« Aurore » par Enrique Fern?ndez

Voici le nouvel album de l’auteur espagnol Enrique Fern?ndez, qui a déjà publié quelques albums en France. On se rappelle notamment une adaptation dynamique en trois volumes du célèbre conte « Le magicien d’Oz », scénarisé par David Chauvel et publié chez Delcourt en 2004.

C’est un conte fantastique  qu’il nous offre ici, dans cet album soigneusement édité par les éditions Soleil, dans son intéressante collection « Métamorphose. »

Cette fable nous entraîne dans une contrée lointaine, gelée et isolée, où un peuple qui pourrait être Inuit, ou du Nord en tout cas, est à un tournant de son histoire et de son existence. Il vit de la chasse et de la pêche. Les anciennes croyances s’étiolent, les humains perdent leurs racines, le contact avec leur environnement et leur combativité. Ils oublient leurs dieux. Ils semblent résignés à subir des événements qu’ils ne comprennent pas et qui perturbent le cours de leur vie.

Aurore planche d’ouverture

 

Dans la très belle planche d’ouverture, aux vignettes horizontales, l’on découvre Vokko, un animal sauvage qui intrigue dès son entrée en scène. Ses yeux jaunes et sa gueule pointue dotée de dents puissantes, inquiètent. Pourtant, Vokko n’est pas menaçant. C’est un esprit de la forêt qui va guider la petite Aurore dans sa quête. Il parle à Aurore, que l’on ne voit pas encore. Il lui raconte son passé, il devient sa mémoire.

Aurore est une fillette singulière. Elle a été transformée en pierre par le ruisseau doré apparu subitement chez le peuple du Nord. Pour les humains, Aurore n’existe plus et ses parents, les seuls qui ont encore envie de lutter et de comprendre leur monde, pleurent leur petite fille disparue. Seul Vokko voit Aurore telle qu’elle était avant sa métamorphose, une fillette dont les cheveux et les bottes rouges éclatent dans le paysage glacé. Ses immenses yeux bleus interrogent. Elle a perdu la mémoire, elle ignore d’où elle vient et qui elle est. Pourtant, elle est vivante, impatiente, coléreuse parfois, impétueuse aussi. Vokko lui explique sa mission : inventer une chanson qui mérite de rester dans les mémoires, qui raconte les humains et leur monde, que l’on pourrait transmettre aux générations futures pour qu’elles n’oublient pas d’où elles viennent. Comment une petite fille ignorante pourrait créer une telle chanson ? Aurore ne le sait pas, elle ne sait pas chanter, elle ne connaît que la colère et la solitude. Patiemment, Vokka la guide et lui réapprend à vivre. Les deux compagnons se mettent en route, à travers la forêt, pour rejoindre les parents d’Aurore, partis à sa recherche …

Aurore planche 7

Ce récit est celui d’une quête et d’une interrogation sur ce qui fait l’essence humaine. Le chemin sur lequel s’engagent Aurore et Vokko est un chemin terrestre certes, mais aussi spirituel. Ils y croisent les esprits sylvestres qui peuplent la forêt, les forces du mal qui la hantent. Le duo Aurore – Vokko est intéressant et dynamise le récit. Sous des dehors nonchalants et détachés, Vokko se révèle un compagnon attentif et précieux. Derrière sa colère et ses moqueries d’enfant, Aurore est une enfant perdue et désemparée, qui veut être aimée. Ces deux là s’apprivoisent doucement, ils découvrent la force de l’amitié et de la solidarité. Quant au monde des hommes que Fern?ndez nous décrit, il est à l’image du nôtre. Certains de ces humains se recroquevillent sur eux-mêmes, en individualistes résignés. D’autres, au contraire, luttent pour sauver un monde qui risque de disparaître.

Un très beau récit en vérité, porté par des images magnifiques et saisissantes et un humanisme fort.

Catherine GENTILE

« Aurore » par Enrique Fern?ndez

Éditions Soleil (15,90 €) – ISBN 978 2 302 01872 3

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