Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Avé ? Alix ? ! Pardon : Avant ? Alix ? !
Pour fêter les 60 ans d’« Alix » (l’une des principales références en bandes dessinées historiques, dont la première planche est parue dans l’édition belge du journal Tintin, le 16 septembre 1948), les éditions Casterman ont mis les petits plats dans les grands !
Outre un nouvel opus (le 27ème) dessiné par Christophe Simon, dans le total respect de la ligne claire réaliste du créateur (Jacques Martin), et scénarisé par le romancier et journaliste spécialiste de l’histoire de l’art qu’est Patrick Weber, sur une idée du vieux maître (« Le démon du Pharos » a été tiré à 100 000 exemplaires par la maison dirigée par Louis Delas), une pléthore d’ouvrages accompagne cet anniversaire :
– un très intéressant DVD réalisé par Alpha médias qui propose, entre autres, une passionnante interview avec les auteurs de ce 27ème album et avec René Ponthus, historien auteur de nombreux ouvrages sur l’Antiquité : mais là , pas de chance pour les amateurs, cet objet collector est réservé à la presse…
- « Aventures carthaginoises » : le quatrième tome d’une intégrale thématique qui regroupe bandes dessinées et recueils d’illustrations sur les « Voyages d’Alix »…
- une superbe réédition fac-similé (donc conforme à l’édition originale : couverture non pelliculée, dos toilé, papier plus épais, couleurs plus chaudes et respect du noir et blanc, présent à l’époque par souci d’économie, imprimé en alternant les doubles pages) qui reprend l’intégralité de la première aventure de notre jeune et célèbre gallo-romain : « Alix l’intrépide »…
– « Alix : 60 ans de couvertures » : un très bel album dû à Christophe Fumeux et Jean-Marc Milquet, lesquels y ont bien résumé la riche carrière de Jacques Martin (en se basant sur les références absolues des martinophiles*, tout en apportant quand même leur pierre avec quelques éléments inédits), et qui reprend les nombreuses couvertures réalisées, pour l’hebdomadaire Tintin, par le vénérable géniteur d’« Alix », de « Lefranc », de « Jhen », d’« Arno », d’« Orion », de « Kéos » et autres « Loïs » ; illustrations déjà proposées, pour la plupart, dans un ouvrage épuisé depuis des lustres : « Images d’Alix » de François Rivière, aux éditions Hélyode, en 1992…
– le troisième volume de la nouvelle collection « Alix raconte » dont le principe est de raconter (comme le titre l’indique) la vie d’une personnalité de l’Antiquité et dont les scénarios didactiques sont tous fort bien écrits par François Maingoval ; après « Alexandre le Grand » (dessiné par Jean Torton) et « Cléopâtre » (mise en image par Eric Lenaerts), c’est au tour de « Néron » de renaître le temps d’un album, sous le crayon d’Yves Plateau…
– enfin, toujours dans le cadre de l’hommage à Jacques Martin et à son personnage fétiche, le scénariste Patrick Weber (en collaboration avec Julie Maeck) devrait prochainement proposer « Carnets de guerre », un album illustré sur le STO : le Service du Travail Obligatoire auquel les nazis, durant la Seconde guerre mondiale, astreignaient de nombreux travailleurs des pays qu’ils occupaient : comme ce fut notamment le cas pour Jacques Martin, réquisitionné et transféré contre son gré vers l’Allemagne, en 1943, afin de participer à l’effort de guerre. Proposé dans un format à l’italienne, l’album comportera une introduction historique, une longue interview de Jacques Martin et bien sûr l’intégralité de ses dessins de guerre.
Voilà qui nous donne l’occasion de revenir sur un pan assez méconnu de l’Å“uvre de celui qui sera aussi l’un des assistants d’Hergé : la période avant « Alix » ! Si tous les amateurs connaissent par cÅ“ur les nombreuses anecdotes qui ont jonché, depuis, son parcours, anecdotes qu’il raconte souvent avec bonhomie et avec une légère propension a l’exagération (là encore, vous les retrouverez toutes dans les ouvrages signalés en bas de cet article), peu d’entre eux mettent en avant sa période d’apprentissage « consacrée à la réalisation de travaux publicitaires et, accessoirement, à la création de petites bandes dessinées, souvent de style comique que j’exécutais très rapidement, sous le pseudonyme de Marleb », dixit Jacques Martin, lui-même, dans l’introduction d’« Alix : 60 ans de couvertures ».
