Hiroshi Hirata

Hiroshi Hirata est le premier auteur de mangas à avoir été traduit en langue française, et ceci dans le n°4 d’octobre 1969 du magazine d’arts martiaux Budo. Cette revue destinée aux judokas et aux budokas y accueillait, de façon tout à fait illégale, les 7 pages de « La dramatique histoire Budo du samouraï Shinsaburo ».

Celles-ci furent bientôt suivies par divers autres courts récits d’ Hiroshi Hirata, sans que le nom de ce dessinateur soit mentionné (comme pour cette « Histoire terrible de Bushido », publiée dans le n°6 de juin 1970, et dont nous vous montrons quelques planches). Il s’agirait d’histoires regroupées sous les titres « Bushidô Muzanden » ou « Retsu Ganki » : réalisées en 1968, elles ont été rééditées, au Japon, en septembre 2005 dans le recueil « The consequence of the broken promise : Hirata Hiroshi Chronologies 1968 ». Hiroshi Hirata fait également partie des premiers auteurs japonais auxquels les éditeurs américains se sont intéressés puisqu’il a vu son œuvre exposée au Comic Convention de Saint Diego, dès 1978, et traduite en langue anglaise, à partir de 1987.

Ce fait historique signalé, dès 2002, par Patrick Gaumer dans son « Guide Totem » sur la BD (chez Larousse) et qui sera confirmé, trois ans plus tard, par le bloggeur David Yukio semble, cependant, parfaitement inconnu de tous les « grands » spécialistes du sujet ! En effet, que ça soit Fabien Tillon dans ses pourtant très intéressants ouvrages au Nouveau Monde (« Les mangas », en 2005, ou « Culture manga », en 2006), Julien Bastide et Anthony Prezman dans leur indispensable « Guide des mangas » chez Bordas, en 2006, ou Rodolphe Massé dans le « Guide Phénix du manga » chez Asuka, en 2006, tous font remonter la première tentative, pour présenter au public francophone des bandes dessinées traduites du japonais, presque 10 ans plus tard (en 1978, et non en 1979 comme c’est écrit dans la plupart de ces ouvrages susnommés), lors de la parution du 1er numéro du Cri qui tue d’Atoss Takemoto, revue trimestrielle qui publia Osamu Tezuka, Takao Saito ou Yoshihiro Tatsumi : quand ce n’est pas en 1989, avec la revue « Akira » de chez Glénat (en oubliant même les tentatives de Kesselring avec Shotarô Ishinomori, d’Artefact avec Yoshihiro Tatsumi, ou des Humanoïdes associés avec la première version du « Gen d’Hiroshima » de Keiji Nagazawa) comme l’annonce de façon erronée Jérôme Schmidt dans son « Génération manga » paru chez Librio, en 2004. Seul Stéphane Ferrand, dans le récent collectif « Dico Manga », sorti en mars 2008, sous la direction de Nicolas Finet, chez Fleurus, mentionne le fait ; mais il ne cite pas le nom d’ Hiroshi Hirata et se trompe d’une année puisqu’il fait apparaître le manga en France en 1970, dans Budo (cette revue, qui existait depuis 1951, redémarrait au n°1 à chaque début d’année : ce qui peut expliquer les erreurs d’interprétation sur les dates).

Pourtant, le style réaliste, aussi fouillé que dynamique, d’Hiroshi Hirata y est assez reconnaissable : la plupart de ses histoires épiques, à la valeur historique indéniable, ayant souvent pour toile de fond la période d’Edo (1600-1868). Hiroshi Hirata, qui se qualifie lui-même d’excentrique, est même devenu un spécialiste de la représentation des grandes figures des samouraïs à travers le gekiga (genre revendiquant une bande dessinée adulte au Japon). Les éditions Delcourt, via leur partenaire Akata (structure dirigée par Dominique Véret), ont publiés les titres les plus prestigieux de ce mangaka né en 1937 et qui commença à être publié, au Japon, dès 1958 : que ça soit sa plus célèbre série en 6 volumes « Satsuma : l’honneur de ses samouraïs » (qui date de 1977) ou ses récits légendaires de guerriers japonais réalisés pour le Magazine Five de Tokyo : « Zatoïchi » (1965), « L’âme du Kyûdô » (1973) et « Tueur ! » (2005).

