« Hideout » par Masasumi kakizaki

Dans les années cinquante, l’horreur en bande dessinée était l’apanage des Américains et notamment de l’éditeur EC Comics. Puis sont venus les romans et le cinéma fantastique. Depuis les années 90, les Japonais se sont fait une bonne réputation en ce qui concerne les films d’angoisse. Il est donc naturel que ce genre arrive aussi en manga. « Hideout » reprend les principes éculés des films d’horreur pour réaliser un one shot prenant.

Seiichi Kirishima est un écrivain raté. Il n’arrive plus à trouver de contrat valable. Sa femme ne s’en soucis pas et continue de dépenser l’argent qu’ils n’ont plus dans les plus beaux magasins de la ville. Acculé, Seiichi est contraint d’accepter des travaux basiques commandés par de petites maisons d’édition, lesquels sont inévitablement moins bien payés. Absorbé par son écriture, il ne se rend pas compte que son fils joue sur le balcon. Celui-ci fera une chute mortelle et le couple se renverra la faute l’un envers l’autre. Afin de, soi-disant, recoller les morceaux, ils décident de s’offrir des vacances sur une île paradisiaque. Mais Seiichi à une autre idée en tête, il sait qu’un champ de bataille constellé d’ossements se trouve sur cette île. C’est un endroit idéal pour faire disparaître un corps. Entraînant sa femme au fin fond de la forêt il ne tarde pas à vouloir mettre son plan à exécution. Mais cela ne se passe pas comme prévu, car elle résiste. Parti se terrer au fond d’une grotte, le couple va y découvrir d’étranges habitants se nourrissant de chair humaine.

Masasumi kakizaki use et abuse des clichés tout droit sortis des classiques de l’angoisse : nuit pluvieuse, panne d’essence dans un lieu dessert, grotte abritant de mystérieux occupants, légende travestissant la réalité, monstre humanoïde, sanguinaire et anthropophage, enfant naïf mais dangereux… Tout est fait pour construire un récit tenant en haleine le lecteur. La construction même de l’histoire, racontée de manière non linéaire avec de nombreux flash-back revenant sur ce qui, petit à petit, a entraîné la rupture au sein de ce couple, est particulièrement bien amené. Les rebondissements sont multiples et ,même s’ils ne sont pas spectaculaires, ils aident à la crédibilité du récit ainsi qu’au renforcement de son côté angoissant. Le traitement réaliste du dessin classe clairement ce manga dans la catégorie seinen : le public ne peut s’y tromper. On retrouve la même qualité graphique et narrative que dans sa série « Rainbow », toujours en cours de parution chez Kazé Manga.

Même si la plupart de scènes sont soit en huis clos dans la grotte, soit sous une pluie battante et opaque, la balance des noirs et des blancs fait que l’action est toujours claire et bien compréhensible. Le passé est lui toujours évoqué avec une ambiance claire qui respire la joie de vivre, même dans les moments les plus tragiques. Un contraste saisissant qui sert à merveille le récit et facilite sa compréhension. Ce manga se lit d’une traite, il est impossible de décrocher avant d’avoir le fin mot de l’histoire.

Contrairement aux films d’angoisse japonais évoqués précédemment, ce manga a choisi de montrer l’ennemi de manière distincte : ce monstre tapi dans l’ombre en attendant sa proie. Il lui reste toutefois un côté humain, alors que ses traits ravagés sont par le temps ce qui le rend encore plus énigmatique et froid. L’enfant qui l’accompagne est « bien flippant », à lui seul il résume la vision cauchemardesque dans laquelle les protagonistes sont empêtrés : un mélange de chasse à l’homme haletante et de huis clos à déconseiller aux claustrophobes. La psychologie et les motivations des autres personnages sont bien affirmées : avec seulement quelques passages bien trouvés, il est facile de cerner leurs caractères. Notamment celui de cet écrivain amoureux qui ferait tout pour sa famille et cette épouse ingrate qui, au final, nous paraît bien antipathique.

Un soin tout particulier a été apporté à la finition du livre. La jaquette de couverture est imprimée sur un papier texturé agréable au touché et qui rappelle une finition toilée. Le dessin  de cette main déchirant le papier (sur la couverture) laisse apparaître le visage de « la bête ». Visage que l’on retrouve débarrassé de ce papier déchiqueté sur la première page en couleur. L’effet est saisissant et l’accueil glacial présage bien du reste du récit sans trop en dévoiler. Le suspens est tenu de bout en bout.

Agréable à lire, ce manga ravira les amateurs du genre ! Jouant à la foi sur le graphisme et la mise en scène, l’histoire est particulièrement bien servie par le traitement réaliste du dessin qui bénéficie d’une impression de qualité. Une bonne surprise qui devrait donner quelques sueurs aux lecteurs.

Gwenaël JACQUET

« Hideout » par Masasumi kakizaki
Édition Ki-oon (7,50 €) – ISBN : 978-2-355-92321-0

HIDEOUT © 2010 Masasumi KAKIZAKI / Shogakukan Inc.

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