UNE NOUVELLE RECETTE POUR SPIROU

Alors que bdzoom.com a été le premier à vous annoncer la reprise de «Spirou et Fantasio» par José Luis Munuera (au dessin) et Jean-David Morvan (au scénario), votre site Internet favori n’avait pas encore évoqué la nouvelle formule du journal Spirou, enfin effective depuis le n°3446 du 28 avril.

 

 

Nous attendions simplement d’avoir un peu de recul pour mieux juger ce lifting mis en œuvre par «Le Boss», Thierry Tinlot. Ce dernier est le rédacteur en chef, depuis une dizaine d’années, de cet hebdomadaire qui totalise soixante mille abonnés, quinze mille ventes en kiosque et vingt-cinq mille en recueils. La nouvelle ère du magazine ayant désormais six numéros à son actif, nous pensons pouvoir laisser exprimer la bonne impression que nous laisse ce coup de neuf et donner un avis extérieur. Ainsi, nous saluons l’évidente volonté de ne pas renier le public-cible de l’hebdomadaire (les jeunes enfants), tout en essayant de ne pas perdre en route les plus âgés.

 

Outre une nouvelle identité graphique, avec une maquette «new look» plutôt sobre et très lisible, on ne note pas de grands chambardements mais on sent d’emblée que Spirou se positionne comme un hebdomadaire qui se veut varié. Ce changement dans la continuité coïncide également avec cette reprise attendue et assez réussie de «Spirou et Fantasio» (à la vue des premières pages), dont les aventures sont publiées par tranches de trois planches par semaine ; ceci assure une présence presque permanente de cette BD qui met en scène le personnage générique de la maison Dupuis et qui est le symbole du passage d’une époque à une autre.

 

Parmi les autres modifications notables, nous apprécierons le retour du rédactionnel avec l’arrivée de Martin Winckler (auteur de «La maladie de Sach», entre autres, mais également médecin) qui avec «Docteur Je sais tout» s’inspire de la rubrique que les anciens lecteurs connaissaient sous la signature du Fureteur. Il y parle de tout, brièvement, avec humour et l’aide de Johan De Moor pour les illustrations. Boris, quant à lui, hurle son amour à «Mon auteur préféré» dans de courtes interviews qui font découvrir la face cachée des stars de la BD. Le courrier des lecteurs (illustré par Philippe Bercovici), «Joue avec la petite Lucie» de Joan, «La balise à cartoons» avec les crobards de Phil, Salma, Yse Baert, Berth, Julien Neel, Yassine, Lefred-Thouron, Lécroart, Inique… et «Pic & Zou» de Pic Lelièvre sont toujours présents ; toutefois, tous les 15 jours, des chroniques plus «branchées» sont proposées : Jean-Michel Thiriet livre ses impressions en cours dans «Ma semaine», trois jeunes nanas (Mélaka, Laurel et Cha) racontent leur quotidien de filles et de dessinatrices de BD dans «33, rue Carambole» et Oscar Bourbier (alias le journaliste culturel Serge Coosemans) ne prend rien au sérieux dans «C’est déjà de la science-fiction», des chroniques informatives illustrées par Gaël Denhard. Ce nouveau rédactionnel apporte une sensibilité et un humour différents mais, là encore, on trouve un équilibre entre classicisme et inventivité : challenge qui semble être réussi et adopté par un rédacteur en chef que nous avons connu plus provoquant et qui s’est intelligemment assagi.