Il reste encore pas mal d’œuvres inédites en France de cet artiste, qui est également un maître calligraphe reconnu par ses pairs (il a calligraphié les titres de nombreux mangas et anime japonais comme, par exemple, celui d’« Akira ») : telles son autobiographie « Histoire d’un père » (1990), ses bandes dessinées comiques « Hiroshi Nobunaga sketch comic strip » réalisées pour Leeds (depuis 2007), ou encore « Kuroda san ji ni roku kei » (2003) et « Mother’s Strongman » (2005)… Cependant, Akata et Delcourt ont préféré nous proposer, pendant cette période estivale, « La force des humbles ». Il s’agit d’un recueil de onze courts récits mettant encore en scène des soldats féodaux ayant réellement existé, en proie à un sort cruel, qui incarnent la quintessence de l’esprit du Bushido. Véritable bouffée d’espoir à méditer, ces petites nouvelles graphiques ont été publiées, à l’origine, chez Kodansha (dans la revue Mister Magazine, de 1991 à 1993), à l’exception d’une histoire plus ancienne (datant de 1961) réalisée pour le magazine Mazô.

Comme les démarches patrimoniales, en ce qui concerne les mangas, sont plutôt rares en Europe francophone (à l’exception des éditions de l’œuvre de Tézuka qui, elle, est mise à toutes les sauces), il convient de saluer cette initiative comme il se doit : d’autant plus qu’Akata et Delcourt sortent, simultanément, un autre classique de la bande dessinée japonaise : « Au bord de l’eau » de Mitsuteru Yokoyama (un mangaka au style graphique très proche de celui d’Osamu Tezuka), publié, en 1969, par Ushio Shuppan Publishing.
Invité, en 2007, par le festival d’Amiens et par son éditeur Dominique Véret (qui lui consacre une biographie enfin fiable sur son site : http://www.akata.fr/auteur.php?id=27), Hiroshi Hirata, séduit par notre pays, a accepté de participer au prochain festival d’Angoulême, dans le cadre des rencontres internationales ; alors, qu’à 71 ans, il ne cesse de travailler, encore et toujours, sur de nouveaux projets…

Gilles RATIER

Galerie

5 réponses à Hiroshi Hirata

  1. En effet ! Voilà bien une info que j’ignorais (Budo, 1969)… Merci BD ZOOM ! Une raison de plus de rester humble : les connaissances d’un « spécialiste »… désigné ou proclamé comme tel, seront toujours relatives, jamais exhaustives ! ;-)
    A noter que je suis aussi, hasard heureux, avec le bien-aimé Jacques Lalloz, co-adaptateur de la Force des Humbles.
    Au fait ! Hirata est, avec Tezuka, l’auteur de mangas préféré de l’ami (et patrimoine vivant !) Alejandro Jodorowsky. Pas très étonnant, non ? Amitiés !

    • Anonyme dit :

      Bonjour,

      Je suis l’auteur du message référencé ci-dessus et je me permets d’apporter quelques précisions

      La revue Budo magazine Europe a été fondée en 1950 (si je ne me trompe pas), par un des pionniers du karaté en France, Henry Plée. Cet homme est une véritable légende dans le milieu des arts martiaux et ce depuis 50 ans; il est notamment 10ème dan de Karaté (excusez du peu). Son site, non officiel, http://www.henryplee.com/index.htm. La revue a tenu 19 ans, jusqu’à fin 1969, avant d’être reprise par un disciple de M. Plée, Roland Habersetzer, lui aussi une très grande figure du karaté français. La revue, sous sa nouvelle forme, a paru de janvier 1970 à décembre 1973, en recommençant la numérotation à 1 ce qui a fait croire à certains que cette revue date de 1970 et non pas de 1950! Pour info, les sommaires des numéros de ces quatre années http://www.encyclopedie-arts-martiaux-habersetzer.fr/budomagazine/index.html. Les mémoires de Rolan Habersetzer sont disponibles en PDF ici http://www.encyclopedie-arts-martiaux-habersetzer.fr/memoires/index.html; dans les pages 34 à 36 il parle de ses années de rédacteur sur la revue et comment cette aventure se finit.

      Désireux d’en savoir plus sur cette revue et pourquoi des mangas y furent traduit dans les années 60, j’ai pris contact avec le webmaster du site de M. Plée. Après en avoir parlé avec le principal intéressé voici sa réponse « Vers 1960, lors d’un voyage au Japon, il a découvert les mangas, et a pensé que ce serait une bonne chose d’en publier pour donner un nouvel essor à la revue Bushido Magazine. Il en a donc ramené une centaine (qu’il possède toujours) la plupart étant d’origine martiale étant donné le contenu de la revue. Mais ça n’a pas rencontré un grand succès dans le public français et il a fini par se désintéresser de la chose. »

      L’information capitale suite à cet échange de mail est donc que c’est au début des années 60 et non pas en 1969 que les premiers mangas ont été publiés en France… J’ai essayé d’avoir des infos plus précises, numéro et année de la revue concernée, mais pour le moment je n’ai pas eu de réponse.

      Dire qu’il y a encore quelques années on pensait que les premiers mangas visibles en France dataient de 1978 avec la revue Le Cri Qui Tue et là on remonte le temps de plus de 15 ans… la préhistoire du manga en France nous réserve peut-être encore de belles surprises!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>