« Absolution » T1 par Roberto Viacava et Christos Gage

Nouvelle variation autour du super-héros qui pète un câble, « Absolution » est une bonne surprise, ne surfant pas bêtement sur cette mouvance, mais apportant une facette supplémentaire non négligeable à ce thème par la qualité de son approche et le ton employé, loin du sensationnalisme vain. Non pas une surenchère dans le gore et la violence, mais un vrai portrait psychologique et une réflexion sur l’application et le bien-fondé de la justice. Pas mal !

Grâce à « Watchmen », les comics ont pu explorer la face sombre et réaliste des super-héros. Warren Ellis fut l’un des scénaristes les plus influents dans la reprise de ce thème, de « The Authority » à la trilogie « Black Summer »/ « No Hero »/ « Supergod ». La fameuse série « The Boys » de Garth Ennis est le dernier jalon en date qui confirme ce tournant assez nihiliste et violent que connaît le genre depuis quelque temps. Évidemment, on peut craindre de cette mouvance qu’elle engendre tout et n’importe quoi, profitant de cet alibi pour dépasser les limites sans forcément faire preuve de talent ni avoir une vraie légitimité de discours. « Absolution » échappe à ces écueils en choisissant de s’attarder sur le processus mental et affectif du personnage principal afin d’analyser comment un super-héros peut basculer dans l’application d’une justice expéditive et radicale. Le syndrome de l’inspecteur Harry n’a pas fini d’essaimer… Christos Gage pousse même ce paradigme jusqu’à ses retranchements pour revenir aux fondamentaux de notre sens du bien et du mal, de la justice, et des solutions à mettre en œuvre pour protéger la population du meurtre et empêcher que le crime perdure. Par la crudité du propos et l’horreur des assassinats et viols perpétrés par les criminels remis en liberté, l’auteur nous met en face de notre propre sens moral, et nous force à nous poser des questions de manière implicite.

 

John Dusk a beau être un super-justicier possédant une belle humanité et des qualités remarquées, voilà déjà bien longtemps qu’il combat le crime sous l’égide d’une organisation gouvernementale devant répondre des agissements de ses agents devant la loi. Assurer la justice via des super-héros, oui, mais pas de débordements tolérés afin de garantir un fonctionnement en adéquation avec les valeurs de l’Amérique. Ce long combat contre le crime a fini par user John Dusk. Il est fatigué, hanté par toutes les horreurs qu’il a vues durant ses arrestations. Enfants mutilés, femmes violées, l’hémoglobine et les traumatismes… John Dusk n’arrive plus à maintenir le recul nécessaire pour ne pas subir les contrecoups de son activité. Cela l’atteint maintenant au plus profond de lui-même, ne sachant plus protéger sa vie privée qui pâtit largement de son syndrome dépressif. Il ne supporte plus le système qu’il sert pourtant depuis des années, n’y voyant plus que des failles qui – au nom de la justice assurant des droits civiques – permettent aux criminels de récidiver. Il a désormais l’impression qu’il se fourvoie et que ses super-pouvoirs ne sont finalement pas utilisés à bon escient, dans un minima répondant à une éthique à double-tranchant. Il ne peut plus continuer comme ça. Il faut qu’il prenne une décision.

 

Cette décision, il ne va pas tarder à la prendre, suite à son altercation avec un super-vilain néonazi incarnant un mal qui n’en finit plus de se répandre et de tuer les innocents. Alors John Dusk ne veut plus arrêter les meurtriers pour les envoyer en prison en attendant qu’ils ressortent ; il veut les arrêter de nuire tout court. Et pour ça il n’y a pas trente mille solutions : tuer pour ne pas laisser tuer. Dusk va alors se lancer dans une sombre croisade. Mais va-t-il pouvoir continuer à rendre justice dans l’ombre, sans que cela se sache ? Rien n’est moins sûr. Avec « Absolution », Christos Gage s’est engagé sur un terrain miné et s’en sort assez miraculeusement sans trop de bobos, réussissant à dépeindre un héros touchant et prompt à déclencher notre empathie. Même si je ne suis pas fou des dessins de Viacava, on ne peut pas leur enlever une efficacité certaine et quelques beaux moments atmosphériques et angoissants. Et, bonheur, les bonus comprennent les couvertures et variantes réalisées par Paul Duffield et Juan Jose Ryp, deux dessinateurs que j’aime beaucoup, vous le savez. L’intégralité de cette œuvre made in Avatar sera disponible en deux volume, on attend donc le second tome avec impatience, selon la formule consacrée. Une chouette découverte.

Cecil McKINLEY

« Absolution » T1 par Roberto Viacava et Christos Gage Éditions Glénat (14,95€) – ISBN : 978-2-7234-8866-2

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