COMIC BOOK HEBDO n°56 (27/12/2008)

Cette semaine, les FUGITIFS, le SHAOLIN COWBOY et WILDCATS VERSION 3.0?

LES FUGITIFS vol.2 : VIVRE VITE (Panini Comics, Marvel Deluxe)

Les habitués de cette chronique savent tout le bien que je pense de Brian K. Vaughan et connaissent ma sympathie pour la série Les Fugitifs… Ce deuxième volume regroupant les épisodes 13 à 24 de la deuxième série de Runaways était attendu par beaucoup de fans. Et c’est avec une certaine délectation que nous pouvons nous replonger dans l’univers de cette équipe de super-ados pas nazes pour deux sous, un univers qui échappe sans efforts à tous les écueils d’une série dite « pour ados ». C’est excellent de bout en bout, même si je dois avouer avoir nettement préféré le premier volume, encore plus percutant et étonnant. Ici, la qualité est toujours de mise, rassurez-vous, ce n’est qu’un petit bémol personnel, car sur le fond comme sur la forme, cette série est une pure réussite, n’en doutez pas. L’histoire de Vaughan est très bien équilibrée, entre les moments d’action et d’autres plus psychologiques – voire sentimentaux, ce qui est rarement tenté en pareil contexte, et c’est bien, que Vaughan se penche aussi « là-dessus » (mais ceux qui connaissent son œuvre savent que ce jeune et brillant scénariste est d’une grande humanité). Il réussit parfaitement à jongler entre humour, suspense, action, intimité, le tout offrant un éventail assez complet pour que l’identification marche plein pot. Et c’est vrai qu’ils sont attachants, ces d’jeuns. Franchement, entre nous, qui pourrait résister à la gouaille de cette charmante et dévastatrice petite Molly ? Elle est vraiment émouvante, et si drôle, distillant un humour tout sauf benêt, si incisif et capricieux à la fois : un vrai bonheur. Les autres personnages aussi, bien sûr, sont abordés de manière assez proche pour qu’on se sente impliqués. Et puis Vaughan a construit son récit avec un bel art du rythme narratif, ce qui donne dynamisme et relief à tous les éléments de son histoire, engendrant bien évidemment une lecture assez palpitante et jouissive de la chôse. Ces grandes qualités scénaristiques sont divinement mises en image par l’excellent dessinateur canadien Adrian Alphona (Mike Norton, un peu moins fascinant mais très bon quand même dessine les épisodes 19 à 21). Les dessins d’Alphona, portés par un trait clair et fluide, sont un vrai régal pour les yeux, profitant au passage du talent de Craig Yeung pour l’encrage et de Christina Strain pour les couleurs (très belles).

Nous avions quittés nos jeunes héros fougueux après une aventure new-yorkaise où ils eurent fort à faire pour aider la Cape et l’Épée avec les New Avengers sur le dos, alors que la douce extra-terrestre Karolina a quitté l’équipe pour retourner dans l’espace. Le présent ouvrage débute en trombe sur un épisode intermédiaire où Molly se retrouve prisonnière d’un méchant pas beau asservissant les enfants afin de s’enrichir. Beuark ! Malheureusement pour lui, cet ignoble individu peu recommandable ne savait pas qu’en capturant Molly il allait aussi choper la gale… Car la gamine est retorse, effrontée, et aussi forte que Hulk… Bien fait, na ! Puis nous embarquons dans une grande aventure si pleine de rebondissements que j’ose à peine vous parler de l’histoire… Sachez juste que vous entendrez encore parler de Karolina, que son/sa fiancé(e) vous sera plus familiers (ainsi que pour les Fugitifs), et qu’un nouveau Cercle est apparu, avec à sa tête un gros dur manipulateur qui veut la peau des Fugitifs. Le combat est loin d’être fini malgré la fin des créateurs du Cercle : une sorte de nouvelle Hydra ? Oui, il y a un peu de ça… Nous aurons aussi l’occasion de connaître toujours mieux nos jeunes héros par quelques fragments personnels arrachés entre deux urgences, et cet arc sera stigmatisé par un drame atroce qui va secouer l’équipe, une histoire de vie et de mort, et la mort est une garce… Vous ferez aussi plus ample connaissance avec les Gibborims, gigantesques entités au look d’enfer. Et vous trépignerez de joie devant le physique incroyable de cette bande de vilains louloups, chasseurs lycanthropes miyazakiens… En plus des couvertures originales, vous pourrez admirer en fin d’ouvrage quelques croquis de Norton et Alphona (c’est toujours très agréable et instructif de voir les croquis des artistes). Bref, l’album regorge de surprises et de bons et beaux moments, vous avez mon feu vert, les enfants…

LE SHAOLIN COWBOY vol.2 : M. EXCELLENT (Panini Comics)

