PLUS DE LECTURES DU 11 SEPTEMBRE 2006

Une sélection hebdomadaire de plus en plus difficile à faire dans une production de plus en plus abondante : “ L’envolée sauvage T.1 : La dame blanche ” par LaurentG et Arno Monin, “ Le triangle secret : Hertz ” par Denis Falque, André Juillard et Didier Convard, “ Le sang des Porphyre T.1 : Soizik ” par Joël Parnotte et Balac, “ Pourquoi les baleines bleues viennent-elles s’échouer sur nos rivages ? ” par Emmanuel Moynot et “ Les Tuniques Bleues T.50 : La traque ” par Willy Lambil et Raoul Cauvin.

 


L’envolée sauvage T.1 : La dame blanche ” par Arno Monin et LaurentG


Editions Bamboo (12,90 Euros)


Ce très beau récit est situé en pleine deuxième Guerre mondiale, dans une campagne française éloignée de la tourmente. Les attitudes antisémites y sont pourtant, également bien présentes, puisque même l’instituteur du village pratique la discrimination prônée par le maréchal Pétain. Toutefois, un curé et sa bonne ont recueilli quatre orphelins dont l’un est un petit juif passionné par les oiseaux. Cependant, ce petit amoureux de la nature devra être envoyé dans un institut pour mineurs délinquants de la capitale, tenu, d’une main de fer, par un vieil ami de séminaire du brave «père» adoptif : et la descente aux enfers ne va faire que commencer… Certes, le dessin, quoique fort chaleureux, n’est pas toujours des plus originaux (on pense tout de suite à Berlion ou à Chabouté), cependant, il s’agit d’un premier album, et Arno Monin ne peut que s’améliorer en se dégageant, progressivement, de ses bonnes influences, ceci afin de se forger son propre style… De toute façon, il dégage, de ce prologue, une telle humanité, et une telle émotion, que l’on ne peut que vous le conseiller : les personnages sont tous bien vus et la narration, totalement fluide, ne peut pas vous laisser insensible !


 


Le triangle secret : Hertz ” par Denis Falque, André Juillard et Didier Convard


Editions Glénat (12,50 Euros)


 «Le triangle secret», thriller ésotérico-historique (ayant précédé le «Da Vinci Code», référence du genre) a été la première saga bédéesque à être concoctée autour du travail d’un scénariste (ici Didier Convard), épaulé par une pléiade de dessinateurs. Ce concept tout neuf (très vite suivi par «Le décalogue» de Frank Giroud qui en avait eu l’idée simultanément) est aujourd’hui largement copié par les concurrents de l’éditeur grenoblois (Glénat). Ce dernier ne limite pas les envies créatrices de ses auteurs et les incite même à multiplier de nouveaux cycles, pour le plus grand plaisir des lecteurs. Ainsi, «INRI» et trois hors-série (dont le dernier, «L’enquête», vient également de paraître) sont venus compléter les 7 albums de cette fresque maçonnique et humaniste inaugurée en 2000.  Ce nouveau «one-shot» est basé sur l’enfance du franc-maçon Martin Hertz, mentor du héros principal Didier Mosèle. Avec son ami Bartolomeo (futur cardinal dans la série initiale), il cache un déporté évadé qui appartient à la Loge Première, et qui sera, par la suite, son parrain initiateur. Hélas, le père de Martin, qui a sombré dans l’alcoolisme, est prêt à trahir leur secret… Les 9 superbes planches signées André Juillard posent parfaitement l’ambiance angoissante entérinée par le reste de l’album, mis en images par le graphisme élégant, et de mieux en mieux maîtrisé, de Denis Falque. Quant au scénario, si «Le triangle secret», dans son ensemble, restera certainement comme le chef-d’œuvre de Didier Convard,  «Hertz» en est l’un de ces plus beaux joyaux !


