Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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C’est la rentrée avec une nouvelle sélection d’albums venant juste de paraître : “ Samsara T.1 ” par Michel Faure et Frank Giroud, “ La véritable histoire de Futuropolis ” par Florence Cestac, et “ La demeure des Gomez ” par Miguelanxo Prado.
Cliquez sur l’appareil photo pour découvrir les couvertures des albums.
“ Samsara T.1 ” par Michel Faure et Frank Giroud
Editions Dupuis (14 Euros)
Avec la série des «Secrets» (divers récits basés sur des secrets de famille honteux ou inavouables, enfouis de génération en génération), le romanesque en bande dessinée prend enfin sa véritable dimension ! Historien de formation, l’habile conteur qu’est Frank Giroud (le scénariste et maître d’oeuvre du «Décalogue» et de «Quintett») sait parfaitement utiliser l’histoire avec un grand H, ceci afin de nous intriguer avec des aventures passionnantes, réunies ici au sein de la collection «Empreinte(s)» : la dernière en date nous faisant découvrir une incroyable chasse au trésor dans le pays des Maharajahs, au cœur des jungles indiennes. Ce premier tome, d’un diptyque qui s’annonce particulièrement réussi, met en scène une jeune suffragette de Manchester enseignant des idées fraternelles et égalitaires dans une école où les riches et les pauvres ont les mêmes droits. Obligée de fermer sa classe, faute de mécènes, le destin de cette jolie Anglaise va alors complètement basculer… Sa sœur et son mari partent pour les Indes britanniques, ce qui provoque la colère de son père, lequel sera victime d’un malaise dont il ne se remettra pas. Suite à son décès, on remet à notre vaillante héroïne un journal relatant les tribulations, qui ont eu lieu 28 ans auparavant, d’un petit groupe de coloniaux dans les Indes britanniques : voilà qui va mettre à jour une partie de son douloureux passé… Pour l’occasion, le dessinateur Michel Faure renoue avec la couleur directe, ce qui sublime l’exubérance de son trait somptueux et baroque, tout en lui permettant de composer des paysages luxuriants et envoûtants, où déambulent nombre de personnages énigmatiques, aux trognes très expressives.
“ La véritable histoire de Futuropolis ” par Florence Cestac
Editions Dargaud (18 Euros)
L’histoire d’une maison d’édition peut-être une formidable aventure humaine ! C’est ce que Florence Cestac, co-fondatrice avec Etienne Robial, de Futuropolis, en 1972, nous démontre, tout le long des 100 pages qui racontent, avec tendresse et ironie, la trajectoire d’une entreprise qui a sorti le 9ème art français d’une sorte de ghetto. Ce qui est étonnant, c’est de voir que c’est grâce à l’argent que dépensaient, dans leur librairie, les nostalgiques collectionneurs (aux goûts traditionnels), que ce mythique et révolutionnaire label allait pouvoir exister. Tout en aiguisant son humour et son style graphique «gros nez», l’auteur(e) du «Démon de midi» et d’«Harry Mickson» nous révèle l’énergie qui leur a fallu pour mener à bien nombre de projets, ainsi que les anecdotes qui ont permis de découvrir ou confirmer tant de talents : les Tardi, Bilal, Swarte, Crumb, Baudoin, J.-C. Denis… Sans oublier la redécouverte du patrimoine de la bande dessinée américaine à travers la prestigieuse collection «Copyright», dont le logo se retrouve sur la couverture de cet exaltant petit livre édité chez Dargaud !
“ La demeure des Gomez ” par Miguelanxo Prado
Editions Casterman (12,75 Euros)
A l’exception des rééditions bienvenues de son œuvre chez Mosquito, Dupuis ou Casterman, cela faisait bien longtemps que nous n’avions pas eu à nous mettre, sous les yeux, un nouvel album de Miguelanxo Prado, l’une des figures majeures de la bande dessinée espagnole : d’ailleurs, il n’avait pratiquement rien publié de vraiment nouveau depuis 10 ans. Autant dire que l’on attendait de pied ferme cette chronique légère et souriante sur l’Espagne actuelle, où le génial auteur Galicien renoue avec un trait caricatural et avec la satire sociale (dans la lignée de ses «Chroniques absurdes» ou de «Manuel Montano», réédité chez Casterman pour l’occasion), délaissant les pastels réalistes de ses précédents chefs-d’œuvre («Trait de craie» ou «Après l’amour»). Evidemment, cette simple petite farce, drôle et cynique, axée sur les héritages patrimoniaux et la spéculation immobilière, n’est pas le récit le plus éblouissant de cet ancien étudiant en architecture. Pourtant, il s’en dégage un charme évident, dès les premières pages où l’on assiste aux déconvenues de la famille Gomez : à la suite du décès d’une vieille tante qu’ils ne visitaient plus depuis des années, ces derniers récupèrent un inhabitable taudis qui, pour être habitable, nécessiterait des travaux administrés de façon surréaliste ; et pour tout arranger, la cupidité et la stupidité de ces nouveaux naïfs les fait passer à côté d’aubaines financières, alors qu’ils deviennent la proie d’entrepreneurs véreux et de politiques voraces : talentueusement méchant et jubilatoire !
Gilles RATIER