substance, voilà, le mot est lâché. Pas qu’une période de plus, mais bien une charnière indélébile de l’histoire de ce super-héros emblématique. L’état de la réalité de Daredevil est inextricablement sur la tangente, remettant tout en question, du professionnel à l’affect en passant bien sûr par l’identité sauvegardée du justicier masqué. Passer après ça tenait du suicide ou de l’inconscience, surtout lorsque l’histoire de Bendis est portée si haut par un artiste tel qu’Alex Maleev qui a forgé une identité visuelle si forte pour le personnage et la série qu’elle reste l’une des plus réussies avec celles de Colan et Miller. Nul ne sait si Brubaker, Lark et Gaudiano sont suicidaires ou inconscients, mais ils y sont aller, au charbon ! Et contre toute attente ils ont réussi le passage du flambeau avec une acuité, un talent et une finesse assez bluffantes : l’histoire est toujours aussi intéressante, et les dessins réussissent à s’imposer en continuité du dessin de Maleev sans le singer. Matt Hollingsworth tient un rôle primordial dans la réussite de cette transition, puisqu’il fut le premier coloriste de la période Bendis (lien qu’il réalise avec Frank D’Armata), assurant une belle continuité d’ambiance bien intégrée par Dave Stewart un moment.

En refermant le volume précédent (Le Diable dans le bloc D, même collection), la situation générale semblait assez intense et corsée ! Nous étions en plein doute sur la mort ou non de Foggy Nelson, Murdock a réussi à s’évader de prison grâce au Punisher mais est devenu un fugitif, semblant ne plus pouvoir compter sur personne… ou presque. Nous avions aussi appris que le Daredevil qui remplaçait le vrai durant la détention de Murdock n’était autre que Danny Rand, alias Iron Fist. Maintenant à l’air libre mais recherché par tous, Matt Murdock part en Europe afin de retrouver celui ou celle qui est à l’origine de l’assassinat de Foggy. Mais ce que sait Murdock n’est pas forcément la réalité… Mais je ne peux vous en dire plus sans tout dévoiler… Le premier épisode de cet ouvrage nous en apprend plus sur ce qui est arrivé à Nelson, et les cinq suivants nous font suivre le périple de Murdock en Europe, de Lisbonne à Monaco en passant par Paris et la Suisse… Pendant ce temps-là, aux Etats-Unis, il s’en passe de bien bonnes, au FBI… C’est l’ensemble de cette cavale qui nous est contée ici, et c’est très très agréable à lire, à regarder… Un vrai bonheur qui ne laisse planer aucun doute sur la pertinence et les capacités de la relève : Brubaker, Lark et Gaudiano sont le trio rêvé pour cela. Et l’on se dit que Bendis et Maleev n’ont pas bossé pour rien : ils ont réellement insufflé un style, une atmosphère, une vraie histoire au sein de la série, suffisamment riche pour que de bons artistes puissent donner à cet univers des voies passionnantes qu’il serait dramatique de voir s’essouffler ou devenir ne serait-ce que moyennes. Et cerise sur le gâteau, c’est agréable, de lire une traduction avec de vraies bonnes phrases bien senties, bien construites, dans une vraie cohérence d’ensemble, pas que de mots les uns à la suite des autres… C’est vrai, en lisant cet album ça m’a frappé ; au bout d’un moment je suis revenu au générique afin de voir qui avait traduit : bon sang, mais c’est bien sûr, c’est bien Nicole Duclos, qui s’implique joliment sur cette série depuis des années, période Bendis/Maleev comprise. Bravo, Nicole ! Bref, vous l’aurez compris, voilà un album que je vous recommande vivement, chaudement, réellement.

SPIDER-MAN L’INTÉGRALE 1976-1977 – PETER PARKER : THE SPECTACULAR SPIDER-MAN (Panini Comics, L’Intégrale)

Petite nouveauté dans la continuité de l’édition intégrale de Spider-Man : la chronologie se scinde en deux. L’année dernière était paru le volume consacré à l’année 1977 de The Amazing Spider-Man, ce volume-ci reprend les premiers épisodes datés de 1976 et 1977 de la nouvelle série dédiée alors au Tisseur de toile : Peter Parker : The Spectacular Spider-Man. Ce nouveau titre pour Spider-Man fut créé face au succès toujours grandissant de la série mère, et le Tisseur semblait alors avoir besoin d’un peu plus d’espace pour vivre tout ce que la Maison à Idées voulait lui faire faire. Ainsi, les deux séries restent dans le même contexte, puisque certains éléments se font écho au gré de l’action. La rédaction voulut faire de cette nouvelle série non pas simple titre de plus, mais lui donner un caractère propre, que l’on retrouve de manière très explicite dans le titre : oui, les projecteurs seront ici plus dirigés vers Peter Parker que vers son alter ego super-héroïque. Ne soyons pas naïfs, Peter Parker : The Spectacular Spider-Man n’est pas une chronique lycéenne pour autant, car les super-vilains sont bien là pour en découdre et Spider-Man est mis en scène sans retenue ; mais c’est vrai qu’on sent la série plus portée à pouvoir s’attarder sur le vécu de Parker, ainsi que sur certains personnages clé de la série. Dans l’ensemble, les premiers épisodes de cette série sont très plaisants à lire, tout ça est très sympathique, ça fleure bon les seventies et l’on passe un très bon moment.