 


Le sang des Porphyre T.1 : Soizik ” par Joël Parnotte et Balac


Editions Dargaud (13 Euros)


A la fin du XVIIIe siècle, une jolie petite Bretonne passe son temps à dépouiller les cadavres des naufragés échoués sur les rives de son petit village. En voulant garder le bijou découvert au cou d’une noyée, elle découvre, dans l’antre du Kornik, le plus jeune des fils Porphyre. Peu de temps après, elle fait aussi connaissance avec l’aîné, tout juste sorti du bagne de Toulon où la maréchaussée l’a jeté alors qu’il n’était qu’un enfant. La belle Soizik ne va pas rester indifférente au charme de cet inquiétant rejeton qui a purgé sa peine, mais dont la famille est toujours maudite ! Superstition, romantisme et destins contrariés sont les ingrédients de ce récit ambitieux, composé par Balac. Alors que le dossier de presse s’échine à nous faire croire qu’il s’agit de Yann Balac’h, scénariste originaire du Nord de la Bretagne, chacun sait, dans le milieu de la BD, qu’il s’agit, en fait, du prolifique et talentueux Yann (Yann Le Pennetier) qui utilisa déjà ce pseudonyme pour le premier épisode du magnifique «Sambre», dessiné par Yslaire. Ici, le propos semble partir sur les mêmes bases et le lecteur sera séduit d’emblée par l’efficacité du découpage et des dialogues. Quant au dessin méticuleux et semi-réaliste de Joël Parnotte, il finira de convaincre les plus difficiles d’entre-nous, même s’il aurait mérité, peut-être, une mise en couleur plus délicate.


 


Pourquoi les baleines bleues viennent-elles s’échouer sur nos rivages ?


par Emmanuel Moynot


Editions Dupuis (13,50 Euros)


Expérimentant une nouvelle fois de nouveaux terrains graphiques totalement convaincants, Emmanuel Moynot nous livre, certainement, son ouvrage le plus ambitieux et le plus réussi ! Tout en jetant un regard aussi féroce que cynique sur le milieu littéraire français, il nous conte ici l’histoire d’un jeune écrivain, cynique et séduisant, prêt à tout pour réussir. Après avoir mis un terme à une relation amoureuse au profit d’une jolie Parisienne aux parents plus influents et plus fortunés, il tombe dans les bras de son éditrice, laquelle lui fera bientôt rencontrer son idole : un célèbre romancier américain, en panne d’inspiration, l’une des «baleines bleues» du titre de ce troublant roman noir qui nous donne une vision sans fard des conditions de la création littéraire. Le vieux monstre sacré, venu des Amériques mais qui souhaite se fixer à Paris pour terminer son ultime ouvrage (un chef-d’œuvre qui devrait ramener les œuvres de Proust et d’Hemingway au stade de romans de gare), n’a, en fait, pas écrit une ligne depuis des années ; et, bien entendu, notre jeune arriviste, digne de Rastignac, pense profiter à son aise du désastre créatif et sentimental de cet homme au bout du rouleau. Grâce à son habituel sens narratif, toujours aussi efficace, et à des dialogues plus proches du langage parlé que de l’écrit, Moynot réussi à tenir le lecteur en haleine, sans coups faillir. Pour ce faire, il le mène habilement de la région Bordelaise à un Paris branché, fort bien observé et mis en lumière avec de beaux dégradés de gris rehaussé de touches colorées, pour mieux dénoncer l’indigence morale qui est souvent nécessaire à la gloire : du grand art !


 


Les Tuniques Bleues T.50 : La traque ” par Willy Lambil et Raoul Cauvin


Editions Dupuis (8,50 Euros)


50 albums des «Tuniques Bleues», ça se fête ! D’autant plus que rares sont les séries qui, aujourd’hui, peuvent se vanter, en atteignant ce cap, d’obtenir un tel succès populaire tout en étant toujours d’un niveau égal ! En effet, depuis 1968, les deux soldats appartenant à la cavalerie américaine que sont le sergent Chesterfield, brave garçon borné et patriote avant tout, et le caporal Blutch, qui ne pense qu’à déserter, ravissent les lecteurs du journal Spirou. Cette comédie loufoque, située en pleine guerre de Sécession, a parfois des accents dramatiques car, entre deux gags ou situations incongrues, les auteurs nous rappellent régulièrement que la guerre, c’est l’horreur ! Ce 50ème épisode («La traque», aux éditions Dupuis), quant à lui, est particulièrement réussi : nos héros sont réquisitionnés par le général Grant pour partir à la chasse aux déserteurs. Surpris par les troupes ennemies, ils vont devoir se faire passer pour des sudistes… Bravo à Raoul Cauvin (le scénariste et le créateur de la série) et à Willy Lambil (le dessinateur, qui a pris brillamment, en 1973, la suite de Louis Salvérius) : nous leur donnons rendez-vous pour le 100ème album !

 

Gilles RATIER


 


 

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