« La Cordée du Mont Rose » par Olivier Balez

En découvrant la couverture de cet album (malheureusement passé inaperçu à sa sortie en mai dernier), on se doute que le voyage sera montagnard, et même alpiniste, mais « La Cordée du Mont Rose » est bien plus que cela ! Les individus qui composent cette cordée, saisis là, face à nous, en contre-jour, pour certains presque à contre-emploi, composent une étonnante galerie de voyageurs. Car c’est bien de voyage qu’il s’agit, et bien de montagne, mais de voyage vécu comme ultime défi pour concrétiser un parcours intérieur à nul autre pareil et pour repousser des limites de la mort…

Alors, avant de valoriser dans « BD Voyages » des nouveautés 2012, coup de rétro sur ce titre qui figure dans la sélection du 2ème trophée  des « BDs qui font la différence » dont le prix pour l’album primé sera rendu public le 26 janvier à Angoulême. L’association Sans Tambour ni Trompette remettra alors pour la deuxième année ce prix qui « récompense l’auteur du meilleur album francophone paru en 2011 qui aura pris le parti de lutter contre la stigmatisation, de mettre en scène des personnages handicapés ou de proposer des pistes pour mieux vivre ensemble ».

Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur-en-chef de la revue XXI dans laquelle il pré-publia ce récit en 2010, explique en avant-propos de l’album : « Il est des histoires que l’on porte, et on ne le sait pas. Jusqu’à ce qu’elles s’imposent. Il est des silences qui cachent, et sont nécessaires. Jusqu’au jour où il faut les briser. Il est des hontes et des blessures longtemps portées. Qui, d’un coup – quand l’histoire prend le pas sur le silence – sont transformées. «Pendant des années, je ne me suis pas posé de questions», dit Olivier Balez. Il savait que son frère, Eric, était malade. Il savait que cette maladie, cataloguée sous le nom étrange de MICI, était grave. Mais elle ne se voyait pas. Le mal rongeait Eric. Il ne l’affichait pas, n’en parlait pas. Il faisait comme si de rien n’était. (…) Comme des milliers d’autres en France, Éric est touché par un mal appelé «maladies inflammatoires chroniques intestinales», soit MICI. Plus précisément, il a contracté la maladie de Crohn, un mal insidieux qui, année après année, atteint l’ensemble du système digestif, de la bouche à l’anus, et dégénère parfois en cancer ».

Olivier Balez décide de rendre hommage à ce frère courageux, qui prend sur lui, toujours, au-delà du raisonnable, pour masquer ses douleurs et son handicap, se privant peu à peu de ce qu’il sait faire, de ce qu’il aime, en un mot de la vie. Lui, le prestidigitateur éblouissant  a  l’habitude de détourner le regard des autres et il ne s’en prive pas pour les obliger à voir en lui un individu sans faille, intègre au sens propre, alors que, la maladie lui fouaille le ventre et lui  torture les entrailles. Pourtant, l’homme est assez têtu pour tenter un voyage, non  pas celui de la dernière chance car ce n’est plus pas ça l’enjeu, mais un voyage à plusieurs, tous  malades, vers la pureté des cimes, pour se prouver qu’on peut, qu’on doit, que c’est encore possible, que tant que la vie est devant, même à pas lents, ou à pas lourds, il faut avancer…

Avec un sujet, de fait émouvant, difficile, poignant, Olivier Balez, en alternant la trame médicale et la trame sportive, tisse un récit d’une grande élégance. Qui plus est, il offre aux lecteurs un spectacle étonnant, une mise en formes picturale faite d’aplats de couleurs habiles et stylisés, comme cette chambre d’hôpital donnant sur un bord de mer à palmiers, comme ces crêtes sinueuses  où s’impriment les pas comptés, ou ces sommets aux  blanc, bleu, rose cumulés… L’aventure familiale et sportive se double d’une aventure esthétique. Loin du simple carnet de voyage, loin du reportage à l’esquisses faciles, Balez remporte lui aussi un défi : celui de mettre en images  un sujet  inquiétant et d’en faire un livre d’une beauté désarmante, belle preuve d’amour fraternel !

Pour rendre hommage aux uns et aux autres, un dossier final présente «également un à un les protagonistes de l’aventure humaine et les caractéristiques de ces MICI, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, impérieuses et destructrices, face auxquelles avec une énergie et un optimisme incroyables, des gens se battent, ne serait-ce que pour voyager encore un peu…

Alors, bon voyage en leur compagnie.

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).

« La Cordée du Mont Rose » par Olivier Balez

Éditions Les Arènes (17 €) – ISBN : 978-2-35204-149-8

NB : La revue XXI est à retrouver sur leur site.

 

 

 

Galerie

Une réponse à « La Cordée du Mont Rose » par Olivier Balez

  1. Balez dit :

    Merci pour cet article que je découvre avec joie.
    Mon frere et moi sommes tres flattés de savoir ce récit dans la sélection des « BDs qui font la différence »
    Je serai a Angouleme seulement a partir du 27 janvier et je serai ravi de rencontrer l’équipe sans tambours ni trompette a cette occasion…
    Amicalement,

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