Par les temps qui courent, il est rare qu’un éditeur se lance dans une saga aux allures classiques prévue en plusieurs volumes. Pourtant, Futuropolis a déjà financé les scénarii des six ouvrages nécessaires à l’épopée de « L’Ange corse », lesquels sont d’ores et déjà écrits, et les trois premiers opus sortiront en l’espace d’une seule année… Rien que pour cela — mais pas que… —, saluons la parution du premier tome de « L’Ange corse » : l’histoire d’un orphelin corse qui doit s’expatrier dans l’Indochine des années 1930, pour échapper à une vendetta. Le jeune insulaire est recueilli, à Saigon, par un riche commerçant et propriétaire terrien natif d’Ajaccio : mais sous sa façade respectable, cet homme, bien installé, trempe dans le proxénétisme et le trafic de stupéfiants…
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« Il était une fois… » : c’est une bonne formule pour commencer à voyager, au moins parmi les contes et les légendes. Justement, « Il était une fois » est le nom d’un conteur manchot, d’un griot puisqu’on est en Afrique mais dans un pays indéterminé où règne une corruption parfaitement organisée par des policiers sans scrupules…
« Il était une fois » est plus qu’un conteur, c’est un marionnettiste (animant avec ses pieds !) qui, sous le couvert de ses « mensonges qui sont beaux », et au péril de sa vie, s’en prend aux interdits. Avec succès, d’ailleurs, car enfants et adultes se pressent autour de la brinquebalante roulotte de l’artiste. Du coup, d’histoire en histoire, celles du marionnettiste, celles des spectateurs, celle de Zidrou lui-même, s’étoffe, au bout du « conte », un curieux récit qui semble au premier abord s’adresser aux enfants alors qu’il propose aux dos et aux adultes un récit incroyablement charpenté, parfaitement rédigé (envolées poétiques, réflexions philosophiques, dénonciations politiques…), tendre et cruel à la fois.
D’un côté les « honnêtes » gens qui ont tant besoin de rêver; de l’autre, les censeurs patentés qui usent et abusent de leur autorité rackettant, tuant, sous la férule d’un Salif sadique et despotique, prêt à tout pour faire disparaître la moindre trace de culture et de liberté. En fait, c’est toute une galerie de personnages et même d’autoportraits car les habitants se présentent directement aux lecteurs; chacun, en se racontant, dénonce l’injustice, les mariages forcés à 12 ans, les femmes violées et la barbarie des représentants de l’ordre. Un peu à la façon dont le chanteur Victor Jara, au Chili, en 1973, eut les doigts brisés pour ne plus jouer de sa guitare, « Il était une fois » est un artiste molesté, martyrisé, amputé, bel et bien !
Dans ce récit où l’on sent palpiter la vie des villages et de la brousse, le drame se joue, se noue, s’enfonce, s’engonce terriblement. Mais au-delà de la tragédie, il reste une superbe leçon de sagesse et de vie, de résistance et de fierté. Sans oublier une très belle histoire d’amour, certes contrariée.
Zidrou construit au fil du temps une œuvre de plus en plus personnelle, sensible et intelligente. En outre, ce titre, émouvant et puissant, est un album réellement atypique, un des plus étonnants parus ces derniers temps, sous le couvert du dessin épuré et extrêmement bien coloré de Raphaël Beuchot.
Bref, le poids des mots des griots, le choc des images des auteurs de BD !
Alors bon voyage, quelque part entre Sénégal et Mali…
Didier QUELLA-GUYOT (L@BD et blog)
» Le Montreur d’histoires » par Raphaël Beuchot et Zidrou
Éditions Le Lombard (19, 50 €)