Elle s’appelle Louison : Louison Bobard. Évidemment, c’est un pseudo, ce que découvre son collègue journaliste : Yves-Portat Remington. Lui, ce n’est pas un pseudo ! Tous les deux sont les héros de la nouvelle série concoctée par Bruno Bazile, et ça démarre au printemps 1967, sur les chapeaux de roue, et même, « à tombeau ouvert »…
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Jubilatoire road-movie existentiel, le dernier livre du médecin Charles Masson est en apparence, mais en apparence seulement, beaucoup plus léger que ces précédents romans graphiques également publiés dans la collection Écriture de chez Casterman : que ce soit « Soupe froide » (sur les SDF), « Bonne santé » (sur les malades en fin de vie) ou « Droit du sol » (sur la misère des clandestins de Mayotte) qu’il nous narrait, pourtant, avec humanité et empathie…
Ici, le héros s’appelle Albert, la cinquantaine bedonnante, et il roule de l’Allemagne vers Lyon, dans une belle voiture de luxe. Pour « faire la conversation » pendant la route, il prend en stop un garçon que l’on suppose être son reflet imaginaire, en plus jeune, et commence à lui raconter sa vie. Notamment son triste parcours sentimental, lequel s’appuie sur les vingt-six lettres de l’alphabet : l’initiale des prénoms de ses maîtresses suivant strictement cet ordre drastique. Et le constat semble en effet bien cruel, d’autant plus que sa dernière conquête, Yolaine, le fait tourner en bourrique et leur relation, proche de la rupture, semble vouloir lui confirmer son incapacité à aimer durablement et à atteindre, un jour, la lettre Z !
Ce prétexte, limite « OuLiPien », permet donc à ce bourgeois lamentable, et même finalement assez détestable, d’enfiler complaisamment un beau chapelet de scènes amoureuses, amusantes ou érotiques, que l’auteur met en scène de façon jamais vulgaire et à un rythme soutenu (en les ponctuant de dialogues drôles et imagés), tout en les dessinant d’un trait toujours fluide et agréable. D’ailleurs, on remarquera que le style de Charles Masson se bonifie d’ouvrage en ouvrage : de plus en plus minutieux et dynamique à la fois, de plus en plus BD et de moins en moins expérimental !
Quant au lecteur, il se surprendra à jouer complètement le jeu, alors que l’exercice aurait pu lui paraître ennuyeux (vingt-six lettres, cela aurait pu être long !), et à se poser autant de questions sur la vie à deux que le « héros » de ce divertissant bilan amoureux !
Gilles RATIER
« La Dernière Femme » par Charles Masson
Éditions Casterman (14 €) – ISBN : 978-2-203-04899-7