Et pourtant, ces prémices sont assez révélatrices du style à venir de Jacques Martin, même si elles étaient dues, pour la plupart, à sa collaboration avec un certain Henri Leblicq. Après la guerre et sa réquisition par le STO comme ingénieur dans une usine allemande qui fabriquait des avions, le jeune Jacques Martin avait trouvé du travail dans le milieu du dessin animé en se faisant embaucher par Paul Grimault (le futur réalisateur du « Roi et l’oiseau »). Mais seule l’idée de faire de la bande dessinée l’obsédait et, à l’époque, pour pouvoir pratiquer ce métier de façon décente, il fallait être en Belgique ! C’est donc avec enthousiasme qu’il répond à la convocation de l’éditeur belge Desclée de Brouwer, lequel souhaite publier ses illustrations. Et c’est ainsi que le 2 février 1946, il s’installe à Bruxelles (où il trouve rapidement d’autres boulots dans le domaine publicitaire, via l’intervention d’une cousine belge et grâce à sa rencontre avec un certain Maurice Houtwaert, lequel l’engage comme dessinateur free-lance dans son studio).
Puis, un an plus tard, il emménage à Verviers, la ville de la discrète Monique Schnorrenberg qu’il venait juste d’épouser, en octobre 1947. Il réalise donc ses premiers travaux pour l’Office technique de publicité (O.T.P.) tout en livrant quelques bandes dessinées pour des quotidiens comme L’Indépendance de Charleroi ou La Wallonie de Liège, ainsi que pour des magazines comme Story, Wrill ou Bravo ; Bravo où il sera en relation avec le célèbre caricaturiste et illustrateur belge Jean Dratz : ce dernier lui commanda d’ailleurs « Monsieur Barbichou », un stop-comic, c’est-à -dire une série de gags développés en trois ou quatre dessins, publié de 1946 à 1949, puis « Lamar, l’homme invisible », 26 planches (très influencées par le « Flash Gordon » d’Alex Raymond) publiées en 1947.
C’est dans l’atelier de Maurice Houtwaert (l’O.T.P.) qu’il se lie d’amitié avec Henri Leblicq, un autre salarié de cette petite entreprise, plus âgé que lui d’une quinzaine d’années. Ils vont vite faire cause commune et signer du pseudonyme de Marleb (Mar pour Martin et Leb pour Leblicq) les nombreuses commandes que l’entreprenant Alsacien (Jacques Martin est né à Strasbourg, le 25 septembre 1921) réussit à récupérer grâce à un démarcheur, également employé par l’O.T.P., qui lui servait d’agent littéraire. Dans l’interview qu’il accorde à Michel Robert*, l’exubérant papa d’« Alix » déclare même que « Je fus très rapidement débordé de commandes ! Dans un bel élan, je dessinais pratiquement une page par jour. Mais j’ai dû demander de l’aide à un dessinateur en publicité… Nous avons signé ensemble nos créations sous le pseudonyme de Marleb… ». Alors que dans celle rapportée par Thierry Groensteen*, il n’hésitait pas à proclamer que « Au bout d’un an environ, notre collaboration prit fin, mais je n’en continuai pas moins à utiliser le pseudonyme de Marleb, puisque c’était sous ce nom que je commençais à être connu… ».
Quoi qu’il en soit et quelle que fût la véritable part de Leblicq dans leur association (d’après Martin, il se chargeait seulement des décors et de la mise en couleurs, pendant que le vénérable maître s’occupait de dessiner les personnages et d’écrire les scénarios), laquelle dura donc pratiquement jusqu’à la création d’« Alix » et à l’aboutissement de son rêve le plus cher qui consistait à être publié dans le journal Tintin, elle résulta sur quelques morceaux d’anthologie ; certains de ces honorables « péchés de jeunesse » ayant été réédités, il n’y a pas si longtemps, on peut encore les trouver chez les bouquinistes, en cherchant bien :
– « Le secret du calumet », la première enquête du jeune indien « ?il de perdrix », publiée à l’origine, en 1947, directement en album par les éditions Bravo (ce fut d’ailleurs le seul), a été proposé, sans succès, par Claude Lefrancq, en 1991, dans sa collection « Intégrale » où l’on retrouvait aussi un album de « Bouldaldar » de Sirius, série enfantine aujourd’hui en cours de réédition intégrale au Coffre à BD, et « Fanfan et Polo », une histoire humoristique de Dino Attanasio et Jean-Michel Charlier : cet album côte aujourd’hui seulement 12 euros au BDM, la version d’origine stagnant à 70 euros depuis des années. Hélas, les deux autres épisodes publiés dans Bravo de 1948 à 1950 (« Le signe du naja » et « ?il de Perdrix à New York », lequel fut quand même repris dans le fanzine Curiosity Magazine en 1977 et 1978) restent inédits en albums.
