« Space Baby » par Jean-Marie Arnon

Amateurs d’aventures cosmiques acidulées, fans de Jack Kirby, amoureux de la série B, voici un album fait pour vous ! Suivez les aventures étranges et débridées d’un équipage hétéroclite au sein d’un cosmos peuplé de créatures surprenantes, et vous découvrirez peut-être la vérité sur l’histoire de notre espèce humaine…

À l’instar de Tom Scioli, Jean-Marie Arnon fait partie de ces dessinateurs qui ont été fortement influencés par le King des comics, je veux bien sûr parler de Jack Kirby. Là où d’autres chercheraient à s’extirper de ses influences graphiques, ces dessinateurs ont au contraire pris le parti de cultiver cette inspiration pour en faire un matériau duquel ils tirent des aspirations personnelles et y insufflent leur propre sensibilité à travers leur trait kirbyen. C’est un choix, une volonté, et cet héritage est non seulement assumé mais revendiqué haut et fort. Au final, il est plaisant et même passionnant, de suivre ces ramifications et ses réappropriation de ce qui fut plus qu’un style d’un dessinateur, mais bien l’esthétique d’un genre à part entière. Sous l’égide de Jean Depelley, « Space Baby » d’Arnon a enfin trouvé son éditeur, ce qui n’est pas très étonnant lorsqu’on connaît la passion infinie de la bande d’Organic Comix pour Kirby et ses descendances esthétiques. Et si Arnon n’est pas dépourvu de nuances (on l’a vu notamment avec « Je suis une sorcière » qui n’a rien à voir avec le style de Kirby), cet album-ci est sans équivoque, véritable hommage au King, mais plus celui de « Captain Victory » que des « Fantastic Four ».

 

Ici, nous sommes immédiatement immergés dans une « bulle Kirby » qui englobe totalement notre cognition, comme si nous visitions une aile secrète du King. C’est jouissif, d’éprouver ce genre de sensation en lisant, mais cela n’est possible lorsque l’artiste est assez talentueux pour transcender la chose et la rendre originale et personnelle ; c’est bien le cas avec Arnon qui prend tellement de plaisir à dessiner et qui aime tant ce qu’il crée que tout ça nous saute à la figure avant qu’on ait eu le temps de réfléchir. Les compositions sont hautement expressives, l’encrage est fougueux mais précis, et la très belle bichromie turquoise pâle de Michael Granger parachève l’ensemble en lui donnant une atmosphère rappelant de vieux souvenirs fantaskiens, mais pas que : une réelle poésie froide se dégage de l’ambiance esthétique générale. Bref, c’est chouette et beau !

 

J’ai moins envie que jamais de vous parler de l’histoire, car cela fait partie des bonnes surprises de cet album. Cela commence comme un bon vieux film de SF à la Jack Arnold, et les péripéties passant on croit que l’histoire va en rester à ce stade, plaisante et pop à souhait. Mais, en cours de route, un événement va faire basculer la simple mission spatiale en une quête qui pourrait nous mener très loin. Cette révélation engendre une nouvel intérêt digne des meilleures idées de SF, excitant et complexe. La bifurcation opérée fait mouche et nous entraîne si loin qu’on regrette que l’album se termine si vite. Quoi qu’il en soit, les rencontres faites durant l’aventure sont étonnantes : homme de pierre géant, requins cosmiques et autres créatures marines mutantes, pirates et vikings intersidéraux, et une héroïne au caractère bien trempé et à la plastique avenante. « Space Baby » est un bol d’air frais qui ravira tous les amateurs de SF.

Cecil McKINLEY

« Space Baby » par Jean-Marie Arnon

Éditions Cinéfil du Temps (15,00€) – ISBN : 978-2-9541-7167-8

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