COMIC BOOK HEBDO n°33 (12/07/2008).

Cette semaine, Sandman est de retour parmi nous?

-SANDMAN vol.8 : AU BOUT DES MONDES (Panini Comics, Vertigo Cult).
Non, vous ne rêvez pas, mes petits agneaux… on s’approche de plus en plus de la date fatidique tellement souhaitée : celle où nous aurons l’intégralité enfin éditée d’une des plus belles et grandes bandes dessinées de la fin du XXe siècle. À la rentrée paraîtra le volume 9 (sur les 10 que compte la série régulière), mais pour l’instant penchons-nous sur ce magnifique volume 8 de la série cultissime Sandman, puisqu’il s’agit bien d’elle, évidemment !
Bon… Je crois qu’il inutile que je revienne aujourd’hui sur l’importance de Sandman et de son créateur, Neil Gaiman, puisque j’en ai déjà si longuement et si souvent parlé ici que cela pourrait passer pour de l’obsession ou du prosélytisme et que vous allez finir par me détester… Sachez seulement que si vous prenez le train en route, Sandman est une merveilleuse création qu’il faut lire et relire et relire encore avant d’en puiser toutes les richesses de narration, de style, de découpage et de contenu tentaculaire, le tout mené avec une profondeur et des échos d’une grande intelligence, Gaiman oblige. Sandman est l’entité qui règne sur le royaume des songes, et nous suivons différents moments de son existence à travers cette œuvre fleuve incomparable, brillante et terriblement talentueuse.

De nombreuses signatures figurent au générique puisque pas moins de douze dessinateurs et encreurs se relaient et se complètent dans ces seulement six épisodes ; la grande tradition polymorphe de Sandman est donc poussée ici de manière paroxysmique, avec Michael Allred, Gary Amaro, Mark Buckingham, Dick Giordano, Tony Harris, Steve Leialoha, Vince Locke, Shea Anton Pensa, Alec Stevens, Bryan Talbot, John Watkiss et Michael Zulli : pas mal ! Au rayon des stars, on pourra lire une préface de Stephen King, ce qui ravira ceux qui aiment et laissera les autres indifférents, l’intérêt n’étant pas là. Et n’oublions pas Danny Vozzo qui a réalisé l’ensemble des couleurs. Ce huitième volume est assez spécifique puisqu’il regroupe une pléiade de personnages issus de tous univers et de tous temps dans une auberge posée au bord d’une falaise (auberge qui donne son nom au titre de l’album : Au Bout des Mondes). Un contexte assez lovecraftien pour la situation géographique, mais clairement créé en hommage aux Contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer, dans la grande tradition des histoires contées par les personnages et formant un tout parcellaire. Neil Gaiman porte résolument cette création chorale vers un éventail de récits surnaturels se complétant de belle manière : fantastique, horreur, anticipation, aventures, mythologie… pour encore une fois explorer toutes les strates qui se dégagent de son concept.

Au programme de ce nouvel opus, une bête démoniaque apparaissant sur une route de nuit et provoquant un terrible accident, un homme qui arpente une ville métamorphe au double visage, de sombres histoires de pouvoir dans la cité mythique d’Aurélie, un conte de marins et de Léviathan, une dérangeante parabole avec l’incarnation du Smiley, une horrible histoire de récupérateur de cadavres, et la conclusion sous un orage démentiel. Vous apprécierez particulièrement l’épisode Deux Villes dessiné par Alec Stevens, illustré dans un style brut qui rappelle celui de la linogravure, constitué de cases sans cadres entrecoupées de textes sur fond blanc. L’équilibre entre ce fond blanc et l’épure des cases dessinées est remarquablement composé et créer une ambiance à la fois évaporée et charpentée, contraste saisissant entre réalité rêvée et rêve qui devient réalité. Une histoire assez puissante qui pose la question du soulèvement des villes elles-mêmes face aux hommes, thème rarement abordé avec autant d’originalité. L’ensemble de l’ouvrage est une nouvelle fois une réussite totale, maniant mystère, humour, onirisme, angoisse et féerie avec une grande finesse et une acuité mordante.

« « Pour toi et moi, et tous les hommes de courage, mon frère », psalmodia Wayne, « on versera du bon vin à l’auberge Au Bout des Mondes » ». Cet extrait du Napoléon de Notting Hill de Gilbert Keith Chesterton mis en exergue de l’album montre encore une fois à quel point Gaiman a été profondément impressionné et influencé par ce grand auteur britannique encore trop souvent mesestimé. Un indice supplémentaire pour mieux comprendre ce qui constitue et pétrit l’univers de ce scénariste devenu star mais resté un doux rêveur à la simplicité confondante.
Bref, lisez, lisez, lisez Sandman, sans modération, et plongez dans un univers qui ne ressemble à nul autre pareil.
Incontournable ! Indispensable !

Cecil McKinley

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