– « La cité fantastique », seule aventure de « Clark pilote d’essai » qui fut publiée de 1948 à 1949 dans Wrill, est encore, depuis 2002, au catalogue des éditions Point Image-JVDH (lesquelles sont dirigées par Jimmy van den Hautte, l’un des plus ardents défenseurs de l’Å“uvre martinienne et qui fait également partie des éditeurs responsables de l’« univers Martin » chez Casterman), dans un album noir et blanc numéroté et signé à 1000 exemplaires. Reprise en France dans le récit complet Ardan des éditions Artima (en 1956) puis en Belgique dans les fanzines Robidule (en 1972) et L’Âge d’Or (en 1991), cette histoire d’anticipation de 20 planches, proche de l’esprit du « Secret de l’Espadon » d’Edgar P. Jacobs, a cependant été réalisée entre 1946 et 1947 (donc, certainement avec Leblicq).
Par contre, en ce qui concerne les rares albums reprenant les aventures de Jack et de son petit chat blanc (très inspirées par celles de « Tintin »), publiées à l’origine sous la forme d’un strip quotidien entre 1945 et 1946 dans L’Indépendance et La Wallonie, puis dans Story dans une version différente de 1947 à 1950, ils sont totalement introuvables : « Le hibou gris » compilé par Rijperman dans un tirage de luxe à 1000 exemplaires numérotés en 1985 côte 90 euros au BDM, alors que le deuxième épisode (« Le sept de trèfle »), offert, en 1947, par L’Indépendance sous le titre « Les aventures extraordinaires du capitaine O.W. Hard et de Jack et Mine », atteint les 800 euros !!!
Gilles RATIER, avec Laurent TURPIN aux manettes
* La « bible » en la matière est, sans contestation possible, « Avec Alix » de Thierry Groensteen aux éditions Casterman : publiée une première fois en 1984, elle a été rééditée en 1987, puis en 2002 où elle bénéficiait d’une mise à jour complète due à Alain De Kuyssche ; mais l’amateur pourra aussi consulter avec intérêt « Alix, Lefranc et Cie : Jacques Martin » aux éditions André Leborgne en 1975, « A la rencontre de J. Martin » aux éditions Bédésup en 1985, « La voie d’Alix : entretiens avec Jacques Martin » de Michel Robert aux éditions Dargaud en 1999, « Les expéditions d’Alix » aux éditions du CBBD en 2007, « Jacques Martin : le César de la BD historique » de Michel Eloy aux éditions du CBEBD en 2008… ; ainsi que les interviews inédites contenues dans les fanzines ou revues suivants : Phénix n°4, n°21, n°27, Hop! n°9, Cahiers de la BD n°20, n°42, n°56, Pogo n°5, L’Age d’Or n°18, n°19, Les Amis d’Hergé n°0, (A Suivre) n°106, Documents BD n°3, Préambulle n°6, Synopsis n°2, Robidule n°2, CBD n°42, Lire n°184, Sapristi n°23, Libération n°4757, Auracan n°18, La Lettre de Dargaud n°14, n°39, n°43, Peplum n°6, Synopsis n°2, Buck n°9, Falatoff n°10, Hello Bédé n°153, Vécu (NS) n°1, Auracan n°18, Bo Doï n°15, n°84, n°119, A Propos n°5, Bandes Dessinées Magazine n°10, BullDozer n°5, Les Saisons d’Alsace n°10, etc.
LE LION DE LA BD
Je félicite fabrice lebeaudt pour son message et j’ai été trés émue par sa rencontre avec Jacques Martin qu’il avait qualifié de « vieux lion aveugle »
C’est vrai que J.M. était un lion de la BD tant par son physique que par son immense talent.
Le premier album d’Alix que j’ai lu s’intitulait » la griffe noire ». C’était au début des années 60. A partir de ce jour ma passion pour cette série ne m’a pas quitté pendant des années. J’attendais toujours avec impatiance la sortie du nouvel album.
Mais un jour cet enthousiasme m’a quitté, c’était à la sortie de l’album « les barbares », je ne reconnaissait plus la griffe du lion, la saga s’épuisait et la flamme du génie n’était plus au rendez-vous, même si la qualité graphique était toujours présente, quelle ressemblance entre « les légions perdues » un chef d’oeuvre du 9éme art et cet album, une production parmis tant d’autres ?
je retrouvais le même abime entre ses deux albums que celui qui sépare les premiers albums de Elvis Presley enregistrés au studio « Sun record » en 1955 que ceux enregistré dans les années 70 à las Vegas.
