Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Kamichama Karin Chu » T1 par Kogé-Donbo
S’il y a bien une dessinatrice de manga qui utilise à fond tous les stéréotypes que les Occidentaux reprochent aux bandes dessinées venues du Japon, c’est bien Kogé-Donbo. Cette mangaka revient enfin en France avec sa série : « Kamichama Karin Chu ». Suite de « Kamichama Karin » qui, curieusement, n’a pas été publiée chez nous.
Le style de Kogé-Donbo est reconnaissable immédiatement avec ses personnages kawa (mignons) complètement néoténisés(1). Elle s’est rendue célèbre dans les années 90 avec « Di Gi Charat »(2), un manga, puis une série d’animation mettant en scène des personnages complètement farfelus, mais extrêmement mignons. C’est ce style que l’on retrouve dans « Kamichama Karin Chu ».
L’histoire de « Kamichama Karin Chu » commence là où « Kamichama Karin » s’est arrêté, sauf que nous n’avons jamais eu ce premier opus en France. Est-ce dû aux versions « internet » facilement accessibles, que ce soit en manga ou en animation, je ne sais pas?? Du coup, le lecteur plonge immédiatement au cÅ“ur de l’histoire comme s’il connaissait les protagonistes. Une page de rappels est bien là pour expliquer la genèse du titre, mais cela reste succinct. Ce n’est pourtant pas un problème pour lire ce volume des aventures de Karin : tout y est tellement loufoque et simpliste qu’il n’est pas besoin de s’embarrasser d’explications supplémentaires.
La base des aventures de Karin est on ne peut plus classique : jeune fille de 13 ans, elle est élevée par sa tante qui est loin d’être attentionné à son égard. Mauvaise en tout, elle n’est pas l’élève la plus populaire de l’école. Pour couronner ce lot de malheur, son chat, Nyaké, meurt à son tour. Là s’arrête le côté larmoyant de l’histoire puisque grâce à une bague magique léguée par sa mère elle peut à volonté se transformer en déesse. Du coup, elle en profite pour ressusciter son chat (mais pas sa mère, fille indigne). Grâce à la bague, elle va retrouver Kazuné, son amoureux, et découvrir qu’ils étaient déjà mariés. S’en suit de nombreuse péripétie plus invraisemblable les unes que les autres, mais toujours avec ce côté « kawai » qui fait le charme de la série.
Dans ce second opus, Kazuné revient d’Angleterre où il était parti à la fin des sept précédents volumes inédits de « Kamichama Karin ». Après une bonne nuit de sommeil, les deux amoureux qui, je le rappelle, n’ont que 13 ans et vont à l’école comme tout enfant, se réveillent avec à leur coté un bébé qui parle et leurs remet, à chacun, une bague de théomutation : ce qui leur permet de changer d’apparence comme dans toute série de Magical-Girl qui se respect. Cet enfant donne également à Karin une horloge de Chronos en forme de cÅ“ur qui permet de remonter le temps.
Comme vous pourrez le constater, ce manga est surréaliste ; aussi bien dans le traitement des événements que dans celui des personnages. Rien n’est plausible et il faut un sacré détachement pour accepter cette suite d’événements improbables. Le dessin de Kogé-Donbo aide beaucoup pour ça. Rempli d’effets, il abuse des trames en dégradé, avec des étoiles ou autres explosions graphiques. Les personnages sont toujours très mignons, avec des yeux exagérément démesurés et, là encore, remplis d’étoiles, le nez est quasiment inexistant et la bouche toute petite, les cheveux sont fins et les expressions caricaturales. Les costumes, composés de multiples froufrous et autres attributs virevoltants au vent semblent taillés sur mesure : un régal pour les yeux, mais c’est bien tout. L’histoire souffre énormément de cette simplicité. On est loin des Magical-Girls d’antan qui véhiculaient un message positif envers la jeunesse, ici, tout se résout en un clin d’oeil avec un petit voyage dans le temps.
Peu de morale ou de let-motiv crédible, ce manga est un pur divertissement destiné aux très jeunes enfants de moins d’une dizaine d’années. Rien n’est choquant et il y a très peu de sous-entendus pouvant déranger. Par contre, la beauté du dessin et de la mise en page devrait inévitablement attirer un large public friand de ce genre de recherche graphique.
Gwenaël JACQUET
« Kamichama Karin Chu » T1 par Kogé-Donbo
Édition Pika (6,95€) – ISBN : 978-2-8116-0549-0
(1) Néoténie : Conservation des caractéristiques enfantines pour un sujet adulte. On considère souvent que certains mangas utilisent, pour des personnages adultes, des traits caractéristiques aux bébés : tels que les grands yeux, les membres courts et une tête démesurée.
(2) « Di Gi Charat »: Manga publié chez Végétal en 2003 puis par Soleil en 2005.
© Kamichama Karin Chu Kogé-Donbo/Kodansha ltd