PLUS DE LECTURES DU 8 OCTOBRE 2007

Notre sélection de la semaine : “ La montagne magique ” par Jirô Taniguchi, “ Trois ombres ” par Cyril Pedrosa, et “ Chaabi T.1 ” par Xavier Delaporte et Richard Marazano.

 

 

“ La montagne magique ” par Jirô Taniguchi

 

Editions Casterman (13,75 Euros)

 

On a souvent dit que Jirô Taniguchi était une formidable passerelle, incitant le lectorat frileux de la BD franco-belge à fourrer son nez dans les mangas. En effet, que ce soit avec ses histoires de montagnes (comme «Le sommet des dieux») ou d’enfants grandissants sans le soutien paternel (voir «Quartier lointain» ou «Le journal de mon père»), son trait d’une grande finesse et sa narration, tout en sensibilité, ont permis d’ouvrir les œillères de nombreux lecteurs. Hélas, si cette ouverture d’esprit reste quand même assez rare, elle est l’encore plus dans l’autre sens : les amateurs de BD asiatiques étant plutôt du genre monomaniaques… Mais avec «La montagne magique», son premier one-shot à l’occidentale (un album cartonné tout en couleurs, édité par Casterman) qui reprend ses thèmes favoris, cet auteur majeur de la BD japonaise pourrait bien faire, à nouveau, basculer la donne : ce charmant petit conte écologique et fantastique étant une occasion rêvée de passer du manga jeunesse à des albums plus adultes ! Basé sur la peur enfantine, ce récit, un brin naïf, réussira pourtant à vous émouvoir !

 

 

 

“ Trois ombres ” par Cyril Pedrosa

 

Editions Delcourt (17,50 Euros)

 

Entre conte fantastique pour enfants et récit initiatique aux mille entrées, cet imposant roman graphique de 268 pages se lit d’une traite ! Une famille vit heureuse et paisible dans une chaumière isolée dans la campagne, jusqu’au jour où trois mystérieux cavaliers apparaissent sur la colline d’en face. Flairant que le danger pourrait très vite venir de ces trois ombres menaçantes, le père prend son fils dans ses bras et part en bateau vers le pays de ses ancêtres, au-delà du grand fleuve… Cette fuite désespérée, d’un homme confronté à la mort et qui veut protéger son enfant, a été inspirée à Cyril Pedrosa par ce qu’ont dû subir un couple d’amis qui venaient de perdre un très jeune enfant. Et le voilà, quittant sa palette chaleureuse de couleurs pour rendre son trait encore plus nerveux, prêt à des envolées oniriques de haute volée : utilisant différents outils (du pinceau au crayon à bille, en passant par le fusain) selon l’ambiance qu’il souhaite nous faire partager. Sans manichéisme et sans pathos, il nous conte sa longue métaphore intimiste, tout en la transformant en une palpitante grande aventure, remplie d’émotion et de sensibilité ! Etonnante métamorphose stylistique pour un dessinateur au trait pas si convenu qu’il en avait l’air dans ses précédentes réalisations («Ring Circus» ou «Shaolin Moussaka» avec David Chauvel, chez Delcourt), et belle réussite pour la très controversée collection «Shampooing» dirigée, sans concession, par le cynique et talentueux Lewis Trondheim…

 

 

 

“ Chaabi T.1 ” par Xavier Delaporte et Richard Marazano

 

Editions Futuropolis (15 Euros)

 

Curieusement, cette nouvelle révolte du scénariste Richard Marazano, qui dénonce une nouvelle fois l’exploitation des enfants par le travail, commence par une belle pirouette narrative : c’est-à-dire la mort du héros, jeune rebelle devenu chef révolutionnaire, tué au cours d’une embuscade. L’ampleur des obsèques de «Chaabi», organisées dans la province de Samastipur, dans le nord de l’Inde, nous laisse imaginer l’admiration que lui portait tout un peuple venu des quatre coins du pays, et non seulement de cette région où il luttait, contre le gouvernement, pour la dignité de ses compagnons de labeur. Une journaliste de Calcutta décide de recueillir les témoignages de ses anciens fidèles, afin de mieux comprendre son parcours et son engagement. Cette émouvante histoire est fort bien illustrée par le trait déjà mature de Xavier Delporte, alors qu’il s’agit seulement de son premier album professionnel. Voilà qui compense la légère impression d’insatiabilité que vous aurez en refermant ce tome d’exposition, lequel ne dévoile que très peu d’informations : ce qui nous laisse, évidemment, sur notre faim. On sent pourtant, d’emblée, que cette histoire, initialement prévue pour la défunte collection «32», est bonne, et que le souffle épique qui fait défaut à ce premier tome (ceci étant dû, certainement, à une longue mais nécessaire mise en place des différents protagonistes) sera au rendez-vous dans le prochain album. Jetez-vous donc sur cette fiction contemporaine, qui se retrouve au cœur de l’actualité !!!

 

 

 

Gilles RATIER

 

 

 

 

Galerie