Jean Dufaux et Philippe Delaby au café littéraire des Rendez-vous de l’Histoire de Blois

Le prix Château de Cherverny de la bande dessinée historique 2011 a été attribué à l’album de Jean Dufaux et Philippe Delaby, « Revanche des cendres », le tome 8, de la série « Murena ». À cette occasion, les auteurs ont été reçus …

Le prix Château de Cherverny de la bande dessinée historique 2011 a été attribué à l’album de Jean Dufaux et Philippe Delaby, « Revanche des cendres », le tome 8, de la série « Murena ».

À cette occasion, les auteurs ont été reçus par Joël Dubos le dimanche 16 octobre, de 10h à 11h, lors du café littéraire organisé dans les locaux du salon du livre dirigé par Hélène Renard. Devant un public nombreux, les auteurs ont répondu aux questions du modérateur, qui a eu à cœur de nourrir l’entretien d’analyse de planches et d’une réflexion sur les enjeux littéraires du péplum et les contraintes méthodologiques qu’impliquait la recherche de la qualité historique.

Un premier temps introductif a permis au public de mieux découvrir deux personnages majeurs de la BD franco-belge actuelle. Avec plus de 200 albums à son actif, Jean Dufaux fait figure de géant éclectique et talentueux touchant à tous les genres. Il a de fait su mettre à profit sa formation diversifiée (études de cinéma et de psychologie de l’art, théâtre et journalisme) pour réaliser des séries alliant succès populaires et succès critiques, scénarios d’aventures et ambitions d’écriture, notamment par la psychologies fouillées et complexe de ses personnages, alliée à une grande attention portée aux cadres, et des dialogues à la fois vifs et parfaitement orchestrés. Quand à Philippe Delaby, il a lui aussi placé très haut son degré d’exigence, frôlant plus qu’à son tour la tentation picturaliste, illustrée par la multiplication des cases fortes, magistralement mises en traits. Il n’en abandonne pour autant jamais le souci constant du vrai dessinateur de BD de s’inscrire dans la fluidité de lecture d’une sérialité séquencée, avec la conscience avivée que le médium repose sur la restitution d’une continuité rompue par le découpage, et restaurée par la démarche cognitive d’une lecture-recomposition.

Ensuite, les auteurs, invités à expliciter les conditions de la naissance de la série, ont répondu par une anecdote : c’est en déjeunant dans un restaurant italien, alors qu’ils envisageaient un travail sur un sujet historique, mais hésitaient entre plusieurs périodes riches en potentialités narratives (comme le XVIe siècle), que la solution leur fut donnée par un tableau accroché au mur et représentant une louve : la BD se situerait donc à Rome, sous les Julio-Claudien, et tournerait autour de la personnalité de Néron. Fervents cinéphiles, les deux compères n’eurent ensuite aucun mal à converger autour d’un fonds référentiels communs (ah ! l’impact de Ben Hur sur la passion de l’histoire romaine !), avec la volonté de dépasser les clichés hérités d’une historiographie orientée, qui présentait Néron sous un jour aussi simpliste que noir.

Philippe Delaby a également explicité son souci constant d’adosser son dessin à une approche quasi archéologique, nourrie de recherches documentaires précises, collant au plus près à la réalité historique. Lorsque la référence manque dans la documentation, il choisit de procéder à une sorte de réinterprétation, jouant sur la cohérence et la probabilité dans la reconstitution. Adepte d’un trait frôlant l’hyperréalisme, attentif au moindre détail, le dessinateur conçoit son travail comme une mise au service d’une restitution probable, et pour le moins possible.

Revendiquant la notion de péplum, comme un genre à part entière dont les lettres de noblesses, notamment cinématographiques et littéraires, ne sont plus discutables, Jean Dufaux est conscient d’avoir ouvert une voie nouvelle en BD, jusque là peu explorée que l’on pourrait décrire comme « l’aventure historique antique ». Il a également tenu à expliciter la notion de bande dessinée historique : tout en exprimant les exigences de véracité induite par le cadre historique, il a posé clairement la limite du genre. Ni travail proprement historique, ni œuvre explicitement pédagogique, « Murena » se situe à une confluence, sans rien sacrifier à la dimension de l’aventure. Restant une fiction, l’œuvre ne revendique pas une vocation historique, mais, par son encrage chronologique et thématique fort, elle n’en concourt pas moins à faire connaître l’histoire, contribuant par la même à la connaissance de la différence, source de tolérance et d’apaisement.

Vivement applaudis, les intervenants ont visiblement contribué avec efficience, à faire prendre conscience au public exigeant des Rendez-vous de l’Histoire que la place désormais occupée par le 9 e art lui permet de produire des œuvres d’art à part entière, dont la portée sociale, morale et esthétique trouve sa force dans la capacité à éduquer et à cultiver tout en distrayant et en dépaysant. Une conclusion qui, à n’en pas douter, ne sera pas perdue pour l’avenir.

 Joël DUBOS

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