On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...« Lily la menteuse » T1 par Ayumi Komura
« J’aime les sushis » vient juste de se terminer au volume 8 que Akata/Delcourt publie déjà le nouveau titre de Ayumi Komura : « Lily la menteuse ». L’auteur s’éloigne de la comédie culinaire pour une histoire toute en légèreté, racontant les mésaventures amoureuse d’un couple hors du commun.
Hinata Saotome rêve d’une déclaration d’amour en bonne et due forme. Du coup, lorsque En Shinohara lui annonce ses sentiments, elle n’hésite pas une seconde à dire oui. En plus, pourquoi refuser ? Il est beau gosse et en ferait craquer plus d’une. Pourtant, il a un penchant bien étrange : il déteste les garçons, au point de ne pouvoir supporter son propre reflet lorsqu’il n’est pas travesti en fille. Hinata avait oublié ce détail lorsqu’elle a accepté la demande. Sa première idée a été de rompre immédiatement. Pourtant, En Shinohara lui a promis de changer et de s’habiller en homme. Il est tellement amoureux qu’il serait prêt à tous les sacrifices. Bien évidemment, cela ne va pas être aussi simple que ça ; sinon, il n’y aurait pas d’histoire. Même si elle accepte la lubie de son petit ami, Hinata a un gros souci avec les autres garçons de son école : il se trouve que son petit ami, lorsqu’il est en fille, est particulièrement sexy. Cette situation décalée est totalement illogique ; pourtant, les intéressés n’arrivent pas a se mettre dans la tête que ce n’est pas une personne du sexe féminin qui est en face d’eux. Et que faire lorsqu’il faut se rendre à la piscine ? Il ne peut quand même pas mettre un bikini ? Ce serait ridicule ! Néanmoins, lorsque qu’il est question de défendre sa bien-aimée, sa virilité resurgit rapidement, afin de protéger celle qui lui est chère. Hinata devra composer avec ce penchant inhabituel, réussira-t-elle à s’en accommoder ?
Titre emblématique de la revue japonaise Margaret, « Lily la menteuse » comporte déjà sept volumes depuis sa première publication, en 2010. Comme « J’aime les sushis », ce titre risque de remporter un bon succès, voir le dépasser. Si le postulat de départ semble simpliste, l’histoire et les protagonistes dévoilent rapidement une nature plus complexe que ce que l’on pourrait imaginer. Comment réagir lorsque son homme se comporte en femme ? Quand il discute avec ses copines de problèmes typiquement féminins comme la pousse des poils sur les jambes ? Quand il se fait siffler par le premier rustre qui passe ? Quand même vos amies pensent que vous êtes lesbienne ? Tous ces petits problèmes vont devenir le quotidien de Hinata et de En. Cela va les obliger à trouver des solutions pour faire évoluer leur relation. Bien évidemment, les soucis, quiproquos et autres complications par rapport à ce couple bien improbable vont se multiplier, tenant le lecteur en haleine.
On est loin du sérieux de « Familly Compo » (le manga de Tsukasa Hojo sur un couple de travestis ou les rôles sont inversés). Si En s’habille en fille, ce n’est pas parce qu’il est homo. C’est juste un moyen de se sentir confortable avec lui même. Il dévoile sa vraie nature tout au long de ce manga et c’est un homme qui nous prouve qu’il aime les filles, les vraies. Il se pourrait même qu’Hinata soit son idéal féminin et que son accoutrement de fille « trop parfaite » ne soit pas le modèle qu’il cherche à travers sa partenaire. Il ne veut pas d’une personne comme lui, loin de là. Il ne veut pas avoir un miroir de ce qu’il est physiquement et mentalement. C’est pour ça qu’il est capable d’accomplir des exploits pour garder sa relation privilégiée avec Hinata.
Bien évidemment, avec un sujet pareil, il ne pouvait s’agir que d’un drame ou d’un manga humoristique. C’est la seconde option qu’Ayumi Komura a retenue. Il serait réducteur de penser qu’il est facile de faire rire avec une situation pareille appelant constamment le quiproquo. Chaque gag est soigneusement travaillé et la chute n’est pas aussi simple et évidente que ce que l’on pourrait imaginer au premier abord.
De plus, la narration et la mise en scène sont parfaitement maîtrisées. Le dessin toujours aussi fin et dynamique met en valeur les protagonistes en leur offrant de grandes cases pour s’afficher. L’action est entrecoupée de réflexions (au dessin tout en rondeur et simplicité), ce qui ajoute une touche supplémentaire d’humour, souvent en total décalage avec la situation présente. Les sentiments transparaissent immédiatement dans les attitudes. Ce manga joue franc jeu ! Même si le sujet est le travestissement, le lecteur n’est jamais pris au dépourvu, il est facile d’identifier qui est qui. Ayumi Komura n’en fait pas des tonnes, mais le fait soigneusement et intelligemment. Elle sait utiliser les codes graphiques propres à la bande dessinée pour faire passer les émotions, l’action et l’humour nécessaires à un bon divertissement.
Je pense que beaucoup de lecteurs vont se demander pourquoi ce titre « Lily la menteuse » ? En effet, qui est cette Lily ? Comme cela est courant au Japon, il s’agit d’un jeu de mots. Les Japonais ne font pas la distinction entre la lettre « R » et la lettre « L ». C’est pourquoi si on lit vite le mot « Lily », il est facile de le confondre avec le terme « Yuri » qui en japonais représente l’amour entre filles. Donc, point de Lily à chercher dans ce manga, c’est un encore de l’humour décalé comme le reste de l’histoire.
Destiné à un public typiquement féminin, le sujet surfe sur la vague des shôjo mangas ne représentant que des hommes beaux et longilignes, mais en inversant les rôles et leur faisant un véritable pied de nez. Ayumi Komura nous prouve une nouvelle fois son talent : impossible de s’ennuyer en lisant « Lily la menteuse ». Les situations sont bien évidemment étranges et le mélange de jalousie, amour, quiproquos et malentendu marche à merveille. Si vous avez aimé les sushis, vous aimerez la menteuse.
Gwenaël JACQUET
« Lily la menteuse » T1 par Ayumi Komura
Édition Delcourt/Akata (6.99€) – ISBN : 978-2-7560-2875-0
USOTSUKI LILY © 2009 by Ayumi Komura / SHUEISHA Inc.