On retrouvera donc ici tous les ingrédients et les caractères que nous aimions dans la série initiale, pour notre plus grand plaisir. Ce sont la Tarentule (je ne sais pas pourquoi, mais il est à la fois ridicule et classe, ce personnage, non ?) et Kraven le Chasseur qui ouvrent le bal, avec des bastons qui font plein de Krak, Swak, Poww, Whak, Thuk, Whump, Smash, et même Zzzalk (si si), suivis de près par le fameux Luminex. D’autres figures historiques sont bien sûr présentes, comme le Vautour, Morbius (un épisode d’un ancien annual fut repris en introduction d’une histoire de la série où apparaît ce personnage fascinant), Tigre Blanc, et même les inhumains ; les Fantastic Four, quant à eux, font quelques apparitions. Et puis il y a d’autres personnages plus anecdotiques, comme Hitman, Frère Pouvoir et Sœur Soleil, et… Razorback (super craignos). Côté artistique, la série bénéficie d’une solide brochette de pros : Gerry Conway, Bill Mantlo, Archie Goodwin, Jim Shooter et Christopher Claremont pour les scénarios (rien que ça !), et Sal Buscema, Ross Andru et Jim Mooney pour les dessins (pas mal !). C’est une excellente idée que d’éditer cette série en complémentarité de The Amazing Spider-Man, et cela devrait ravir tous les fans de Peter Parker. Un classique des seventies…

JOHN BUSCEMA vol.1 (Panini Comics, Marvel Deluxe)

Après un volume consacré à Jack Kirby et un autre à Stan Lee, quel pouvait être le troisième nom à apparaître au sein de la collection Marvel Deluxe dans la section « auteurs mythiques » ? Quelques grands noms viennent tout de suite à l’esprit, et parmi eux se trouve bien évidemment celui de John Buscema. Des Vengeurs aux FF en passant par le Silver Surfer ou Conan (voir ci-dessous), Buscema a marqué l’histoire Marvel de son empreinte reconnaissable entre toutes. Le dessin de John Buscema est un dessin exigeant, puissant et souple. Influencé par les grands artistes de comics des années 30 (Foster, Raymond, Hogarth), Buscema insufflait dans son trait la grâce et la force, et a su instaurer de vraies atmosphères esthétiques (son traité du cosmos dans des séries comme Silver Surfer, avec ces planètes en clair obscur, est mémorable et sublime). Un très grand nom de l’histoire des comics, donc ! Comme pour les volumes consacrés à Kirby et Lee, cet ouvrage nous propose des « œuvres de jeunesse » et quelques curiosités aptes à réjouir tout vrai fan. Ainsi, après la belle et grande introduction de Roy Thomas, l’album s’ouvre sur un récit court de 1948 : Crime : Rapt ! Victim : Abraham Lincoln !, histoire policière typique de cette époque. Puis une histoire de 1966 parue dans Strange Tales mettant en scène Nick Fury et le S.H.I.E.L.D. où l’on sent le style de Buscema se chercher encore malgré un certain aplomb. Comme le fait justement remarquer Roy Thomas dans son intro, les épisodes de Hulk de 1966 ont été pour Buscema l’occasion de travailler son style et de s’améliorer en un temps record : vous pourrez en juger par vous-mêmes avec trois épisodes d’affilée.

1967 est une grande année pour Buscema, puisqu’il commence à dessiner une série qui deviendra pour lui une vraie marque de fabrique : Les Vengeurs. Oui, Buscema a été un dessinateur phare de cette série, et tous les artistes qui l’ont suivi sur le titre n’ont pu faire autrement que de connaître son travail afin d’articuler le concept. Les deux premiers épisodes qu’il a dessinés vous sont ici présentés, et vous aurez le plaisir d’y rencontrer le fabuleux Dragon Man, ce personnage si attachant que j’aime personnellement beaucoup, et je sais que je ne suis pas le seul. Comme moi vous serez peut-être aussi surpris que cet album ne comprenne pas d’épisode du Silver Surfer de la grande époque (1968-1970), car c’est tout de même un paroxysme dans l’œuvre de Buscema, un chef-d’œuvre… Peut-être est-ce à cause de l’édition récente de l’omnibus consacré à cette création historique… Mais l’on retrouvera quand même le Silver Surfer dans un épisode court de 1980 où Buscema est épaulé par Rudy Nebres et Mike Veitch (la présence de Rudy Nebres rappelle le travail fait à la même époque sur WeirdWorld en compagnie de Peter Leger, une œuvre qui aurait pu figurer aussi au générique). S’en suivent deux curiosités de 1968 et 1969 : une perle humoristique de 5 pages dans la grande tradition des pastiches courts de chez Marvel (Avenjerks Assemble !), où l’on voit un Buscema étonnamment à l’aise dans le burlesque et la caricature, et un épisode de My Love, série sentimentale permettant à Buscema de dessiner de jolis portraits de femmes (les femmes de Buscema sont assez fascinantes, non ?).