 

Ceci mis en avant, Spirou reste avant tout un journal de BD et le prouve en revendiquant le bon vieux principe du feuilleton et de l’histoire à suivre : les auteurs sont, par contre, priés de redonner une dynamique à leur découpage que certains avaient perdue en ne travaillant que pour les albums. Alliant humour et émotion, les excellents «Jojo» d’André Geerts et «Oscar» de Christian Durieux et Denis Lapière (ils seront bientôt suivis par le non moins intéressant «Ludo» de Bailly et Lapière) sont les premiers à nous le démontrer dans des chapitres de 5 à 7 pages. Les pages de gags, quant à elles, sont toujours aussi nombreuses et nous permettent de retrouver des vedettes incontournables, régentées par les piliers scénaristiques de l’hebdomadaire de Marcinelle : l’immense Raoul Cauvin avec «Cédric» (dessins de Laudec), «Les femmes en blanc» (dessins de Bercovici), «Les psy» (dessins de Bédu), «L’agent 212» (dessins de Kox), «Pierre Tombal» (dessins de Hardy)… ; le convainquant Zidrou avec «Tamara» (dessins de Darasse), «Le Boss» (dessins de Bercovici)… ; l’inventif François Gilson avec «Mélusine» (dessins de Clarke), «Cactus Club» (dessins de Bercovici), «Garage Isidore» (dessins de Stédo)… ; sans oublier les autres stars du gag que sont «Kid Paddle» de Midam, «Les zappeurs» de Ernst et Janssens, «Parker & Badger» de Cuadrado, «Passe-moi l’ciel» de Stuf et Janry… Notons également que des séries, toujours dans le genre humoristique, aux styles graphiques et narratifs légèrement provocateurs sont toutefois présentes pour apporter un sang neuf qui, il faut bien le dire, déroute souvent les plus classiques d’entre-nous : «Puddingham Palace» d’Isa, «Nelson» de Christophe Bertschy, «Game Over» de Midam et Adam, «Génération Ego» de Hermans et Noblet, «Radio Yoyo» ou «Arsène Lapin» de Thiriet, «Gino Range» de Godimus et Thiriet, «Roboboy» de Cromheecke et Linthout, «Cyber Times» de Mandryka et Thiriet, «Les Tacozip» de Cromheecke et Fritzgerald… On retrouve ce même esprit novateur dans certains récits complets signés Enrique Carlos, Floris, Luc Cromheecke, Jérôme Duveau…, lesquels sont tempérés par la présence de classiques indémodables comme «Les tuniques bleues» de Lambil et Cauvin !

 

N’oublions pas non plus le supplément sur Internet (Spirou.com) qui est lui aussi un lieu de laboratoire et d’expérimentation. Il complète utilement le magazine papier tout en s’y référant continuellement. Spirou.com reçoit, pour le moment, 110.000 visites par mois.

 

Enfin, la nouvelle formule accueille -ou va bientôt accueillir- une quinzaine de nouvelles séries, réalisées par des stars comme Jean Van Hamme («Lady S.» avec Aymond), Yann («Space Operation» avec Duveau), Boucq La Petite mort»), Carabal («Les Gosses»), Thierry Robin («Zappa & Tika») ou les Dupuy-Berberian et Margerin Tombé du ciel») ; par des auteurs un peu moins connus mais aux projets néanmoins alléchants comme ceux du scénariste Fabien Vehlmann («Wondertown» avec Feroumont, «Seuls» avec Gazzotti…) ou ceux de Gaël et Mo CDM («Bédé academy»), de Gwen et Bonhomme («Messire Guillaume»), de Ghorbani et Bouchard («Jehan le géant»), de Fioretto et Rudowski («Jonas»), de Dav et Etienne Simon («Trikaar»), de Falzar et Marasaudon («Mon papa est un gangster»), de Janssens et Bec («Harla») ; mais aussi par de parfaits inconnus («Georges et moi» d’Ozanam et Maroin, «Manager mode d’emploi» de Dehaes, «Hector Larsen» de Gloris et Roux…

 

 

 

Tout est donc mis en œuvre pour séduire un maximum de lecteurs, même s’il est illusoire de plaire à tout le monde ! Toutefois, si cette nouvelle formule persiste dans cette voie où les valeurs sûres côtoient quelques nouvelles tentatives de bon aloi, sachez que nous ne ferons pas partie des quelques esprits grincheux qui trouvent toujours à redire aux changements !

 

 

 

                                                                                                                        Gilles RATIER

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