André Leborgne n’est plus : c’est une longue et exemplaire carrière au service du 9e art qui s’achève !

C’est par l’intermédiaire d’Éric Coune de la librairie The Skull (à Bruxelles), via notre ami Patrick Gaumer ((1), que nous avons appris le décès d’André Leborgne, ce lundi 5 mars 2012.

André Leborgne naît à Schaerbeek le 30 janvier 1928. Après une scolarité normale, diplômes en main, il fait son service militaire et connaît les années de guerre avec leur cortège de privations, de sacrifices et de souffrances. À la Libération, il entre à l’usine Union de Forest où il aborde le monde de la métallurgie, il y restera 25 années, gravissant divers échelons dans la hiérarchie du travail et bénéficiant des riches enseignements vécus : enseignements qui lui seront utiles dans la suite d’une carrière bien remplie au service de la diffusion des idées et des loisirs.
Il crée alors les ateliers Leborgne, ateliers spécialisés dans la décoration et le montage de stands toujours présents  lors des célèbres et inoubliables foires du livre de Bruxelles se déroulant à l’espace Rogier. Son expérience et sa science du travail performant et efficace feront merveille lors des salons d’Anvers, de Francfort : lieu important où il sera récompensé du prix fort envié de « plus beau stand ».
Un début de vie consacré au travail précis et à la compétence ne l’empêche pas d’assouvir ses multiples passions principalement axées dans les domaines des cultures populaires, telles que la littérature de science-fiction, le fantastique et leurs dérivés au niveau tant du cinéma que de la bande dessinée. C’est ainsi qu’il lit dans le très réputé et célèbre mensuel Fiction n° 92, daté de juillet 1961, dans sa chronique littéraire, un excellent article de Pierre Strinati, intitulé « Bandes dessinées et science-fiction : l’âge d’or en France 1934-1940 ». Cette étude va être le tremplin nécessaire à la naissance des premiers clubs d’amateurs éclairés de littérature dessinée : André Leborgne en sera. Dès lors, sa voie est tracée : il lance, dès 1965, le C.A.B.D. (Cercle des amis des bandes dessinées) dont la liste des membres compte de sérieuses et célèbres personnalités tant dans le domaine du 9e art que celui des arts populaires. Signalons parmi ses membres : Greg, Morris, Peyo, André Franquin,Will, Jean Roba, Tibet, Maurice Tillieux, Yvan Delporte, Thierry Martens et autres sérieux spécialistes et connaisseurs de la presse pour enfants et adolescents comme Danny De Laet, Alain Van Passen, Pierre Vankeer, Jacques Van Herp, Urbain Van Cauwenbergh…

André Leborgne s’entoure ainsi de redoutables pointures et donne naissance à la mythique revue d’études Ran Tan Plan nom emprunté au chien le plus bête de l’Ouest américain, animal dessiné plus vite que son ombre par Morris l’illustre créateur de « Lucky Luke ». Au départ bulletin ronéotypé au niveau des quatre premiers numéros, il devient vite trimestriel. Tribune destinée à informer les multiples membres, tant belges qu’étrangers (membres du CELEG en France, du GELD en Suisse, du CEEG en Espagne…, sans oublier les créateurs italiens du célèbre festival de Lucca), des activités telles qu’assemblées plénières, bourses d’échanges, mais aussi des divers projets de rééditions d’albums introuvables. Dès le n° 5 et jusqu’au n° 9, changement de format, celui-ci est plus petit et oscille de 25×17 à 21x15cm, la pagination court de 16 à 32 pages, la mise en page et la qualité du papier progressent, la priorité est donnée à l’illustration. Les chroniques s’amplifient et le comité de rédaction se met en place.

1968, troisième année de parution voit un nouveau changement, la pagination augmente considérablement elle variera de 58 à 102 pages. Désormais devenu semi-professionnel, le trimestriel peut rivaliser avec Phénix, troisième revue du genre : un magazine français porté par Claude Moliterni, Pierre Couperie, Édouard François et Henri Filippini. Historiquement, l’enfant d’André Leborgne est le second en ordre d’apparition juste après le célèbre Giff-Wiff, ce qui correspond donc à la première revue belge d’études sur le sujet !
Le contenu s’étoffe, l’on garde la ligne éditoriale de départ et l’on ajoute de nouvelles rubriques comme l’interview d’un auteur, l’étude d’un illustré, l’actualité des comics américains, la réédition de trésors historiques de la science-fiction, l’étude en profondeur d’auteurs ou thématiques peu connus, la rédaction de souvenirs, l’historique de la presse étrangère ou de ses séries peu connues, l’étude en profondeur d’une famille de personnages au travers d’une série (André Leborgne proposera notamment « Le Petit Monde de Spirou »), les témoignages relatifs aux festivals étrangers…

Nous sommes en 1971, la revue a désormais  statut de publication professionnelle.
Les célèbres prix Saint-Michel attribués dès cette année, toujours grâce à André Leborgne, feront l’objet de reportages aux photos multiples et plus que souriantes. Il sera aussi membre du premier jury du Festival de la BD d’Angoulême !
Non content d’alimenter de son expérience et de son savoir les plus prestigieuses Foires du Livre, André Leborgne  s’associe alors avec Tania Van de Zande, dynamique et brillante animatrice et propriétaire de la librairie spécialisée en bandes dessinées Pepperland, à l’aube des années 70’, pour créer une structure de diffusion baptisée Distri BD, laquelle permettra la diffusion, en Belgique, d’une kyrielle de merveilles graphiques.

En 1980, il tentera, en vain, d’imposer un magazine de bandes dessinées (Aïe !) qui ne durera que trois numéros ; mais qui aura, quand même, le mérite de faire découvrir des auteurs comme Philippe Dupuy, Ptiluc, Stéphane Colman, Daniel De Carpentrie (qui signait alors Olandi), Antonio Cossu, Philippe Berthet, André Geerts, Frédéric Jannin, Tito ou Philippe Bercovici, tout en publiant des dessinateurs plus ou moins confirmés comme Hermann. Si André Leborgne en était l’éditeur responsable, le rédacteur en chef en était Jean-Claude De la Royère.

Après Distri BD, André Leborgne lancera une structure de distributions des grand auteurs érotiques telle que Manara, Serpieri,Varenne, etc.
À la chute de sa société, il restera toujours actif dans le domaine de la bande dessinée et lorsque l’ASBL 9Art lancera le festival de la BD de Bruxelles-Capitale, il leur demandera de pérenniser les Prix Saint-Michel de la BD…

Gilles RATIER

(1) « Une bien triste nouvelle ! Si je fais ce métier, c’est en partie grâce à André Leborgne, RTP et Distri-BD. Après Thierry Martens, l’année passée, c’est tout un pan du fandom et de la recherche belge qui disparaît. ».

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