Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Nozokiana » T1 par Wakoh Honna
En ce qui concerne la représentation des petites culottes en BD, les Japonais sont experts en la matière. Des auteurs tels que Masakazu Katsura ou Mizuki Kawashita sont des spécialistes du genre. Leurs œuvres ont la particularité de raconter une vraie histoire, contrairement à la plupart des titres exclusivement érotiques, voire pornographiques. La représentation libidineuse de la femme ne va pas plus loin qu’un effeuillage succinct et bien gentillet. Du coup, trouver un manga interdit aux moins de 16 ans avec une base de vrai scénario, ça interpelle…
« Nozokiana », c’est le nom en japonais du judas, ce trou dans la porte qui permet de voir la personne qui sonne avant d’éventuellement ouvrir. Ici, c’est un simple interstice dans le mur entre deux chambres d’une résidence accueillant des étudiants. Rien de bien méchant, sauf lorsque votre voisine est une obsédée qui aime se faire observer et réciproquement. Du moins, c’est ce que propose Emiru Ikuno à son voisin Tatsuiko Kido. Elle lui suggère ni plus ni moins que de s’espionner à tour de rôle chaque jour de la semaine : le lundi, mercredi et vendredi pour lui, le mardi, jeudi et samedi pour elle ; le dimanche étant un jour neutre. Celui qui est observé doit, bien évidement, faire comme si de rien n’était et s’il est un adepte de l’hédonisme, tant mieux pour le voyeur.
Emiru se prête volontiers à ce petit jeu. Elle laisse toute pudeur au vestiaire lorsqu’elle est observée, mais se comporte comme si de rien n’était une fois en classe avec son camarade. Lui, de son côté, ne l’entend pas de cette oreille, mais il est pourtant tiraillé entre sa morale et ses pulsions sexuelles. Tatsuiko Kido pensait avoir une vie bien tranquille en venant faire ses études aux Beaux-Arts de Tokyo, il n’en sera rien. Comment est ce que cela va finir ?
Une fois le postulat de base mis en place, le reste de l’histoire suit le cours habituel propre aux mangas type Moé avec une grosse dose d’érotisme normalement absente du genre. Au départ, les corps se dévoilent avec discrétion. Puis, sans grande retenue, lorsqu’il est temps de passer à l’action. Rien de bien méchant cependant, la censure japonaise habituelle est toujours présente. On reste dans le suggéré avec surtout de nombreux plans sur les poitrines. Le corps est bien mis en avant à travers les vêtements ou plus simplement lorsque les filles, ou les garçons sont nus. Les scènes de sexe et d’onanisme sont explicites avec une débauche d’action dégoulinante sans réellement montrer grand-chose. Pourtant ce n’est pas vraiment gênant, les protagonistes sont très bien mis en valeur par le dessin de Wakoh Honna. Le dessinateur ou la dessinatrice (1) se cachant derrière ce pseudonyme arrive parfaitement à rendre attractive la plastique féminine. Le trait est souple et soigné, mais c’est surtout dans les mouvements et les attitudes que le côté fripon se révèle. Les déhanchés sont à tomber par terre, les plans en contre-plongée à se damner et les moues des héroïnes feraient passer des vessies pour des lanternes. C’est tout bonnement du grand art.
Bien évidemment, entre chaque chapitre, une illustration pleine page met en avant une scène ou les héroïnes se dévoilent dans leur intimité, même si cela n’a pas un rapport direct avec l’histoire. C’est juste pour le plaisir des yeux. Pourquoi s’en priver, le principe du chapitrage offrant cette opportunité ? Contrairement à « Step up Love Story » qui joue sur le côté éducation sexuelle, ici, c’est réellement le voyeurisme qui est mis en exergue. Il faut dire que c’est une pratique japonaise assez courante. Il existe des clubs bien réels où, justement, le client observe par un trou des jeunes filles sans vertu. De même qu’il existe des trous placés plus bas ou l’homme peut introduire son engin et se faire caresser sans réellement savoir qui se trouve de l’autre coté de la cabine : une, femme, un homme, un travesti, tout est permis. L’artiste photographe, Nobuyoshi Araki, s’est même fait comme spécialité de rendre compte à travers son œuvre de ce phénomène. Il a publié de nombreux livres sur le sujet dont certains sont arrivés en France grâce à l’éditeur Taschen (1). Ce jeu ouvre sur de nombreux fantasmes grâce à l’imagination de cet univers que l’on ne voit pas complètement. Un peu le même principe que la suggestion induite par la censure dans les mangas.
« Nozokiana », c’est un peu le voyeurisme ultime, car on observe les deux partis simultanément.
Vous l’aurez compris, et c’est marqué en gros sur la couverture, ce manga n’est pas à mettre entre toutes les mains. Néanmoins, à part une scène de viol avorté, rien de bien choquant pour un adulte normalement constitué. Les autres sont protégés grâce à la couverture où l’héroïne ne se dévoile qu’en soulevant les rabats de la jaquette. Le voyeurisme dans toute sa splendeur pour le lecteur qui n’hésitera pas à regarder ce qui se passe de l’autre côté. À noter que cette présentation est une exclusivité française. De même qu’une image de couverture en couleur sous la jaquette, ce qui tranche avec les imprimés monochromatiques habituels.
Cette série comporte déjà 11 volumes au Japon, son succès ne se dément pas, il devrait en être de même en France. Son éditeur, Kurokawa, n’hésitant pas à mettre en avant ce titre prometteur.
Pourtant, si le postulat de départ est plausible, la suite, avec ces filles s’offrant toutes, les unes après les autres, l’est beaucoup moins. On retombe rapidement dans le manga érotico-porno ou l’acte prend le pas sur l’histoire.
Quoi qu’il en soit, pour le moment, il n’y a pas de mal à se rincer l’oeil, surtout lorsque c’est joliment dessiné et bien mis en scène.
Gwenaël JACQUET
« Nozokiana » T1 par Wakoh Honna
Éditions Kurokawa – ISBN : 2351427246 (7,95 €)
(1) Onna, sans le H signifie « femme » en japonais.
(2) «Tokyo Lucky Hole » par Nobuyoshi Araki. Éditions Taschen – ISBN : 3-8228-8189-9