Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES N°46 DU 30 AOUT 2004
Votre chronique hebdomadaire «Plus de lectures» est de retour, avec cette semaine : « Shandy, un anglais dans l’empire T.1 : Agnès » par Dominique Bertail et Matz aux éditions Delcourt, « Queen & Country T.1 » par Steve Rolston, Brian Hurtt et Greg Rucka aux éditions Semic, « A l’ombre des tours mortes » par Art Spiegelman aux éditions Casterman, «Raoul & Fernand T.2 : Le frigo de l’angoisse» par Erroc aux éditions Bamboo et « Les nouvelles aventures de Jimmy Tousseul T.1 : Blanc et noir» par Daniel Desorgher, Benoît Despas et Stephen Desberg aux éditions Paris-Bruxelles.
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« Shandy, un anglais dans l’empire T.1 : Agnès » par Dominique Bertail et Matz
Editions Delcourt (12,50 Euros)
D’entrée de jeu, le graphisme hyperréaliste de Dominique Bertail vous en met plein la vue ! Cet ancien des «Enfants du Nil» s’était jusque là cantonné à des illustrations pour les revues des éditions Bayard, pour le site coconino-world.com, pour la pub ou le cinéma et aux deux volets de «L’enfer des Pelgram», un pêché de jeunesse réalisé avec son professeur d’Angoulême Thierry Smolderen : sa mise en image délicate et romantique y faisait déjà plus qu’illusion. Sur «Shandy», où complots politico-historiques du début du XIXème siècle se mêlent à une quête initiatique, son dessin explose littéralement, reléguant le scénario pourtant fort bien construit de Matz au second plan. Cette histoire de jeune noble anglais qui rêve d’aventure et qui sera la victime d’une escroquerie amoureuse et surnaturelle s’annonce, cependant, être fort agréable et nous attendons avec impatience les prochains épisodes qui, nous n’en doutons pas, ne ferons que confirmer cette première bonne impression.
« Queen & Country T.1 » par Steve Rolston, Brian Hurtt et Greg Rucka
Editions Semic (15 Euros)
La belle collection «Semic N.O.I.R», qui, comme son nom l’indique est axé sur des polars privilégiant le noir et blanc, comporte encore peu de titres mais les trois BD de son catalogue méritent vraiment le détour. Les deux premières étaient signées Brian M. Bendis, le scénariste chouchou de la Marvel (avec «Ultimate Spider-Man», entre autres) qui ici assumait textes et dessins, et cette nouveauté est due au scénariste qui l’a remplacé sur «Elektra» : Greg Rucka. Lui aussi spécialiste du roman noir (genre qu’il a abordé avec quelques romans au début de sa carrière), il travaille d’abord pour Oni Press (avec «Whiteout», traduit en France chez Akiléos) puis pour les deux grands éditeurs américains de super-héros : DC Comics (il y reprend «Batman» et «Wonder Woman») et Marvel (avec «Spider-Man», «Wolverine», «Ultimate Daredevil & Elektra», etc.). Remarqué pour son travail sur la série DC «Gotham Central» (traduite chez Semic), il s’apprête aujourd’hui à reprendre les rênes des séries régulières de «Wonder Woman» et de «Wolverine». Son «Queen & Country», réalisé pour Oni Press en 2001, est une série d’espionnage remplie de suspense qui met en scène les opérations délicates des agents du S.I.S. au Kosovo puis en Afghanistan. La personnalité attachante de Tara Chace, une femme au bord de la dépression, y est particulièrement développée (Rucka aime bien les personnages féminins) et les nombreuses scènes d’action permettent à l’ensemble d’être très plaisant à lire même si les changements de dessinateurs d’un épisode à l’autre ne sont pas toujours très propices à la cohésion.
« A l’ombre des tours mortes » par Art Spiegelman
Editions Casterman (25Euros)
Somptueux et atypique ! Voici les qualificatifs qui conviennent le mieux à «A l’ombre des tours mortes», ouvrage de 42 pages entièrement cartonnées : un écrin, tout de noir recouvert, qui met en valeur chaque double page grand format d’ Art Spiegelman, afin de fêter dignement son retour à la BD. Entre tentatives graphiques originales et hommages appuyés aux BD américaines du début du siècle dernier (« Krazy Kat« , « Little Nemo« , « Bringing up father« …), le génial dessinateur de «Maus» essaie de restituer, sur le papier, le traumatisme qu’il a vécu lors du 11 septembre 2001 à Manhattan, pendant et après l’attentat contre les deux tours new yorkaises du World Trade Center. Le résultat, qui fût pré-publié, en partie, par l’hebdomadaire Courrier International, est assez surréaliste et dérangeant, surtout pour les américains qui sont, en ce moment, dans la dernière ligne droite de leurs élections présidentielles. Notons qu’une passionnante interview de Spiegelman par Benoît Peeters est publiée dans le n°7 de la luxueuse revue Bang ! , laquelle est également publiée par les éditions Casterman.
« Raoul & Fernand T.2 : Le frigo de l’angoisse » par Erroc
Editions Bamboo (8,99 Euros)
Si vous souhaitez rire de bon cœur avec des pages de gags ou de strips complètement dingues, n’hésitez pas à vous procurer le deuxième album de «Raoul & Fernand» qui vient de paraître aux éditions Bamboo. Ce chat aussi rayé que délirant et ce chien aussi mollasson qu’abruti continuent à se poser des questions aussi graves qu’existentielles : «Quand est-ce qu’on mange ?» ou «Qu’est-ce qu’il y a à la télé ce matin ?». Ce monde fascinant et plein de fureur est dû à l’imagination sans bornes d’Erroc (alias Gilles Corre, lequel assure ici textes et dessins) connu pour être aussi le scénariste des «Musicos» avec Michel Janvier et des «Profs» dessiné par Pica (alias Pierre Tranchand). Ca tombe bien, le 6ème tome («Classe touriste») de ce très drôle best-seller éducatif, tiré à 150 000 exemplaires, vient lui aussi de sortir chez le même éditeur : juste à temps pour la rentrée des classes !
« Les nouvelles aventures de Jimmy Tousseul T.1 : Blanc et noir» par Daniel Desorgher, Benoît Despas et Stephen Desberg
Editions Paris-Bruxelles (9 Euros)
Alors que son principal concurrent (Média Participation, c’est à dire les éditions Dargaud, Le Lombard, Kana, Lucky Comics, Blake et Mortimer, Fleurus, Mango…et Dupuis depuis peu) s’est imposé comme le leader de la BD francophone en contrôlant désormais 37% du marché, le groupe Glénat (avec Vents d’Ouest, Glénat Mangas…) réplique en jouant la carte de la diversification avec deux nouveaux labels. Le premier s’appelle Caravelle et nous propose de changer d’horizon avec des récits différents et dépaysants réalisés par des auteurs de cultures différentes. L’autre label créé (Paris-Bruxelles) privilégie, quant à lui, une ligne franco-belge de tradition et fait revivre “Jimmy Tousseul”, personnage haut en couleurs, créé en 1988, par Daniel Desorgher et Stephen Desberg, pour le journal Spirou. Ces nouvelles aventures légèrement fantastiques se déroulent toujours sur le continent africain et sont désormais écrites avec respect et continuité par Benoît Despas, sous l’œil bienveillant des créateurs.
Gilles RATIER