Houla… Bon, je vous préviens, on change d’atmosphère, avec un délire pur jus signé par ce bon vieux dingue de Geoff Darrow. Oui, vous savez… Darrow ! Celui qui sait dessiner le plus de détails au millimètre carré, qui mélange folie, violence, sexe, absurde, humour atroce et des trucs qu’on sait même pas d’où ça lui vient. Les fans admirent depuis plus de vingt ans ses bandes dessinées où l’on peut passer des heures et des heures à découvrir de nouveaux détails dans chaque case, dans des amoncellements et des compositions d’éléments qui laissent carrément pantois (Bourbon Thret, Hard Boiled). Dans les années 80, après avoir travaillé chez Hanna-Barbera, Geoff Darrow a fait ses premiers grands pas dans l’univers des comics grâce à ses rencontres avec Mœbius et Frank Miller – qui seront déterminantes. À la fin des années 90, c’est avec les frères Wachowski qu’il va collaborer, puisqu’il signera une partie du story-board et qu’il sera l’un des principaux designers de la trilogie Matrix au cinéma ; le nom des frères Wachoski est d’ailleurs au générique pour les idio-logues et les ombres d’arrière-plan (je ne fais que retranscrire ce que je lis, ne me demandez pas) de cette œuvre complètement barrée éditée chez Burlyman (suivez mon regard). Car oui, ne te fais aucune illusion, toi, l’innocent lecteur qui va ouvrir ces pages… Laisse tout sens commun au vestiaire, car ici tout n’est que pure folie, pas une once de cartésianisme en vue, juste le simple plaisir de délirer sur une situation et d’en tirer toutes les possibilités graphiques et inventives. Un jeu d’adulte qui s’amuse de ne plus être un enfant. Une curiosité qui assume de but en blanc son décalage obtus. Un truc à prendre pour se décapsuler sans rien demander d’autre. Un trip sur papier. Une farce étrange et grosse comme une maison. Une absurdité fascinante, et ce rapport au temps, à l’action, où tout semble s’étendre jusqu’à ne plus prendre fin, dans une narration et une lecture revenant à des rythmes de découpages et de cognition séquentielle assez primitives (dans le sens positif du terme, évidemment). Un retour à des fragmentations de l’action qui engendre un recul immédiat sur ce que l’on est en train de lire, pris par un mouvement aussi violent que lent à s’épanouir graphiquement, une lecture trash dans un temps arrêtée. Drôle d’impressions. Drôle de lecture. Drôle de bonhomme, ce Darrow… Je ne lui confierais pas mon presse-citron… Quand on a refermé l’album, on se dit : « Mais qu’est-ce que c’est qu’ce truc que j’viens lire, hein, allo, qui est là ? » On aura beau relativiser en se disant qu’on vient de lire l’histoire d’un cowboy japonisant et muet combattant un zombie dont la tête décapitée est maintenue au-dessus du corps par un oiseau pendant que la mule du Shaolin monologue à l’infini sur Robert Mitchum et le hip-hop, et que tout va bien, eh bah on sera toujours dans un drôle d’état, croyez-moi… Et c’est tant mieux, car malgré des fausses outrances modernes réitérées et déclinées à satiété ici et là, les bandes dessinées qui vous décantent réellement la pulpe du bulbe rachidien juste pour le désir de délirer sans fin sont bien rares… Pour couronner le tout, vous trouverez en fin d’ouvrage des fausses couvertures commentées pas piquées des vers…



WILDCATS VERSION 3.0 vol.2 (Panini Comics, 100% Wildstorm)

Nouvel opus de Wildcats version 3.0, série créée par Jim Lee il y a déjà maintenant quelques années (eh oui, le temps passe). Wilcats est une sorte de thriller fantastique financier baignant dans l’univers de Wildstorm. Jack Marlowe, un type venu d’ailleurs doué de pouvoirs ayant un rapport avec l’espace-temps, est devenu sur Terre le PDG d’une multinationale surpuissante grâce à un produit redoutable pour le capitalisme : des piles inusables. Par le biais de ces piles Halo, Marlowe entend bien agir sur les logiques politico-économiques afin d’instaurer une société moins avilissante et soumise au joug de quelques poignées de boursicoteurs en puissance. La mafia institutionnelle et officielle de l’économie humaine, voilà le véritable propos de cette série gonflée qui se penche sur différents rouages (entendez « êtres humains ») de ce monstrueux engrenage dans lequel nous sommes tous pris – de près ou de loin. Un peu moins « rentre-dedans » que les autres costaud de l’univers Wildstorm, Marlowe n’en combat pas moins fortement l’oppression, mais par des moyens plus pernicieux et positivement pervers que ses acolytes musclés. Il sait que la plus grande des violences n’est pas physique, pour certains, mais se jauge en suites de 1 et 0 dans les réseaux économiques. Marlowe n’est pas seul dans son combat, mais il s’est entouré de personnages assez difficiles à gérer, et l’équilibre de tout ça est parfois rudement malmené. Mais Marlowe semble si sûr des retombées concrètes, inéluctables, de ce qu’il a amorcé que rien n’a l’air de lui faire peur. Prochaine étape vers la grande bascule : la fin du système économique lié aux sources d’énergie avec cette batterie de voiture qui fonctionne en autarcie complète ? De quoi faire trembler tout le zinzin, si vous voyez ce que je veux dire.

Tout au long de l’album, on croisera des destins mêlés plus ou moins gravement dans l’intrigue en cours, qui elle-même est multiple. On verra comment Edwin Dolby, le conseiller financier de Marlowe, va faire un apprentissage assez rude de ses nouvelles missions au sein du groupe, un peu plus musclées que des chiffres sur des colonnes de papier. Nous verrons aussi que l’agent Wax est un type pas si clean que ça, que Grifter est toujours d’aussi bon poil, et que Sam Garfeld ou la troublante C.C. Rendozzo sont loin d’être inoffensifs. Et puis il y a l’horrible agent Orange que Marlowe veut reprogrammer, le fils de Rendozzo à retrouver, les sales caractères à calmer, l’adultère à gérer… Un comic assez costaud, à l’esprit très adulte ; pour lecteurs avertis, donc. Le scénario est de Joe Casey, et les dessins de Dustin Nguyen, très en forme.

Cecil McKINLEY

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