Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Michel Vaillant »
Les amateurs de bandes dessinées patrimoniales vivent une époque formidable ? Les éditeurs commencent, enfin, à se pencher sur leur passé et nous proposent des intégrales qui en sont vraiment, c’est-à -dire qui ne soient pas de simples compilations d’albums déjà parues à droite ou à gauche, agrémentées, au mieux, de rares commentaires tenant souvent du remplissage.
En voulant absolument éviter ce genre de pratique, Philippe Graton, le responsable de l’héritage des bandes dessinées de Jean Graton (Graton éditeur) et propre fils du dessinateur de « Michel Vaillant », a contacté ses collègues du Lombard pour établir une intégrale respectueusement chronologique, et totalement exhaustive, des aventures du célèbre et sympathique pilote de course automobile. Les deux premiers volumes viennent de paraître et sont, dans le genre, un exemple à suivre : tout y est vraiment, des premières histoires complètes en quatre pages de 1957 aux plus longs récits (62 pages) qui ont constitué la légende de la série (« Le grand défi », « Le pilote sans visage » et « Le circuit de la peur » pour le premier volume, « Route de nuit », « Le 13 est au départ » et « La trahison de Steve Warson » pour le deuxième), en passant par les couvertures et les dessins concernant ce personnage et publiés jusqu’en 1962 dans l’hebdomadaire Tintin (ou ailleurs), le tout accompagné d’articles aussi adéquats que pointus sur la série ou sur l’histoire de la compétition automobile, des années 1950 à nos jours. Pour l’occasion, Le Lombard a gâté les libraires et les journalistes, car ces derniers ont aussi reçu un superbe dossier de presse cartonné de 32 pages (concoctées par l’érudit et toujours passionnant Patrick Gaumer) remplies d’interviews, d’hommages et de courtes bandes dessinées inédites : un futur collector !
Je vois cependant s’afficher un léger sourire moqueur sur vos faces réjouies ! Il faut dire que malgré ses millions de lecteurs, « Michel Vaillant » a souvent été considéré comme l’archétype de la bande dessinée ringarde par un bon nombre de soi-disant spécialistes du 9ème art qui se gaussent encore au seul nom de Jean Graton. Pourtant, ce Nantais né en 1923, a, à sa manière, contribué à transformer la bande dessinée de son époque, en développant mutuellement deux genres alors pratiquement inexploités dans la BD franco-belge : les aventures sportives et les histoires familiales. Bercé dès son plus jeune âge par le bruit des tuyaux d’échappement (son père occupait d’importantes fonctions au sein du Club Motocycliste de Nantes), Jean Graton finit par s’installer à Bruxelles, en 1947, où il bricole quelques travaux publicitaires avant de rencontrer le scénariste Jean-Michel Charlier qui lui propose de s’essayer à la bande dessinée : il donne alors un coup de main à Victor Hubinon sur « Surcouf » et « Buck Danny » et réalise quelques « Belles histoires de l’oncle Paul » dans Spirou, dès 1951. Après de nombreuses pages d’essais dans Tintin, où il se fait particulièrement remarquer dans le traitement des sujets plus proches de ses goûts personnels (c’est-à -dire le sport), l’éditeur Raymond Leblanc lui confie, en 1957, sa première grande série (et la plus connue encore aujourd’hui) : « Michel Vaillant » ! Le réalisme des courses et des voitures, l’extrême lisibilité de la narration et du dessin (même si certains peuvent reprocher à ce dernier un côté trop figé et académique), le développement des intrigues (qui ne se limitent pas aux compétitions) et des scènes familiales, ont fait le succès de cette série dont les premiers épisodes restent cependant les meilleurs (ah ! « Route de nuit », remarquable aventure qui se déroule dans le milieu des routiers, s’écrient d’une seule voix les amateurs nostalgiques…).
Aujourd’hui, la série, qui a connu une adaptation télévisée en 1967 et cinématographique en 2003, a été entièrement reprise par les trois dessinateurs qui constituent le Studio Jean Graton : Christian Papazoglakis, Nedzad Kamenica et Robert Paquet. Ces derniers tentent de respecter le style original, sous la houlette scénaristique du gardien du temple (Philippe Graton) qui entretient remarquablement le patrimoine bandes dessinées de son père puisqu’il a réédité, sous le label Graton éditeur, toutes les premières histoires réalisées par Jean Graton dans Tintin ou Line et « Les Labourdet » un « soap opera » destiné à l’hebdomadaire Chez Nous à partir de 1966 (et écrit par la femme de Jean : Francine). Une fois cette remarquable intégrale « Michel Vaillant » menée à terme, il ne restera plus, à cette entreprise familiale, qu’à ressortir « Julie Wood » : une championne de moto, créée en 1976 pour les éditions Dargaud… Alors, Jean Graton pourra se vanter d’être l’un des rares auteurs de bandes dessinées dont l’Å“uvre est entièrement disponible !
Allez, une dernière petite anecdote avant de se quitter : saviez-vous qu’en 1987, un projet (assez abouti) concernant l’adaptation de « Michel Vaillant » en dessin animé fut mis en chantier par les éphémères Studios Jingle d’Angoulême ? Si le réalisateur prévu (Jean-Yves Raimbaud) ne marquera pas l’histoire du genre, par contre, les scénaristes sollicités pour écrire les 52 épisodes de 26 minutes prévus n’étaient autres que Rodolphe (« Kenya », « Raffini », etc.) et Serge Le Tendre (« La quête de l’oiseau du temps », « Chinaman », etc.) : deux auteurs qu’on imaginait mal, à cette époque, adapter cet univers qui, a priori, était assez éloigné du leur. Par contre, on suppose que s’ils avaient accepté ce travail c’était certainement parce que l’Å“uvre leur semblait avoir assez de valeur à leurs yeux. Alors, messieurs les moqueurs, s’il vous plaît, la prochaine fois qu’on évoquera devant vous la série « Michel Vaillant » ou le nom de Jean Graton, ayez un peu plus de respect : ils le méritent amplement !
Gilles RATIER
Je suis ravi de voir cette intégrale que je n’acheterai pas car comme collectioneur de bandes dessinnées je possède non seulement les histoires parues en album mais aussi les histoires complètes parues dans Tintin mais aussi les pages-annonces, les articles et même la planche en plus (31/1je crois) du Grand Défi retrouvée dans un vieux numéro de Tintin qui était vendu chez un bouquiniste,mais je suis ravi non seulement pour les nostalgiques et les jeunes lecteurs avides de connaitre un peu mieux Michel Vaillant
Vous aller rater, en fin de chaque volume, l’histoire du sport automobile et ses liens parfois stupéfiants avec les aventures de Michel Vaillant! Franchement, rien que ces « bonus », signer par des pointures, valent le prix de l’intégrale Vaillant.