L’eau est essentielle à la vie et, pourtant, tout concoure à la gaspiller, à la dégrader, au point de se demander si on ne risque pas très vite d’en manquer. Dans certains pays, changement climatique et sécheresse rendent le sujet encore plus inquiétant. Même en Bretagne, région pourtant bien arrosée, le sujet est préoccupant et l’album « L’Urgence de l’eau », sous-titré « Enquête à la source », fait un utile tour de la situation, de ce qui pourrait aboutir à la « guerre de l’eau »…
Lire la suite...« Papeete, 1914 » T1 (« Rouge Tahiti ») par Sébastien Morice et Didier Quella-Guyot
Le premier août 1914, Simon Combaud ne connait rien de Tahiti quand il débarque à Papeete. La venue de cet homme bien habillé en costume trois pièces noir et chapeau melon demeure un mystère pour la petite société coloniale qui anime ce port vivant du Pacifique. Cabaretier affable, missionnaire exalté, peintre fauve et nombreux militaires se mêlent à une population polynésienne accueillante, voire un peu plus pour des vahinés lascives mais dotées de forts caractères. Trois jours plus tard, une nouvelle ébranle l’archipel, l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne…
Les officiers organisent la défense de Papeete face à une possible attaque de l’escadre germanique du Pacifique. Dans une atmosphère inquiète, une vahiné meurt accidentellement sur un sentier montagneux. Quand sa camarade décède de la même manière tout le monde comprend qu’il s’agit de meurtres. En premier lieu Simon Combaud qui semble enquêter sur une vieille affaire similaire. En septembre le bombardement de la capitale de la Polynésie française par des navires du IIème Reich marque l’arrivée incongrue de la Première Guerre mondiale dans les atolls du Pacifique.
On pénètre à la lecture du diptyque « Papeete, 1914 » dans l’atmosphère languissante des îles du vent où le temps semble n’avoir pas de prise comme le chantait Jacques Brel à propos de l’archipel voisin des Marquises. Vahinés peu farouches, métropolitains indolents, artistes -comme le bien réel Octave Morillot – en quête d’inspiration exotique peuplent une ville de province éloignée par 18 000 Km de la métropole. L’irruption d’un enquêteur au « museau de fouineur » rompt un équilibre que l’on sent fragile dans la société polynésienne, il vient mettre à jour quelques lourds secrets, son arrivée précède de peu une série de meurtres sur d’innocentes jeunes filles et la découverte de la guerre moderne et mécanisée dans un milieu paradisiaque.
Le scénario de Didier Quella-Guyot, un amoureux de la BD de voyages bien connu sur bdzoom.com, est intelligent car il mêle astucieusement au thriller – une série de meurtres inexpliqués – un récit historique fort bien documenté- le bombardement de Papeete le 22 septembre 1914 par deux croiseurs allemands, dans une ambiance polynésienne dépaysante faite de grandes plages paradisiaques, de versants de montagnes à la végétation luxuriante et d’une douceur de vivre quotidienne. Les superbes panoramiques de Sébastien Morice mettent en valeur ces paysages. Son graphisme se fait précis dans le moindre détail architectural et pour les perspectives des bateaux de guerre, ses couleurs chaudes parfois inspirées de Gauguin ou de Morillot enveloppent d’un halo suave le corps langoureux des vahinés. La BD prend le temps dans la première moitié de l’album d’installer ses personnages dans un contexte géographique et historique peu usités dans le neuvième art, d’où une série de portraits hauts en couleurs et des dialogues d’une grande justesse. La seconde partie est plus sombre, avec une montée dramatique vers la découverte des meurtres et l’irruption de la guerre.
« Papeete, 1914 » est bien davantage qu’une BD exotique, policière ou historique de plus. Tout en subtilité, l’album se révèle être une présentation fine et sincère d’une société coloniale fragilisée par l’irruption d’une guerre européenne en Océanie. C’est ainsi que la reine Marau Taaroa apparait plusieurs fois et que le thriller met à jour les tensions sous-jacentes entre Polynésiens et Européens. Après un premier travail en commun remarqué, « Le Café des colonies » (éditions Petit à Petit), le duo Quella-Guyot – Morice propose un voyage original, un thriller intense sous les tropiques où s’invitent aussi quelques soldats de la Première Guerre mondiale.
Laurent LESSOUS (l@bd)
PS : Alors que l’édition normale comporte un dossier de huit pages présentant textes et documents, sur le thème « Quand la guerre s’invite sous les cocotiers », le label Canal BD propose, lui, un tirage dos toilé noir sous couverture inédite, avec un ex-libris numéroté et un cahier de dessins de Sébastien Morice de huit pages.
« Papeete, 1914 » T1 (« Rouge Tahiti ») par Sébastien Morice et Didier Quella-Guyot
Emmanuel Proust Éditions (15 €) – ISBN : 978-2-84810-358-7