Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Fawcett : les cités perdues d’Amazonie » par Alessandro Bocci et Guillaume Dorison
Les grands fleuves ont toujours inspiré les grands explorateurs. À moins que les grands fleuves n’aient « fait » les grands explorateurs ! Ainsi en est-il de l’Amazone et du Nil, les deux plus longs au monde. Les forêts de l’un et les déserts de l’autre n’ont rebuté aucun aventurier. Bien au contraire. Qu’il s’agisse pour Fawcett d’y dénicher des cités inconnues ou pour Burton d’en retrouver les sources du Nil, l’essentiel était bien de mettre les pieds sur des terra incognita. Les premiers ? Évidemment, non. C’était faire fi des peuples qui y habitaient et qui n’appréciaient guère ces colonisateurs assoiffés d’or et de reconnaissance…
Dans le cas du Colonel Percy Harrison Fawcett, il s’agit, au nom de la Société Royale de Géographie, d’un insatiable désir de cartographier et de répertorier les peuplades indiennes. Cela devient une obsession quand il découvre l’existence du carnet d’un ancien conquistador portugais confirmant l’existence d’une cité fabuleuse qu’il nommera « Cité Z ». On le voit en 1910, en Bolivie, puis de retour à Londres où il lui est difficile de séjourner. Il y repart en 1914 direction, via Rio pour y voler – il n’y a pas d’autre mot – le fameux manuscrit, mais la guerre l’oblige en tant que militaire à rejoindre les combats. Ce n’est que partie remise et c’est d’abord dans les années 1920-1921 (épisode éludé dans l’album), puis au beau milieu des années 20 qu’il y retourne. Fawcett retrouve les vertiges et les affres des forêts et des rivières amazoniennes du Mato Grosso, à corps perdu et donc au risque de se perdre, ce qui arrivera sans qu’il n’atteigne jamais d’Eldorado ! Il faudra un tome 2 pour accompagner un peu plus loin celui qui disparaîtra corps et biens en Amazonie et dont le nom deviendra un mythe, ce que le dossier final de huit pages commente avec intérêt, car Fawcett et son livre « Le Continent perdu » a nourri l’imagination de ses contemporains, notamment un certain Conan Doyle auteur du « Monde perdu », sans parler de l’explorateur Ridgewell inventé par Hergé dans « L’Oreille cassée », ou bien plus récemment du sujet de « Jurassic Park ». La verve aventurière d’un Dorison donne beaucoup de poids à ce personnage en s’intéressant, peut-être trop longuement, aux années de guerre et aux tergiversations familiales, mais c’est aussi cela la vie de Fawcett, soldat têtu et jusqu’auboutiste. A noter que le travail de Bocci est d’un réalisme remarquable soutenu par des couleurs intenses !
Publié simultanément, la quête de Richard Burton et de son acolyte John Hanning Speke est non moins impressionnante par la détermination et le courage que ces deux hommes manifestent au milieu du XIXème siècle. Burton est un individu hors-normes : militaire, polyglotte, écrivain, espion… Rien ne lui échappe, c’est un ethnologue avant la lettre attiré par le goût de l’aventure extrême. L’homme prend des risques insensés, ce que montrent bien cette évocation et le dossier qui lui est consacré. C’est réellement à Zanzibar en 1857 que débute leur périple puis du côté de Kazeh (aujourd’hui Tabora), en Tanzanie, un comptoir important et un centre esclavagiste où les bloque un roi chatouilleux sur le protocole mais non dénué de bon sens. Il s’étonne : Pourquoi se préoccuper où va l’eau du Nil ? se demande-t-il. « C’est l’eau qui décide où elle va. N’avez-vous donc rien de plus utile à faire chez vous que de regarder l’eau et de la dessiner ? », ce à quoi Burton répond : « Le reste du temps, nous faisons la guerre pour posséder ce que nous avons dessiné ». CQFD !
Après Mary Kingsley et Magellan (voir chronique précédente sur BDZoom), voilà donc deux nouveaux titres pour consolider la collection Explora, dirigée par Christian Clot, une collection qui attire l’œil par de très belles couvertures et par des narrations efficaces et documentées. À suivre, donc !
Alors, bons voyages !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Fawcett – Les Cités perdues d’Amazonie » par Alessandro Bocci,  Guillaume Dorison, Christian Clot
Éditions Glénat (14, 95 €) – ISBN : 978-2-7234-8196-0
« Burton – Vers les sources du Nil » par Dim-D, Alex Nikolavitch, Christian Clot
Éditions Glénat (14, 95 €) – ISBN : 978-2-7234-8192-2