Mais qu’importe ! Elvis sera pour toujours un génie de la musique et Jacques Martin un génie de la BD.
C’est par hazard qu’il crée son petit personnage de Alix et qu’il le fait vivre au temps de Cesar. Savait-il en le créant que le 1er siecle avant J.C. était un des plus riche de l’histoire de l’humanité. La république Romaine est en pleine expension, elle étant son empire sur tout le monde Méditerranéen.
J.M. travaille alors au journal Tintin, et lorsque l’on a la chance de travailler à se journal on doit mériter cet honneur.
Le maître à penser culturel de cette revue est un certain Hergé.
C’est un homme rigide, en matière de travail, un perfectionniste qui ne tolére pas l’à peu prés encore moins le travail baclé. La perfection est son maître mot. Il faut hisser la BD au rang d’un art.
J.M. va être amené à progresser dans son dessin planches aprés planches, il va devoir se documenter sur l’époque de son héros.
La masse d’ouvrage qu’il consultera fera de lui un des plus grand historien du monde Antique, ces dessins seront une référence pour la connaissance du monde antique.
Quelle revanche pour une forme d’expression alors si souvent décriées par les professeurs.
Comme Hergé il n’hésitera pas à reprendre un détail en fonction des derniéres découvertes archéologiques ex. le costume de ses centurions.
On pourrait dire bien des choses sur son oeuvre immense, mais je reviendrai seulement sur l’album « La griffe noire »
C’est le premier album dont le dessin est abouti, le scénario est remarquable, une histoire de vengeance raconté comme un roman policier.
La première planche plante le décors à la maniére d’un dépliant touristique on découvre Pompéi un siècle avant sa destruction par le Vésuve. c’est alors une ville de villégiature pour les Romains qui ont mérité de la patrie.
pour rendre hommage à J.M. je voudarai décrire les pages 20 à 23 qui m’ont marqués.
A 60ans je les regarde encore avec émotion.
Le vieux Gallas ancien consul qui commandais la garnison de la région de Carthage raconte la tragédie de la cité d’Icara,
J.M. fait référence au drame de Carthage, une histoire sur laquelle il reviendra souvent ( voir dans le tombeau Etrusque la révolte des mercenaires).
En seulement 24 petites cases, tout est raconté. si les cases sont petites, le dessin qui les remplis est d’une extraordinaire richesse.
Cela commence comme une carte postale avec la présentation de Icara et de son port, puis le drame s’enchaine :
C’est le naufrage d’une escadre Romaine, les recherches et les pour-parler aux portes de la cité, les états d’âmes des consuls qui ne savent quelle décision prendre, la marche des légions dans les gorges, l’assaut brutal de la cité, sa chute et le massacre de la population qui s’ensuit, les archers numides qui tuent les malheureux survivant, la ville en feu et la satisfaction des consuls ayant le sentiment du devoir accompli, la découverte de la vérité et le retour tête basse des consuls et des légions, honteux de ce crime contre l’humanité et pour finir le triomphe à Rome et les honneurs aux héros de la République Romaine.
C’est du grand art !!!
Oui Monsieur Jacques Martin était un vrai artiste de la BD et comme j’aurai aimé serrer la main de ce Lion.
Jacques 2010
Jacques.guillerm@neuf.fr
It’s a great artist with broader appeal. I really love his depiction of the world. Scratch Cards
prolixe martin!
jacques dutrey
Prolifique, plutôt, non ?
C’était au début des années 60. A partir de ce jour ma passion pour cette série ne m’a pas quitté pendant des années. J’attendais toujours avec impatiance la sortie du nouvel album. Mais un jour cet enthousiasme m’a quitté, c’était à la sortie de l’album « les barbares », je ne reconnaissait plus la griffe du lion, la saga s’épuisait et la flamme du génie n’était plus au rendez-vous, même si la qualité graphique était toujours présente, quelle ressemblance entre « les légions perdues » un chef d’oeuvre du 9éme art et cet album, une production parmis tant d’autres ?
Best Web Directory
Merci pour l’info. L’artiste est très talentueux. Et vous pouvez acheter son travail quelque part dans Paris? belote en ligne
J’ai entendu beaucoup de bonnes choses au sujet de cette bande dessinée personnage de livre Alix et que vous voulez en savoir plus sur son histoire technical writers