Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...A l’ombre des tours mortes
C’est un des événements de la rentrée : Art Spiegelman, l’auteur de Maus, revient à la bande dessinée après plus de quinze ans d’absence.
L’ouvrage, qui paraît simultanément le 3 septembre en français, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, Italie, Espagne et Pays Bas, reprend, avec de nombreuses images inédites, les planches élaborées pour l’hebdomadaire allemand Die Zeit et pré – publiées par plusieurs revues européennes dont Courrier international. Présentées sous grand format, comme aux origines des publications dominicales, les planches se succèdent, mêlant réalisme et onirisme, aux rythme des peurs, des incertitudes et des trop nombreux doutes de l’auteur sur la sécurité internationale mais aussi intérieure de son pays, dont il n’aime clairement pas les dirigeants actuels, à commencer par le premier d’entre eux, Georges W. Bush. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si A l’ombre des tours mortes paraît en ce jour de convention républicaine et alors que la campagne présidentielle américaine entre dans sa dernière ligne droite.
Art Spiegelman n’a jamais voulu faire de dessins politiques. Pourtant, les attentats du 11 septembre, qu’il vécut avec proximité et émotion, mais aussi « comment ce détournement d’avions a été détourné par la clique Bush » ont incité l’auteur de Maus, le seul ayant jamais obtenu le prix Pulitzer pour une BD, à retourner vers la bande dessinée, lui qui avait abandonné ce style narratif, indiquant – entre autres – dans une longue préface explicative, qu’il avait passé « une bonne partie de la fin du Xxème siècle à essayer de ne plus en faire ». Il lui préférait alors l’illustration, travaillant notamment au New-Yorker, dont il réalisa la célèbre couverture, six jours après les événements, représentant une image noire des tours sur fond noir. Le dessin, repris pour l’album, s’agrémente cependant ici d’une bande colorée mettant en scène les plus importants personnages du neuvième art américain. Parce que « juste après le 11 septembre 2001, tout en attendant une autre attaque terroriste, beaucoup on trouvé un réconfort dans la poésie ; d’autres ont cherché dans les vieilles BD ». La bande dessinée comme refuge et espoir, quelle vision inattendue mais séduisante ! Dans la seconde partie de son ouvrage, Art Spiegelman raconte donc les origines de la bande dessinée (et en propose des planches, avec Manhattan en toile de fond ou en situations « explosives » ), la rivalité entre Pulitzer et Hearst – « les titans jumeaux du journalisme moderne » -, Windsor McCay (Little Nemo) ou encore McManus (Bringing up father – La famille Illico) et confie aux lecteurs sa profonde admiration pour le Krazy Kat d’Herriman, qui lui inspire son allégorie finale : « puisque chaque paradis a son serpent, on doit d’une manière ou d’une autre apprendre à vivre en harmonie avec ce serpent ! ».
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Laurent Turpin
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Editions Casterman – 25€