« La Poussière des aïeux » par Felix Pestemer

Dans « La Poussière des aïeux », Felix Pestemer met en scène Eusebio Ramirez, gardien du Musée des Masques, qui, après une absence de plus de vingt années, a décidé de retourner à Oaxaca pour faire la paix avec la famille Rojas dont il était ami. Il n’y retourne pas n’importe quand : il choisit le «Jour des Morts », moment important au Mexique où partout on célèbre intensément les disparus avec force bouquets mortuaires et crânes de sucre glace et où l’on se rend au cimetière pour boire et pique-niquer en musique sur les sépultures…

C’est Eusebio qui raconte. Sur le chemin du retour, et suite au décès du petit Benito Rojas, il écrit en effet une lettre à Consuelo, sa mère, où il se remémore d’autres disparus : les vieux Rojas (Dolores et Candelario ont été comme des parents pour lui), un couple étonnamment harmonieux dit-il, alors que les images montrent le contraire ! Puis il évoque le couple Victor – Esperanza et leur mariage raté, car Victor, le frère de Consuelo, n’aimait pas les femmes ! Petit à petit, la famille ainsi reconstituée montre ses fêlures, ses tourments, ses secrets, dans un tourbillon de masques mortuaires et une sarabande de squelettes rigolards et cauchemardesques. Rien de morbide, cependant, la mort au Mexique est naturelle, acceptée, fêtée comme le prouve les pages consacrées à José Guadalupe Reyes, artiste du masque qui disparut sans laisser de traces…Si l’histoire est quelquefois un peu trop elliptique (il s’agit, d’ailleurs, plus de tranches de vie que d’une histoire),  les dessins, eux, couleurs ou sépia, sont indiscutables :  documentés et fouillés, ils exhibent des autels mortuaires constitués de photos, de fleurs, de figurines, de têtes de morts en sucre, de fruits, de pain mortuaire, de cierges, de crucifix et d’objets ayant appartenu aux défunts. C’est qu’il y a des concours du plus bel ornement d’autel et que les familles bourgeoises ou aisées ne lésinent pas sur les dépenses. « Au Mexique, explique l’auteur dans son avant-propos, la mort a une telle présence que non seulement la plus grande et la plus importante fête annuelle lui est consacrée mais aussi qu’on lui fait une bonne place dans la vie quotidienne. (…) Celui qui cherche sur les marchés, au musée ou même dans la rue sera vite comblé : squelettes, têtes de mort et symbolique mortuaire se trouvent partout. La Catrina de José Guadalupe Posada, la dame-squelette décadente au chapeau de fleurs, est aujourd’hui tellement ancrée dans l’art populaire que beaucoup ignorent même le nom de son créateur ». Ce n’est sûrement pas pour rien que l’auteur a tenu, dans les quatre pages finales, à préciser ses sources de documentation ou d’inspiration. Les décors, fruits d’une condensation visuelle de lieux épars et d’époques diverses, sont ainsi justifiés, localisés avec soin. Ces notes particulièrement instructives intéresseront évidemment les « mexicophiles » ou les amateurs de récits macabres, mais les bédéphiles trouveront leur compte d’images hallucinantes et fascinantes.

Rappelons que nous avons évoqué, ici-même,  la ville d’Oaxaca  à propos du « Journal d’Oaxaca » de Peter Kuper. Cf.  http://bdzoom.com/33795/bd-voyages/bd-voyages-journal-doaxaca-par-peter-kuper/.

Alors, bon voyage !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).

« La Poussière des aïeux » par Felix Pestemer

Éditions Actes Sud – L’an 2 (22 80 €) – ISBN : 978-2-3300-0152-0

 

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