« Coq de combat » T20 par Akio Tanaka

Cela fait cinq ans que les fans de la série « Coq de combat » attendaient la suite des aventures épiques de Ryô Narushima. Pourtant, le lecteur sera un peu perdu dans les rayonnages de son libraire favori, le visuel de couverture a totalement changé. Du coup, les dix-neuf premiers tomes ressortent avec cette nouvelle charte graphique. Un visage simple, au trait, sur fond de papier style Kraft, rehaussé de rouge et de gris. C’est réussi et cela devrait attirer un nouveau public…

 

« Coq de combat », c’est l’histoire de Ryô Narushima, sa descente aux enfers et sa lutte pour sa survie. Il n’a que 16 ans quand, pris d’un coup de folie, il tue froidement ses deux parents. Brillant élève, il était promis à un bel avenir. Malheureusement, oppressé, il n’a pas su résister à la pression qui lui était imposée. On n’en saura pas beaucoup plus, mais il est facile de comprendre qu’il a « foutu sa vie en l’air ». Le problème, c’est qu’il a entraîné sa sœur dans sa chute. Obligée de déménager, suite aux harcèlements dont elle est victime, elle n’a d’autre choix que de se prostituer pour survivre. Lui, emprisonné dans un centre de détention pour mineurs, se sent impuissant face à cette vie qu’il subit. Contre toute attente, il décide de se prendre en main, de se battre pour survivre. Il ne cherche pas à réparer son erreur, c’est impossible, mais il refuse de n’être qu’un bouc émissaire, maltraité, utilisé par ses codétenus et, plus tard, par le reste de la société. C’est dans les arts martiaux qu’il trouve son salut. Il va se mettre à pratiquer sérieusement le karaté et passera du chétif petit intello au brillant combattant.

Dans ce vingtième tome, Ryô revient, sa sœur est de plus en plus mal en point et il n’arrive plus à la protéger. Il décide de remonter sur le ring pour continuer d’emmagasiner du pognon. Mais il a vieilli, il ne s’en rend pas compte tout de suite. Son corps n’est plus aussi leste qu’avant, ses adversaires, même de seconde zone, arrivent à le faire douter de ses capacités. Il faut qu’il se reprenne ; même si sa vie n’est pas glorieuse, il refuse de se laisser abattre.

Il a fallu cinq années d’attente pour avoir la suite de ce manga, mais cela valait le coup. L’histoire est prenante, les situations bien amenées et le dessin, réaliste, toujours aussi poignant. En revanche, vous vous demandez sûrement pourquoi Delcourt a attendu autant d’années avant de sortir la suite. Ce n’était pas un problème de vente, « Coq de Combat » est l’un des titres phares dénichés par Dominique Véret d’Akata. L’explication est fort simple : Akio Tanaka, le dessinateur, accusait Izo Hashimoto de ne lui avoir fourni que le pitch de l’histoire et non un vrai scénario complet et bien découpé. Il s’est tapé le plus gros du boulot et, de ce fait, la plupart des idées lui reviennent. La part reversée aux auteurs aurait donc dû être proportionnelle au travail fourni. Il n’en était rien. Du coup, arrêt du manga au numéro 25, en 2006, et il n’est repris qu’en 2011. Il avait déjà subi un changement d’éditeur, passant de chez Futabasha à Kodansha. Du coup, il faut renégocier les droits avec le nouvel éditeur et re-fidéliser un lectorat qui s’impatientait. La série est maintenant entièrement réalisée par Akio Tanaka et le scénariste Izo Hashimoto n’est plus crédité, depuis le numéro 20. Au Japon, les premiers volumes sont ressortis à raison de 3 tomes rassemblés en un seul. Du coup, la France ayant gardé la numérotation d’origine se retrouve avec deux couvertures inédites tous les trois volumes.

« Coq de Combat », ce n’est pas un simple livre sur le karaté. On est loin de la caricature offerte dans les mangas types « nekketsu » (1). Ici, la réalité n’est pas rose. Les bons sentiments n’interviennent pas et les personnages peuvent se monter cyniques. Dans un manga traditionnel, lorsqu’une petite fille aveugle vous demande ne pas perdre sur le ring face à son père, le héros hésite, est pris de remords. Dans « Coq de Combat », Ryô la renvoie balader et il a bien raison car son père est un tricheur né, et sa fille n’est pas plus aveugle que lui. « Coq de Combat », c’est une philosophie de vie où l’on apprend de ses erreurs et, surtout, que l’on est seul maître de son destin. La violence y est crue, mais justifiée et réaliste. Les coups sont rudes et certaines scènes sont pénibles à encaisser, mais c’est le lot quotidien de ce parricide. Il faut vivre avec son passé, aussi lourd soit-il, mais ne pas oublier de regarder vers l’avenir pour tenir et garder un peu d’espoir. Cette histoire a débuté dans une période ou le Japon ne faisait pas toujours attention à sa jeunesse et lui en demandait toujours plus, sans toujours se soucier de son bien-être. Il est évident que « Coq de Combat » a sû parler à tous ces adolescents sur lesquels leurs parents fondaient de trop grandes ambitions. Aujourd’hui, la situation est tout autre, mais le monde est toujours en crise et l’humain a besoin d’un défouloir.

Voici donc une suite attendue et une réédition des premiers volumes salvatrices. Espérons que les lecteurs de la première heure auront été patients et sauront accueillir ce vingtième tome comme il se doit. En attendant, ceux qui ne connaissent pas ce chef-d’œuvre déjà récompensé du prix Cartoonist, en 2003, ont une chance de se rattraper. La réédition de la série sous un nouvel « emballage » correspondant mieux aux valeurs véhiculées tout au long de la série.

Gwenaël JACQUET

« Coq de combat » T20 par Akio Tanaka (7,99€)

Édition Delcourt- Akata – ISBN : 2756007889

© SHAMO © 2003 by Akio Tanaka / Izo Hashimoto / FUTABASHA PUBLISHERS LTD., Tokyo

 

(1) Nekketsu : Catégorie de manga shonen mettant en scène de jeunes garçons en plein apprentissage de la vie et devant se surpasser au combat pour parvenir à stade ultime et se relever plus fort dans l’adversité. Totalement irréaliste, ce type de manga ne sert qu’à véhiculer les valeurs de courage, ténacité et cohésion de groupe.

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