ZOOM SUR LES MEILLEURES VENTES DE BD du 14 janvier

Evidemment, pas de nouveauté dans ce classement qui récapitule les meilleures ventes de bandes dessinées du mois de décembre, dominé par le nouveau « Lucky Luke », devant « Lanfeust », « Largo », « Titeuf » et « Thorgal ».

Ouf ! D’après Ipsos et Livres Hebdo, le livre, en général, et la bande dessinée qui en est toujours l’un des secteurs les plus porteurs (voir mon rapport annuel pour l’ACBD : http://bdzoom.com/spip.php?article3675), en particulier, sont passés entre les gouttes de la crise… Pourvu que ça dure ! C’est le moins que l’on puisse souhaiter en ce début d ?année, en même temps que tous nos meilleurs vœux à nos fidèles lecteurs hebdomadaires, toujours plus nombreux …

Parmi les meilleures ventes de livres du mois de décembre 2008, 4 bandes dessinées sont même arrivées à se glisser entre 3 des volumes de la saga à succès de Stephenie Meyer, dont le premier volet vient tout juste d’être adapté sur grand écran ( » Twilight « , devenu en français  » Fascination  » chez Hachette) et les romans de Atiq Rahimi, de Jean-Louis Fournier et de Joanne Kathleen Rowling, ou encore l’autobiographie d’Olivier de Kersauson. Il s’agit, dans l’ordre, du 3ème album des nouvelles aventures de  » Lucky Luke  » (reprises par Achdé et Laurent Gerra) qui s’assure une belle 2ème place dans le ? Top 20 ? des meilleures ventes de livres (tous genres confondus), après avoir même eu accès à la 1ère marche du podium la semaine dernière, suivi par le 8ème  » Lanfeust des étoiles  » en 8ème position, le 16ème  » Largo Winch  » avec une 9ème place qui est confortée par le succès de son adaptation cinématographique, et le tome 39 de  » Naruto « , le manga de service, en 17ème position !

Pas de surprise, mais une belle résistance à la dureté du marché, lequel a conforté les valeurs sûres en cette période qui fut propice aux cadeaux. Donc, rien d’étonnant à ce que l’on assiste aux remontées de pratiquement tous les « blockbusters » de la fin de l’année 2008 (que ça soit  » Titeuf  » en 19ème semaine,  » Le Chat « ,  » Les Bidochon  » en 16ème semaine ce qui n’est pas mal non plus,  » Les Simpson  » ou  » Les Blondes « ), au retour de  » Carla et Carlito « , ou à la consolidation du  » Donjon de Naheulbeuk « , de  » Thorgal « , de  » Sœur Marie-Thérèse des Batignolles « , des  » Blagues de Toto  » et même d’ouvrages moins « commerciaux » comme le  » Putain de guerre !  » de Tardi ou  » Le retour à la terre  » de Larcenet et Ferri. Par contre, il est intéressant de remarquer que les ventes de l’adaptation du feuilleton  » Kaamelott  » ne se sont pas aussi bien comportées que celles des véritables créations du secteur, puisque qu’elle n’est plus présente dans notre ? Top 15 BD ? !

En tous cas, voilà qui met à mal les tentatives de déstabilisation de ceux qui prédisent l’effondrement des classiques du 9ème art franco-belge au profit des bandes alternatives et des mangas (une situation qui favoriserait leurs propres goûts) : des soi-disant spécialistes qui ont l’habitude d’utiliser le travail des autres (qu’ils n’hésitent pas, par ailleurs, à critiquer sans vergogne) pour argumenter leur propos et faire dire aux chiffres ce qu’ils ont envie qu’ils disent. L’une de ces personnes est intervenue lors de la 3ème Université d’été de la bande dessinée, laquelle s’est tenue, du 30 juin au 4 juillet 2008, dans l’orangerie du château de la Pouyade, à l’initiative de la Cité internationale de la bande dessinée (ex-CNBDI et Maison des auteurs d’Angoulême). Ses propos, certes non dénués d’intelligence mais qui mettent seulement en avant les valeurs chiffrées capables d’illustrer son argumentaire, ont tenté de nous prouver que la bande dessinée n’est pas aussi populaire qu’on aurait tendance à le croire ! Bien entendu, il ne fait aucune allusion au fait qu’1 livre acheté sur 8 et qu’1 ouvrage emprunté sur 5 dans les bibliothèques soit une bande dessinée (d’après mon rapport pour l’ACBD) ou encore que 70% des français aient acheté ou lu au moins une bande dessinée au cours des derniers mois de 2007 et que 50% des foyers français possèdent plus de 20 albums (d’après une étude TNS Sofres réalisée en 2007) : cela n’aurait pas apporté de l’eau à son moulin !

Heureusement, excepté ce parti pris qui n’engage que son auteur, l’ensemble des textes prononcés pendant ces 5 jours s’est révélé vraiment très intéressant. Ils viennent d’ailleurs d’être rassemblés dans un ouvrage indispensable édité par Les Impressions nouvelles : « L’état de la bande dessinée : vive la crise ? », titre provocateur (et assez mal à propos, il faut bien le dire) qui correspondait au thème de cette Université. Ce livre passionnant, illustré par des dessins réalisés pendant les débats par Charles Berberian, Philippe Dupuy, Mathieu Sapin et Lewis Trondheim, permet de comparer les propos de divers et solides maillons de la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, diffuseurs, libraires, directeurs littéraires, critiques et autres spécialistes), lesquels se sont tous efforcés, avec plus ou moins de réussite, de tenir un discours allant au-delà de leur propre intérêt, même si tout le monde, et c’est humain, voit quand même le marché de la bande dessinée par le petit bout de sa propre lorgnette. Pour la plupart d’entre eux, quand ça ne va pas, c’est souvent la faute aux autres (il faut bien trouver un responsable à tous nos malheurs), et quand ça va bien, on en tire, et là aussi c’est humain, une propre gloriole : dans le style « C’est moi que je suis le meilleur éditeur et que les autres sont des vilains publieurs… », par exemple… Et tous de s’accorder, à l’exception de quelques voix discordantes minoritaires, que ce n’est pas la crise (à part, et c’est certainement là que c’est le plus dommageable et le plus grave, pour les auteurs) : que c’est seulement un malaise dû à une mutation impliquant une difficulté à s’adapter aux changements inhérents à notre époque…

Enfin, il faut saluer les intelligentes synthèses réalisées à la fin de chaque journée (de chaque thème, en fait ; c’est à dire : les raisons d’un essor, nouveaux visages de la bande dessinée populaire, manga : pour combien de temps encore ?) par l’érudit Benoît Peeters*, lesquelles sont remarquables de bon sens et d’esprit d’ouverture ! Bref, un ouvrage que tous ceux qui sont passionnés par le commerce de la bande dessinée sur le territoire francophone européen se doivent de lire pour bien connaître le contexte actuel et pour éviter de raconter n’importe quoi dans les salons ou sur les forums où l’on cause !

Gilles RATIER, avec un peu de Laurent TURPIN

* Benoît Peeters qui vient de sortir, toujours aux Impressions nouvelles, un très intéressant résumé de son propre itinéraire (« Ecrire l’image ») : des expériences visuelles et narratives qui se révèlent être, surtout, une réflexion originale sur les métamorphoses de l’image.

« TOP 15 BD »:
DU 8 DECEMBRE 2008 AU 4 JANVIER 2009
(Copyright Ipsos/Livres Hebdo)

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