Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Rencontre avec Éric Warnauts et Guy Raives aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois
Samedi 20 octobre 2012, 14h, Salon du livre : Joël Dubos a reçu, au nom de bdzoom.com, Éric Warnauts et Guy Raives, pour leur second album du cycle « Les Temps nouveaux », intitulé « Entre chien et loup ».
Après une présentation biographique des deux auteurs, qui a permis de revenir sur le caractère exceptionnel d’une collaboration étroite reposant, notamment, sur un dessin à quatre mains, l’entretien s’est très vite orienté sur l’analyse de l’album. Le récit, toujours centré sur la forte personnalité de Thomas et des gens qui gravitent autour de lui (Charles le frère, sa femme Alice, le père Joseph son meilleur ami), surprend par le choix de ne pas traiter les combats. Interrogés sur le parti-pris d’arrêter le premier tome avec la mobilisation de 1940, et de faire commencer le second à la Libération, à un moment où la guerre comme suspendue, semble hésiter à s’achever alors que se règlent les comptes, les deux compères ont insisté sur leur volonté de ne pas alourdir la narration : ne cherchant pas à réaliser une œuvre de guerre, ils étaient plus intéressés par la dimension sociale et psychologique des acteurs.
La première partie a ensuite mis en évidence la force de bouleversement représentée par la 2e guerre mondiale, à la fois accélérateur (le destin de Charles ou d’Assunta s’accomplissant inéluctablement), révélateur (les forts craquent là où les doux résistent), mais aussi inverseur (on découvre les activités clandestines méconnues de Charles le collaborateur). Éric Warnauts, soulignant la volonté d’isoler un moment privilégié où les hommes eurent le choix de leur destin, développait l’idée de la diversité des parcours et de leur impact pour l’avenir.
Dans un second temps, se trouvait posée la question du rapport à l’histoire entretenu par l’album. Guy Raives détaillait l’utilisation des sources orales de sa région pour nourrir le scénario à travers des témoignages tout à fait réels, parfois issus de la tradition familiale, ce que confirmait Éric Warnauts, dont les proches, puis le séjour en Allemagne pendant son enfance, ont fortement influencé la vision de la guerre.
Joël Dubos signala alors que l’album fonctionne sur l’évocation d’une « grande histoire » qui n’est que racontée ou entendue, là où le quotidien seul est vécu, recevant, comme un écho amorti, les bruits de la bataille des Ardennes, à la fois proche (« de l’autre côté de la colline ») et néanmoins lointaine, tout juste mentionnée à travers quelques évocations parfaitement documentées (la 7e armée, les massacres) mais évoquées de manière allusive. Les auteurs insistaient de fait sur leur intention de restituer d’abord une époque et une atmosphère à travers le vécu concret des individus.
Enfin, était abordée la dimension technique. Au modérateur détaillant les qualités de l’album pour conclure sur la question « est-on meilleur en collaborant étroitement à deux ? » Guy Raives répondait sans hésiter « oui ! », car les allers-retours obligent chacun à approfondir sa réflexion. Interrogés sur la structure parfaitement maîtrisée d’un récit alternant scènes de genre, longs dialogues et évocations muettes de paysages, les auteurs notaient leur volonté de développer sans pesanteur une diégèse reposant sur l’alternance du rythme et des situations afin de chasser toute monotonie de lecture. Quant aux lieux, si les noms ont été changés, Guy Raives confiait qu’ils renvoyaient directement à sa région, particulièrement l’hôtel que l’on peut toujours observer quelque part dans les Ardennes belges.
L’échange sur l’album s’achevait sur la question du Congo, dont Joël Dubos demandait s’il ne figurait pas la face cachée de la réussite belge, et sur la vision de l’histoire dela Belgique, qu’Éric Warnaut souhaitait reconstituer dans sa totalité avec franchise, en lien avec l’actualité afin de mieux comprendre les problèmes contemporains en tirant profit des erreurs du passé.
La conclusion prit une forme de scoop, les auteurs annonçant une nouvelle qui ravira les fans de la série : une suite est prévue, pour le printemps 2013. Elle traitera de la guerre froide, ce que laissait entendre la dernière vignette représentant l’avion Enola Gay. Une affaire à suivre donc avec grande attention.
Joël DUBOS
« Les Temps nouveaux » T2 (« Entre chien et loup ») par Éric Warnaut et Guy Raives
Éditions Le Lombard (14,99 €) –  ISBN : 978-2-8036-3027-1
Voir aussi sur bdzoom.com : « Les Temps nouveaux » T1 (« Le Retour ») et Des tas de suites qui méritent vraiment le détour….