Pour les années 70, nous avons au menu les Vengeurs, les Fantastic Four, Thor et Dracula. Les deux épisodes des Vengeurs sont de toute beauté, avec la présence musclée d’Arkon le Magnifique et de très beaux dessins de la Sorcière Rouge (ah, Wanda !). Côté Fantastic Four, c’est pas mal non plus avec un combat entre Hulk et la Chose, et le numéro 200 de Thor fut l’occasion d’exhubérances graphiques avec le fameux Ragnarock (on sent ici l’influence de Kirby !). L’histoire de Dracula, réalisé pour Epic, est d’une facture intéressante et inhabituelle pour ceux qui sont restés bloqués « 100% Marvel » (pas la collection) : en noir et blanc, d’un trait plus libre, elle montre un autre aspect du style de Buscema. Nous passons ensuite aux années 80 avec l’épisode court de Silver Surfer dont je vous parlais plus haut (une merveille de couleurs), et à un épisode des Vengeurs littéralement transcendé par l’encrage du génial Tom Palmer : magnifique ! L’album se clôt sur un récit court en noir et blanc (ou plutôt en lavis) avec Hulk, daté de 1998.
Que dire de plus ? Rien ! C’est John Buscema, c’est tout, que voulez-vous dire ? Incontournable !

LES CHRONIQUES DE CONAN 1976 (Panini Comics)

Je ne vais pas mentir, les aventures de barbares musclés ne m’ont jamais plus passionné que ça (à part pour les ingénues sauvageonnes plantureuses échappant au danger toute gorge pudiquement dehors). Mais là, je dois avouer qu’il y a de quoi intéresser tout amateur de bande dessinée. En effet, au-delà du sujet et du personnage, il y a une pléiade d’artistes tous plus géniaux les uns que les autres qui se relaient tout au long de l’ouvrage. Imaginez un peu : Roy Thomas, John Buscema, Neal Adams, Gil Kane, et Barry Smith : n’en jetez plus ! Carrément appétissant, non ? Et plus qu’appétissant, puisque le résultat est vraiment excellent, parfois d’une très grande beauté graphique. Reprenant les épisodes de The Savage Sword of Conan 10 à 15 (plus un petit rattrapage de l’année 74 issu de Savage Tales), cet album est de toute première importance pour les fans de Conan et de ces artistes de renom. Dans l’ensemble, les histoires sont bonnes, respectueuses de tout un état d’esprit propre à Howard. Vous lirez en premier la conclusion du long récit Conan le conquérant où le style de Buscema s’empare toujours plus du sujet au fil des pages, jusqu’à trouver la bonne « touche ». L’essai est complètement réussi dès la deuxième histoire, encré par un Yong Montano au style assez découpé. Les encreurs sont de très importants, dans cette série ; ils explorent le style de Buscema de manière extrêmement forte. Ainsi, le summum est atteint avec l’encrage d’Alfredo Alcala, un enlumineur exceptionnel. On le voit dès Les Hantises de Castel-Pourpre : Alcala est un maître du contraste et de la hachure, transcendant le trait de Buscema par des jeux de traits maîtrisés avec une rare maestria : c’est sublime ! Alcala excelle aussi dans l’histoire Le Démon de fer où une case comme celle où Conan aborde un escalier sur le rivage fait penser aux plus grandes heures de l’illustration d’aventures merveilleuses du XIXe siècle. Oui, il y a parfois du Hetzel, dans le travail de hachures d’Alcala ; c’est tout simplement génialement beau, merveilleux, magnifique, et l’œil peut se perdre des heures dans des explorations graphiques de toute beauté. Voilà pour la partie Buscema. Quant à Gil Kane, Neal Adams et Barry Smith, ils œuvrent tel qu’ils savent le faire, avec talent, et nous offre de bien belles planches. Les styles de Kane et de Smith, plus « purs », plus clairs et ronds que ceux de Buscema et Adams, apportent une dimension graphique intéressante, qui dépoussière un peu l’archétype. Adams, avec sa puissance d’évocation habituelle, semble très à l’aise et jouis de l’exercice avec un plaisir évident.
Pour compléter le tout, vous pourrez lire quelques articles d’époque et admirer les magnifiques couvertures originales. Bel album…

Cecil McKINLEY

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