« Les Ignorants » : récit d’une initiation croisée par Étienne Davodeau

« Les ignorants, ce sont Richard et moi, mais, en fait, nous tous …», lance à la cantonade Étienne Davodeau, un verre à la main. Un verre qu’il tient bien, par le pied, pour éviter de le réchauffer au cours de cette dégustation qui fait office de lancement de son nouvel ouvrage. Pas si ignorant que ça, l’auteur des « Mauvaises gens » ! Il faut dire que, depuis 18 mois, il apprend bénévolement le métier de vigneron aux côtés de Richard Leroy, qui habite à deux pas de chez lui, au cœur des coteaux du Layon, en Anjou.

 Les deux voisins se croisent régulièrement et s’apprécient, sans cependant rien connaître du métier l’un de l’autre. Et un jour, Étienne Davodeau a une idée : « {Tu m’apprends ton métier et moi je te fais découvrir le monde de la bande dessinée.} » Richard Leroy s’éloigne un très court instant, revient les bras chargés de quatre bouteilles de vin qu’il dépose sur la table et lance « {Ça y est, j’ai réfléchi, on commence !} » »

Davodeau ne choisit pas au hasard, le vigneron n’est pas un productiviste. Et ce métier, il l’a choisit : « {Je travaillais dans le domaine bancaire, nous apprend-il. J’avais choisi Paris car, à l’époque, c’était le seul endroit où l’éclectisme viticole était possible} ».  Il y anime le cercle de dégustation des grains nobles avant de s’investir directement dans la production. Les Noëls de Montbenault, d’abord, puis le Clos des Rouliers. Noté (enfin, ses vins !)  plus de 90 sur 100 par l’américain faiseur de réputation mondiale Parker, Richard  Leroy fait néanmoins dans la discrétion. Labellisé Bio sans en faire état, «{ parce que je refuse que le bio soit un critère commercial pour mes vins} », il fait confiance à la terre, usant de méthode chimique traditionnelle et de la très empirique biodynamie.

Parallèlement au travail de la vigne et à l’élaboration du vin, Étienne fait découvrir à Richard son métier, lui fait rencontrer Gibrat, visiter une imprimerie, découvrir un festival et lui prête de nombreuses BD, dont la plupart endorment Richard. Il faut dire qu’être ignorant confère un droit, celui de tout se permettre par candeur :  Étienne, de jeter dans l’évier des très grands crus et Richard de dire publiquement qu’il n’apprécie pas vraiment Moebius!

Au fil des pages, l’échange de compétences et de savoir faire, mais aussi de réflexions croisées sur leur passion respective, les fait s’interroger, à travers l’expérience de l’autre, sur leur propre métier.

Depuis « Rural », pour citer son premier « docu-BD » (et dont il nous avait longuement parlé à l’époque dans un entretien qu’il m’avait accordé : [http://bdzoom.com/spip.php?article658->http://bdzoom.com/spip.php?article658] et [http://bdzoom.com/spip.php?article659->http://bdzoom.com/spip.php?article659]), mais aussi dans ses récits de fictions, Étienne Davodeau s’attache à décrire le quotidien des gens, leurs combats, leur coup de gueule, leurs espoirs et désespoirs. Avec « {Les Ignorants} », il pousse le bouchon (Facile !) plus loin, nous faisant entrer dans le chemin de la connaissance et de la transmission, dont transpire une générosité qui reste longtemps en bouche (Facile aussi !) .

Osons le faire, puisque nous ne serons ni les premiers ni les derniers : ce Davodeau là est « Un très grand cru » !

{{Laurent TURPIN}}

{{« {Les Ignorants} » par Étienne Davodeau}}
Éditions Futuropolis (24,50 euros)

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