Passionné par l’Histoire et ses faits méconnus, l’humaniste responsable de « La Vision de Bacchus », de « Florida » ou des « Illuminés » s’est acoquiné avec un très sérieux historien (Romain Bertrand, directeur de recherche au Centre d’études et de recherches internationales), afin que l’on entende la parole des Nahuas du Mexique colonial. Pour ce faire, dans cette très réussie démarche expérimentale d’écriture à quatre mains, les deux auteurs nous racontent la vie, après l’invasion espagnole, d’un prêtre franciscain qui, aidé par un Indien converti, a consacré un demi-siècle à l’établissement du Codex de Florence : quasiment 2 500 pages — et autant de dessins — pour préserver la souvenance du peuple aztèque promise à l’anéantissement.
Lire la suite...La chute, tome 1, Les prisons de chair

Les petites structures de la bande dessinée réservent souvent d’excellentes surprises : les Editions petit à petit réussissent avec cet album à donner sa chance à une oeuvre originale et forte, dont la réussite tient à la complémentarité de ses deux auteurs en totale symbiose
Le récit se déroule sur deux plans. D’une part, se développe la narration des derniers jours des cathares réfugiés sur le Pog de Monségur, impeccable de véracité historique. D’autre part, en voix off, un commentaire théologique à la première personne remettant en cause l’interprétation cosmogonique de l’Eglise procure sa tension fantastique au récit.
A l’intensité dramatique du récit de Gabella, qui a subtilement composé une trame restituant toutes les facettes humaines, politiques et religieuses du drame cathare, répond le trait acéré et la couleur expressionniste de Poulos qui parvient parfaitement à rendre la cruauté implacable du temps et le vertige des lieux, des enjeux et des choix personnels ou collectifs. D’un côté, un texte qui retrouve toute la puissance contestatrice de l’hérésie, offrant au passage une autre interprétation inspirées des querelles théogoniques des premiers siècles de la chrétienté (et si le créateur de l’univers n’était pas Dieu lui-même ?), de l’autre des scènes intenses qui reposent sur des cadrages serrés et des dominantes chromatiques angoissantes. Un album d’une grande richesse qui gagne à être relu plusieurs fois.
Joël Dubos
La chute, t1, Les prisons de chair, Gabella, Poulos, Petit à Petit, 13,50 euros