Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« La Peau de l’ours » par Oriol et Zidrou
Lipari est une petite île italienne, située au nord des côtes siciliennes, probablement habitée d’individus pittoresques comme ce vieux monsieur Don Palermo (nom on ne peut plus local !) qui a fait toute sa carrière (« carrière », est-ce bien le mot qui convient ?) auprès d’un certain Don Pomodoro dont il était l’aide de camp, autrefois, aux Etats-Unis. Mais Pomodoro n’est pas un employeur ordinaire, c’est un chef de la mafia, un homme sanguin et sanguinaire, plus furieux que fou, bref, un chef incontesté, et pour cause il pense en tuant et fait le ménage en trucidant sans compter.
Pourquoi Palermo est-il devenu son proche « collaborateur » ? ! C’est contraint et forcé. Lui qui travaillait dans un cirque et vouait un attachement immodéré pour son ours savant, a vu le Pomodoro abattre froidement l’animal, puis engager son dresseur qui n’avait, du coup, plus d’ours à montrer ! Dans un pays chaud, la vengeance peut être un plat qui se mange froid, alors Palermo patiente, repousse, médite, prémédite… Qui plus est, le truand a une fille qui lit Steinbeck et ne rechigne pas à lui faire l’amour… Ca retarde et ça complique les choses, faut comprendre !
Cette histoire, on l’apprend des souvenirs qu’égraine Don Palermo, devenu vieux et aveugle, à Amadeo, un jeune homme qui lui lit l’horoscope. Amadeo est un natif de Lipari, dragué par Silvana, une jeune Italienne un peu nymphomane qui a souvent le cul nu, mais la tête un peu vide. Curieusement, ce grand dadais hésite, le soleil du sud sûrement qui ramollit les neurones et la libido !
« La Peau de l’ours » – on reconnait le proverbe – est une incontestable réussite, un de ces scénarios adultes, sans concession ni de mots, ni d’images. L’auteur de « Lydie » ou d’autres titres aussi sérieux (voir en note), se lâche de plus en plus, et cela lui réussit, car voilà un récit implacable et beau, doté d’une écriture léchée et alléchante, de personnages forts, d’un cadre pittoresque, le tout dessiné à la serpe par un Oriol dérangeant. Oriol Hernandez aiguise les nez, assèche les membres, désincarne ses individus et, pourtant, vitalise son petit monde comme pas un et le rend attachant (pour Pomodoro, crapule sans faille, c’est évidemment plus dur : !).
Alors, bon voyage en mer tyrrhénienne…
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« La Peau de l’ours » par Oriol et Zidrou
Éditions Dargaud (14, 99 €) – ISBN : 978-2-5050-1137-8
PS : Découvrir aussi :
« La Vieille dame qui n’avait jamais joué au tennis : & autres nouvelles qui font du bien » (Dupuis, 2009)
« Joyeuses nouvelles pour petits et grands enfants » (Dupuis, 2010)
« Le Montreur d’histoires » (Le Lombard, 2011)